Fukushima : une "source potentielle pérenne de contamination à ce jour, ce sont surtout les forêts", affirme un chercheur français
La terre a été "décapée sur 5 cm" dans une zone de 1 100 kilomètres autour de la centrale nucléaire, indique Olivier Evrard, chercheur au Commissariat à l'énergie atomique
Le pire accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl. Le Japon commémore jeudi 11 mars, les 10 ans de la catastrophe de Fukushima. Une décennie après le tsunami, la décontamination du site se poursuit. La terre a été "décapée sur 5 cm" dans une zone de 1 100 kilomètres autour de la centrale nucléaire, indique sur franceinfo Olivier Evrard, chercheur au Commissariat à l'énergie atomique. Dix ans après l'accident nucléaire, la zone qui reste à décontaminer et qui représente une "source potentielle pérenne de contamination à ce jour, ce sont surtout les forêts", explique Olivier Evrard, chercheur au Commissariat à l'énergie atomique.
franceinfo : Vous vous êtes rendu à plusieurs reprises à Fukushima pour mesurer les conséquences environnementales de la catastrophe. Peut-on dire qu'il y a une zone grande comme la Corse qui reste à décontaminer ?
Alors oui, mais à des degrés divers. Au sein de cette large zone de 9 000 kilomètres carrés, on a une zone qui est plutôt autour de 1 100 kilomètres, donc c'est l'équivalent de la surface de la Martinique, où les niveaux de radioactivité qui sont retombés au sol en 2011 était plus élevés. Il y a du césium 137 qui s'est déposé sur les sols et qui se fixe aux argiles. Pour décontaminer, la solution qui a été prise c'est de décaper sur 5 cm. Ce qui a, dans les zones cultivées et résidentielles, baissé les niveaux de radioactivité de l'ordre de 80%.
Qu'est devenue cette couche de terre décapée qui est radioactive ?
Il y a de l'ordre de 20 millions de mètres cubes de terre qui ont été décapés et stockés au départ sur des bouts de parcelle. Et puis, tout ça est progressivement acheminé vers des sites de stockage temporaire à proximité de la centrale, dans les communes de Futaba et de Okuma. Il y a beaucoup de matières. Et là, les autorités japonaises envisagent de pouvoir réutiliser les matières qui contiennent moins de 8 000 becquerels par kilo de césium 137 pour des travaux de construction de terrassement afin de, justement, limiter la quantité de matière stockée jusqu'à l'horizon 2045.
Et où en est la décontamination de la grande zone de 900 km carrés ?
La surface a été décontaminée en deux zones : une zone avec des travaux intensifs, une zone avec des travaux un peu plus légers. Il reste en fait une zone qu'on appelle "zone de retour difficile", qui couvre une surface d'environ 330 kilomètres carrés, donc c'est proche de la superficie de Mayotte, qui est à proximité de la centrale qui est toujours fermée à la population. Et là l'objectif des autorités, c'est de la rouvrir progressivement, on parle de l'horizon 2023, et sans mener de travaux de décontamination spécifique. C'est-à-dire que les autorités japonaises considèrent que comme la radioactivité décroît avec le temps, elle a décru suffisamment pour que ça ne représente plus un danger pour la population.
C'est aussi le constat que vous faites vous ?
Nous, on travaille beaucoup justement sur l'érosion, parce que l'hypothèse qu'on avait, c'était que dans ce milieu montagneux arrosé par des typhons, il va y avoir des transferts de contamination à travers les paysages, lors des crues notamment. Et ce qu'on observe dans la zone qu'on suit depuis 2011 au même point, c'est qu'on a une baisse de l'ordre de 80 à 90%, parce qu'en fait ces zones décontaminées, les zones cultivées, ce sont les principales sources de matière et de contamination aux rivières. Ce qui reste comme source potentielle pérenne de contamination à ce jour, ce sont surtout les forêts qui couvrent les trois quarts de la surface de ces bassins versants et qui n'ont pas été décontaminés à ce jour.
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