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Irak : que cherchent les différentes forces qui veulent chasser l'Etat islamique de Mossoul ?

La bataille de Mossoul, tenue par l'Etat islamique, est lancée. En ordre de marche, des Kurdes, des milices, et le gouvernement irakien montent à l'assaut. Franceinfo décortique leurs objectifs divergent de cette coalition hétéroclite. 

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des fumées s'élèvent à l'est de Mossoul (Irak), où une opération militaire pour libérer la ville de l'Etat islamique est en cours, le 17 octobre 2016. (AZAD LASHKARI / REUTERS)

Les colonnes de blindés soulèvent la poussière sur la route de Mossoul, en Irak, lundi 17 octobre. La grande ville sunnite du nord du pays, sur les bords du Tigre, est le théâtre d'une bataille cruciale. L'offensive a été lancée, dans la nuit du dimanche 16 au lundi 17 octobre, afin de libérer la deuxième ville d'Irak des mains du groupe Etat islamique

 

Les jihadistes, qui seraient entre 3 000 et 4 500 selon les estimations américaines, ont pris le contrôle de cette ville d'au moins 1,5 millions d'habitants en juin 2014. Dans le ciel, les avions de la vaste coalition internationale anti-Etat islamique, emmenée par les Etats-Unis, soutiennent l'offensive. Au sol une multitude d'acteurs sont engagés. Franceinfo revient sur les principales forces en présence et leurs intérêts.

L'armée irakienne, appuyée par les milices chiites : reprendre le contrôle de la ville

Qui sont-ils ? Après l'invasion des troupes américaines en Irak et la chute de Saddam Hussein, les chiites sont arrivés au pouvoir avec l'élection de Nouri Al-Maliki au poste de Premier ministre en 2005. Le Premier ministre irakien actuel, Haïder Al-Abadi, est issu du même parti chiite que Al-Maliki, le parti Dawa, banni du temps de Saddam Hussein. C'est Haïder Al-Abadi qui a annoncé le lancement de l'offensive dans la nuit. Les forces fédérales irakiennes comprennent 30 000 hommes. Dans son allocution, le Premier ministre irakien a assuré que seules l'armée et la police irakiennes entreraient dans Mossoul.

Mais la réalité est beaucoup plus complexe. D'abord, le pouvoir central irakien chiite n'a pas d'autre choix que de s'appuyer sur les milices chiites. Hachd Al-Chaabi (mobilisation populaire) regroupe une myriade de groupes paramilitaires dominés par des milices soutenues par l'Iran. Un mouvement composé de volontaires. "Cette mobilisation populaire a remplacé l'armée irakienne dans un certain nombre de combats. C'est eux qui ont repris Tikrit. Ces milices sont aujourd'hui tellement importantes que le gouvernement ne peut pas s'en passer et il est trop faible pour les contrôler", explique Myriam Benraad, chercheuse à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman et spécialiste de l'Irak, à franceinfo.

Que veulent-ils ? Pour Badgad, l'enjeu est de reprendre le contrôle de la ville, et ensuite d'y restreindre le pouvoir des sunnites. Il compte donc sur les milices chiites pour l'aider dans cette tâche. Mais l'implication de ces milices chiites dans cette grande ville sunnite est une source d'inquiétude pour les observateurs.

S'il y a l'émergence d'une milice chiite à Mossoul, on peut craindre une guerre civile

Myriam Benraad

à franceinfo

Par ailleurs, si la bataille de Mossoul fait l'objet d'une stratégie militaire, "il n'y a aucun plan politique", regrette Myriam Benraad. Or, en l'absence d'accord politique sur le contrôle de la ville après la bataille de Mossoul, des actes de vengeances sur les populations civiles sont à craindre. "Certains chefs [des milices chiites] rackettent la population. Ils ne sont absolument pas dans des dynamiques de reconstruction des institutions" assure sur franceinfo Arthur Quesnay, docteur en sciences politiques à la Sorbonne, affilié à l'Institut français du Proche-Orient.

Les peshmergas kurdes : étendre leur sphère d'influence

Qui sont-ils ? Il s'agit des forces de sécurité de la région autonome du Kurdistan irakien. Environ 4 000 combattants kurdes irakiens, selon le commandement général des forces kurdes, se sont emparés de plusieurs villages tenus par des jihadistes à l'est de Mossoul. Cette avancée s'inscrit aussi dans le cadre d'un déploiement qui a commencé il y a plusieurs mois pour reprendre des villages dans la plaine de Ninive, occupée par l'Etat islamique en 2014 et anciennement habitée par des minorités chrétiennes, ont indiqué les commandants peshmergas, lundi.

Que veulent-ils ? "Les Kurdes veulent sécuriser leurs territoires, ils comptent étendre leur sphère de contrôle au nord de l'Irak", précise Myriam Benraad. Le président du gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK), Massoud Barzani, en visite à Paris début septembre, avait assuré, dans une interview au Monde, que si les Kurdes entraient dans Mossoul, ils n'avaient pas l'intention d'y rester.

Mais la participation des Kurdes à la bataille de Mossoul est très mal vue par les populations locales. "En janvier, Amnesty International alertait sur les exactions commises par les peshmergas et les milices kurdes dans des villages arabes du nord du pays, libérés et contrôlés par les combattants des unités du gouvernement du Kurdistan", rapporte L'Obs Ces exactions sont intervenues en représailles au soutien supposé des populations à l'Etat islamique, selon Amnesty International.

Les milices sunnites, soutenues par la Turquie : éviter les débordements des chiites

Qui sont-elles ? Hachd Al-Watani ("Le Rassemblement de la nation") est un groupe de milices majoritairement sunnites, composé de 2 500 combattants issus principalement de la région de Mossoul, explique à France 24Mohammed Mohsen Abou Nour, chercheur et analyste politique spécialiste des questions internationales, basé au Caire, en Egypte. Ces milices, soutenues par la Turquie, sont censées dépendre du ministère irakien de l'Intérieur. Mais dans les faits, le pouvoir aide financièrement les milices chiites alors qu'il délaisse les sunnites, rapporte Le Figaro.

Que veulent-elles ? Le groupe Hachd Al-Watani "compte se venger de l’EI qui l’a chassé de son territoire et qui à réduit son influence, et contrer l’influence chiite dans la province majoritairement sunnite de Ninive", développe Mohammed Mohsen Abou Nour. France 24 a interrogé un haut responsable d’Hachd Al-Watani, qui a insisté sur la légitimité de ses hommes à mener la bataille : "Notre force est la plus importante, car nous sommes des habitants de Mossoul et de la plaine de Ninive. Nous sommes en contact avec des habitants de la ville qui sont prêts à nous aider depuis l’intérieur pour la reprendre". Ces milices sunnites comptent également  protéger la population d'éventuelles exactions commises par des chiites, comme à Falloujah.

A travers ces milices, la Turquie aide les sunnites irakiens marginalisés, mais pas seulement.

La Turquie tente d'influencer les décisions à Bagdad, en prenant le contrôle dans le nord.

Arthur Quesnay

sur franceinfo

Une manière pour président turc, Recep Tayyip Erdogan, d'être partie prenante de la bataille qui s'engage. "Nous ferons partie de l'opération, nous serons à la table. Il est hors de question que nous restions à l'écart", a-t-il déclaré lors d'un discours télévisé, lundi.

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