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"L’Europe ne va pas mécontenter les États-Unis" : à Téhéran, les habitants se font peu d'illusions sur l’avenir de l’accord nucléaire

Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, se rend à Bruxelles mardi pour tenter de sauver l'accord nucléaire abandonné par les États-Unis. Dans les rues de Téhéran, l'ambiance est au scepticisme.

Article rédigé par Franck Mathevon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
A Téhéran, un Iranien lit la presse locale le 9 mai 2018, après que Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien avec un retour de toutes les sanctions. (STRINGER / EPA)

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, est à Bruxelles mardi 15 mai pour une réunion avec ses homologues européens sur l’avenir de l’accord nucléaire. Une semaine après le retrait américain du compromis, Téhéran demande aux trois pays européens signataires du texte, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, de dégager des solutions pour sauver l’accord et compenser le rétablissement des sanctions américaines. Dans le cas contraire, l’Iran quittera à son tour le compromis. La population iranienne, elle, n’est guère confiante, comme a pu le constater franceinfo à Téhéran.

Reportage à Téhéran Franck Mathevon et Laurent Grout.

Des effets déjà visibles du retrait américain

Dans les allées du bazar de Tajrish, l’atmosphère est morose. Ici, dans le nord de Téhéran, la population est plutôt aisée. Le marché reste animé, les clients sont nombreux, mais ils dépensent moins. "Le retrait américain de l’accord nucléaire a eu un effet immédiat, particulièrement sur le cours du dollar", explique le jeune gérant d’une boutique de téléphonie mobile. 

Nos prix ont encore augmenté et le nombre de clients a baissé.

Un jeune gérant iranien

à franceinfo

L’inflation frôle les 10% en Iran et pourrait repartir à la hausse après la sortie de l’accord par Donald Trump. Les Iraniens connaissent le discours officiel : Téhéran est prêt à rester dans l’accord, mais seulement si les Européens font des gestes et compensent les sanctions américaines. Ils sont peu nombreux à y croire. Pour cette jeune femme iranienne croisée à Tajrish, il est peu probable que le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif obtienne grand-chose des Européens aujourd’hui à Bruxelles. "Je pense que les homologues européens de Zarif vont se ranger du côté du pouvoir", explique-t-elle. Et pour elle, il ne fait guère de doute qu'ils se rangeront du côté du président américain.

C’est Trump qui détient le pouvoir dans le monde, pas l’Iran. Et donc il faut malheureusement écouter ce que dit Trump, car les Européens vont faire ce qu’il aura décidé.

Une habitante de Téhéran

à franceinfo

Son père, qui l’accompagne, est tout aussi fataliste. "Je pense que les Européens ne vont rien faire pour l’Iran car nous sommes une toute petite partie du monde. L’Europe ne va pas mécontenter les États-Unis. Tôt ou tard, l’Iran se retrouvera seul. Nous devons juste attendre pour voir quel sera l’ampleur du désastre", dit-il.

Besoin du partenaire européen

Reza Hasheminia nous accueille dans son café ultra-moderne qui distribue une marque italienne. Il compte ouvrir d’autres établissements. Et comme beaucoup d’entrepreneurs, il se tourne vers les Européens. "Je leur fais confiance, parce qu’ils expriment leur volonté de rester dans l’accord. Et donc je pense que les Européens vont trouver des moyens. Je pense que vouloir c’est pouvoir. Ils vont trouver des solutions", espère-t-il. Mais le milieu iranien des affaires est pessimiste. Beaucoup d’entreprises étrangères qui ont investi en Iran ces dernières années prépareraient déjà leur sortie du pays.  

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