Israël-Palestine : entre meurtres et expédition punitive, retour sur l'escalade de violences en Cisjordanie ces derniers jours
Une nouvelle flambée meurtrière en Cisjordanie occupée. Dans ce territoire administré par l'Etat d'Israël, la situation reste très tendue après la mort de deux colons dimanche 26 février. Une expédition punitive y a été menée et les manifestations pour la paix et l'arrêt de la colonisation ont été réprimées.
Dans un communiqué publié samedi, six pays européens, dont la France, se sont dits "vivement préoccupés" par "la poursuite et l'intensification des violences dans les territoires palestiniens occupés". Franceinfo remonte le fil de ce nouvel épisode de violences.
Le 26 février, un double meurtre secoue la ville d'Huwara
Alors que le début de l'année 2023 était déjà marqué par une aggravation du conflit, la mort de deux Israéliens le 26 février a provoqué de graves affrontements autour de la petite ville d'Huwara, située près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Les jeunes colons, deux frères âgés de 22 et 20 ans, ont été tués par balle alors qu'ils circulaient en voiture. Un meurtre désigné comme un "attentat terroriste" par les autorités israéliennes, qui n'ont toujours pas retrouvé le principal suspect.
Si elle n'a, pour l'heure, pas été revendiquée, cette attaque a toutefois été saluée par le groupe armé Fosse aux lions, créé en août 2022 à Naplouse, ainsi que par le groupe Jihad islamique, qui a évoqué une "opération héroïque". Ces deux organisations sont la cible depuis plusieurs semaines d'intenses raids de l'armée israélienne, dont une opération survenue quelques jours plus tôt à Naplouse, lors de laquelle une dizaine de Palestiniens avaient été tués et 80 autres blessés par balle.
Le soir même, des colons attaquent les habitants de la ville
En réaction à ce double meurtre, une centaine de colons israéliens ont mené une expédition punitive nocturne le 26 février dans la localité d'Huwara, a rapporté l'AFP. De nombreux bâtiments ont été incendiés, tout comme des voitures et des échoppes. "Les colons étaient armés. Ils ont tiré à balles réelles. Il y a eu des gaz lacrymogènes. Mes enfants n'ont pas fermé l'œil de la nuit, ils sont terrorisés", a raconté un habitant de la ville à franceinfo. Bilan de cet acte de vengeance : un Palestinien tué par balle, et plusieurs centaines de blessés, selon les services de secours.
"Ils ont fait tout ça avec la protection de l'armée israélienne", a affirmé un Palestinien à franceinfo. Des soldats sont toutefois intervenus pour évacuer des familles qui risquaient d'être brûlées vives dans leur logement incendié. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui avait juré de "venger" les colons tués, a finalement appelé au calme dans la zone. "Même si le sang est encore chaud et les esprits échauffés, je vous demande de ne pas faire justice vous-mêmes", a-t-il notamment ordonné.
Le 1er mars, un ministre israélien appelle à "anéantir" la localité d'Huwara
Trois jours après ce pic de violences, Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances, a eu des mots extrêmement durs à l'encontre des habitants de la ville. "Je pense que Huwara devrait être anéantie, a déclaré le responsable, figure de l'extrême droite israélienne. Je pense que c'est ce que devrait faire l'Etat d'Israël". Face au tollé provoqué par ses déclarations, Bezalel Smotrich a précisé sur Twitter (contenu en hébreu) qu'il ne visait pas la ville toute entière, mais voulait plutôt "agir de manière ciblée contre les terroristes".
Sa sortie violente a provoqué une vague de condamnations sur la scène internationale. "C'était irresponsable, c'était répugnant, c'était dégoûtant", a notamment réagi Ned Price, porte-parole du Département d'Etat américain, pays allié d'Israël. "Ces propos ne font qu'attiser la haine et alimentent l'engrenage de la violence actuel", a jugé de son côté la France, qui exhorte Israël "à revenir sur sa décision récente d'approuver la construction de plus de 7 000 unités de logement dans l'ensemble de la Cisjordanie occupée".
Comme d'autres pays, la France appelle par ailleurs les différentes parties à respecter les engagements pris lors de la réunion d'Aqaba (Jordanie), le 26 février. Au terme de ces discussions, des responsables israéliens et palestiniens s'étaient en effet engagés à "prévenir toute nouvelle violence" et à faire des efforts en vue d'une "désescalade".
Le 3 mars, une manifestation de soutien sous haute tension
Après les émeutes, qualifiées de "pogrom" par le quotidien de gauche israélien Haaretz (en anglais), la ville d'Huwara a reçu la visite vendredi 3 mars d'une délégation de l'Union européenne. "La violence des colons doit cesser", a notamment déclaré son chef, Sven Kuehn Von Burgsdorff, cité par l'association Middle East Monitor sur son site (contenu en anglais).
Quelques heures après cette visite, des manifestants israéliens ont tenté de défiler à Huwara, mais ils ont été largement repoussés par les forces de sécurité israéliennes. Parmi ces militants figurait l'homme politique Avraham Burg, ancien président du Parlement israélien, filmé en train d'essayer d'accéder au centre de la localité, en vain.
Les événements d'Huwara constituent une épine dans le pied de Benyamin Nétanyahou, qui dirige le pays à la tête d'une coalition d'extrême droite et ultraconservatrice. Comme tous les week-ends depuis son élection, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Tel-Aviv samedi 4 mars, ont protesté contre les violences en Cisjordanie, en plus de leur appel à abandonner une réforme controversée du système judiciaire. Outre ce texte, le Premier ministre israélien et ses alliés veulent instaurer la peine de mort pour les coupables de "terrorisme", un projet polémique qui alourdit davantage l'atmosphère de la région.
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