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Fuir Mossoul et Daech, traverser le Tigre, rêver à des études ailleurs : le récit d'Ahmed, 24 ans

Alors qu'une grande offensive se prépare pour libérer la ville de Mossoul, quelques habitants, dont Ahmed, ont réussi à quitter le fief irakien de Daech. Son récit, jeudi 13 octobre sur franceinfo, montre que la fuite est risquée. 

Article rédigé par Jérôme Jadot, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Ahmed, un étudiant de Mossoul, s'est réfugié au camp de déplacés de Debaga, à 89 km du fief irakien de Daech (RADIO FRANCE / Laurent Macchietti)

Alors que les préparatifs militaires s’intensifient en vue de la reconquête de Mossoul, capitale irakienne de Daech, certains habitants réussissent à fuir la ville. Toutefois, les risques encourus limitent le nombre de ces candidats à l’exode. Mais le danger n'a pas arrêté Ahmed, un étudiant de 24 ans. Jérôme Jadot, envoyé spécial de franceinfo, l’a rencontré dans le camp de déplacés de Debaga, à 80 km environ au sud-est de Mossoul.

Danger sur le chemin de la fuite

Il y a dix jours à Mossoul, Ahmed a franchi le pas, avec pour seul bagage sa carte d’identité, sa carte d’étudiant et un peu d’argent. Le jeune homme fluet a scotché ces quelques effets dans un sac étanche autour de la taille pour nager et traverser le Tigre en pleine nuit. "Je me suis faufilé doucement jusqu’au fleuve. J’ai nagé sans faire de bruit pendant une dizaine de minutes", raconte-t-il. "Quand je suis arrivé de l’autre côté, j’ai marché pendant cinq heures pour rejoindre les peshmergas", ajoute-t-il.

Si les hommes de Daech m’avaient arrêté, j’étais mort

Ahmed, 24 ans, qui a fui Mossoul

Ahmed a aussi eu la chance de ne pas poser le pied sur une mine. Une fois sur le front des peshmergas kurdes, il a rejoint le camp de Debaga, qui regroupe des milliers de déplacés.

Camp de réfugiés de Debaga, à 80 kilomètres de Mossoul. (LAURENT MACCHIETTI / RADIO FRANCE)

Le rêve de continuer à étudier

Le jeune homme a pris tous ces risques parce qu’il ne supportait plus de voir ses études de pétrochimie remplacées depuis deux ans par trois séances hebdomadaires de lavage de cerveau par Daech : "Il y a des conférences obligatoires à la mosquée. Si tu n’y vas pas, ils te jettent en prison ou alors tu dois payer une amende. Tu es fouetté."  L'étudiant détaille les réactions autour de lui : "Les adolescents, ceux qui ont 15 ou 16 ans sont attirés par leur paradis, ils s’engagent. Ce n’est pas le cas de ceux qui ont plus de 20 ans, davantage éduqués." Le jeune étudiant explique aussi que le harcèlement s’est intensifié à l’approche de l’attaque de la coalition. Il relate que certains djihadistes ont aussi fui Mossoul, précisant que ceux sur place préparent les lignes de défense avec des tranchées et des blocs de bétons sur les routes. Les habitants tentent, eux de faire quelques provisions en attendant l’offensive.

Ahmed attend avec impatience le lancement des opérations pour la reconquête de Mossoul. "On entend dans les média, c’est pour aujourd’hui, c’est pour demain. C’est très théorique. On veut qu’ils accélèrent. Là-bas, la situation de nos familles est vraiment misérable", déclare l'étudiant. Mais un retour à Mossoul n’est plus la priorité d’Ahmed. Il veut reprendre ses études en Turquie ou aux Etats-Unis. Pour y joindre ses contacts, il doit d’abord retrouver un téléphone portable. Le sien n’a pas franchi le Tigre.

Fuir Mossoul et Daech, le pari risqué de quelques habitants : un reportage de Jérôme Jadot

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