: Reportage "L’occupation par Israël a brisé nos âmes" : sur le plateau du Golan, les Druzes syriens entre deux feux
Le risque d’une guerre totale s’éloigne un instant, après le discours du chef du Hezbollah, vendredi 3 novembre, qui n’appelle pas à prendre part dans l’immédiat au conflit entre Israël et le Hamas ; de quoi offrir un répit aux Israéliens qui vivent près de la frontière avec le Liban. Mais un peu plus à l’est, dans l’extrême nord de l’État hébreu, sur le plateau du Golan occupé par Israël, la communauté des Druzes syriens guette aussi les derniers évènements. Elle qui subit toujours les conséquences de la conquête par Israël en 1967 de ce plateau stratégique.
Abiad montre du doigt l’autre côté de la vallée : la fenêtre éclairée d’une petite maison blanche, à 500 mètres à peine derrière le barbelé de la frontière syrienne. "Mon frère vit là-bas. Et ça, c’est la maison de ma tante. Mais moi, je ne peux pas y aller". Il a la cinquantaine, connaît par cœur cette "colline des cris", au pied du Mont Hermon. C’est ici que pendant des années, les familles druzes comme la sienne, séparées par le conflit israélo-syrien, ont pu communiquer, mégaphone à la main.
"Sur le plateau du Golan, tous les gens n’aspirent qu’à la paix"
Sa mère, qui vit aussi de l’autre côté, a souvent détaché son foulard blanc pour l’agiter au vent, et faire signe à son fils. Aujourd’hui, il y a Internet et Whatsapp, mais la ligne de démarcation elle, n’a pas bougé."C’est dramatique, lâche Abiad. Je n’ai pas vu mon frère depuis 11 ans". "L’occupation du Golan par Israël a brisé nos âmes", dit-il. Abiad ne connaît pas les enfants de son frère. Lui est druze et laïc et dit se sentir surtout arabe, et syrien de cœur même s’il ne soutient pas le régime. Il est apatride car il n’a pas de passeport israélien et n’en veut pas. Mais bien sûr qu’il se sent concerné, par ce conflit entre Israël et le Hamas. On ne peut pas accepter, dit Abiad, la mort de tant d’enfants, qu’ils soient juifs ou arabes. "Ici sur le plateau du Golan, tous les gens n’aspirent qu’à la paix !"
Dans la petite ville voisine de Mas’ada, Ahaan, 24 ans, tient une boutique de spiritueux désertée; "Le travail est très dur, à cause de la guerre, personne ne vient acheter". Comme beaucoup de sa génération (des Druzes qui n’ont jamais connu la Syrie), Ahaan est davantage tourné vers Israël. Ici, c’est son pays. Ses papiers, pourtant sont syriens et sa famille n’accepte pas qu’il puisse devenir israélien.
Les chiffres montrent que les démarches d’obtention de cette nationalité augmentent tout doucement, chez les jeunes Druzes. Ahaan, lui, parle arabe avec sa mère et hébreu en société. Il se dit très loin de la cause palestinienne. Et dans ce conflit déclenché depuis quatre semaines, il ne souhaite qu’une seule chose : la victoire contre le Hamas.
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