Irak : les habitants de Mossoul hésitent encore à fuir avant l'offensive contre Daech
Un million de personnes pourraient quitter la deuxième ville d'Irak, où une intervention de la coalition internationale se prépare. Les autorités tentent de retenir ces familles tentées par l'exil.
Fuir ou ne pas fuir Mossoul. C'est la question que se pose près d’un million et demi de personnes dans la 2e ville d’Irak. Aux mains de l’Etat islamique, elle s'apprête à être reconquise par l’armée irakienne avec l’appui de la coalition internationale. Fuir ou ne pas fuir Mossoul, cela pose une question de stratégie militaire avec potentiellement de nombreux civils au milieu des combats. Cela pose aussi la question du dispositif humanitaire largement sous-dimensionné en cas d’exode massif.
Le pire scénario : un million de déplacés
Dans la zone de Khazer, à 30km à l’est de Mossoul, quelques ouvriers mettent la dernière main à un camp de déplacés : un millier de tentes blanches et bleues bien alignées et encore vides. "C’est quasiment fini ici, il n’y a plus qu’à terminer les allées entre les tentes. Je pense que d’ici dix jours tout sera prêt", explique Kassim Ahmad, qui chapeaute les travaux.
Si ce camp-ci est prêt, beaucoup d’autres n’existent encore que sur le papier. Le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) prévoit 120.000 places. Mais le pire scénario envisage sept fois plus de déplacés, c'est à dire un million. Sur les ondes d’Al Ghad radio, qui s’adresse aux habitants de Mossoul, l’animateur dit relayer ce message du ministère de la Défense : "le conseil c’est de ne pas sortir. Restez chez vous, c’est un acte de résistance, répète-t-il. "Et moi je suis sûr que les habitants de Mossoul ont vu la situation misérable des déplacés, comme ils souffrent. Si vous sortez de chez vous, Daech prendra possession de votre maison et elle sera visée."
L'armée tente de retenir les habitants
L’ex-gouverneur de Mossoul, lui-même en exil à Erbil, assume cette invitation pressante à ne pas fuir. Un exode permettrait à l’Etat islamique de contrôler toute la ville, explique Athil Al Noujaïfy. Une raison militaire, avant d’avancer le motif humanitaire : les habitants de Mossoul seraient, selon le militaire, mieux chez eux. "Les infrastructures fonctionnent toujours, les gens ont de l’eau, de l’électricité. Et puis, avec le début des opérations, on va pouvoir leur apporter de l’aide en ville."
Un discours que partage Najim Al Jibouri, le général qui dirige l’offensive dans la région de Mossoul. À l 'écouter, les civils seraient quasiment hors de danger. "On compte beaucoup sur les forces de la coalition pour détruire Daech sans nuire aux populations civiles. En plus nous avons des forces entraînées pour les combats de rue, nous préférons que les habitants restent dans la ville."
Le risque de victimes civiles est énorme
Les appels au maintien de la population ne manqueraient pas d’argument. Faibles capacités d’accueil, hiver potentiellement rude qui approche, risque de prendre une balle ou de sauter sur une mine en fuyant...Mais on ne peut pas décider à la place des populations, insiste Frédéric Cussigh, chef du bureau du HCR à Erbil : "Donner des conseils me paraît déplacé. La seule chose qui semble à peu près entendue, c'est qu'il y a une forte densité de population, donc le risque de victimes civiles est énorme."
Jusqu’à présent le nombre de personnes ayant fui Mossoul dans la perspective de l’offensive est très limité. Le dilemme, pour ceux qui restent, pourrait bien se résumer à risquer sa vie, en restant dans la ville ou bien en la quittant.
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