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Irak : trois questions autour de l'offensive lancée contre l'Etat islamique à Mossoul

La grande ville du nord de l'Irak est aux mains des jihadistes depuis juin 2014.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des peshmergas, des combattants kurdes, sont stationnés aux abords de Mossoul, dans le nord de l'Irak, avant l'offensive contre l'Etat islamique, le 17 octobre 2016. (YUNUS KELES / ANADOLU AGENCY / AFP)

La lutte finale ? L'armée irakienne, des milices essentiellement chiites, des forces kurdes et la coalition internationale menée par les Etats-Unis lancent l'assaut pour reconquérir Mossoul, la grande ville du nord de l'Irak contrôlée par l'Etat islamique (EI) depuis juin 2014. Le début de l'offensive a été annoncé dimanche 16 octobre par le Premier ministre irakien, Haider Al-Abadi. 

Cette bataille pourrait, selon Le Monde, être la plus importante dans le pays depuis l'invasion de l'Irak par l'armée américaine en 2003. 

Quel est l'objectif ?

Mossoul constitue le dernier bastion de l'Etat islamique en Irak. L'offensive vise à reconquérir la deuxième ville du pays, qui avait été prise sans difficulté en juin 2014 par les jihadistes sunnites de l'EI.

La prise de Mossoul marquerait la fin du "califat" autoproclamé en Irak par les jihadistes. Avec des offensives conjointes menées en Syrie et en Irak, "la destruction de l’assise territoriale de l’organisation Etat islamique semble donc à portée de main fin 2016", écrit le site spécialisé Orient XXI. 

Reste un gros bémol : cette victoire militaire ne réglera pas les problèmes politiques et les divisions confessionnelles qui minent l'Irak. Si Mossoul avait été prise aisément en 2014, c'est, en partie, à cause de la profonde défiance de la population locale, en majorité sunnite, envers les forces de sécurité irakiennes, dominées par les chiites. L’écrasement de l’Etat islamique à Mossoul, qui "serait une grande victoire pour le pouvoir iranien", estime Orient XXI, risque une fois de plus d'aliéner les élites sunnites. 

Dans ces conditions, un nouvel avatar de l’EI pourrait bien ressurgir.

Orient XXI

Qui participe à l'attaque ?

Le nombre d'acteurs impliqués dans la bataille de Mossoul est vertigineux : l'armée irakienne, le service du contre-terrorisme, les polices fédérale et locale, les milices dominées par les chiites, les peshmergas, la Turquie, les Etats-Unis et les membres de la coalition internationale – dont la France… Le Premier ministre irakien assure que seules l'armée et la police irakiennes entreront dans Mossoul. Peut-être, mais les forces en présence sont bien plus imposantes, et défendent des intérêts divergents.

Dominée par des milices chiites soutenues par l'Iran, l'organisation paramilitaire Hachd al-Chaabi a déclaré son intention de participer à l'opération. Des peshmergas kurdes ont également fait mouvement en direction de Mossoul, provoquant la présence de soldats turcs sur une base militaire près de la ville et au Kurdistan. Malgré le désaccord de Bagdad, la Turquie tient en effet à participer à l'offensive pour limiter les revendications kurdes.


Début de l'offensive de Mossoul contre l'Etat islamique

Last but not least, la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis fournit un soutien aérien et terrestre essentiel à l'opération. Cette coalition rassemble une soixantaine de pays, dont la France. Des forces françaises sont d'ailleurs présentes en Irak : deux commandos parachutistes de l’air français ont ainsi été très grièvement blessés début octobre par l'explosion d'un drone.

Formées par les Etats-Unis, les troupes irakiennes peuvent compter sur l'envoi de 600 soldats américains supplémentaires. Ce chiffre porte à 4 600 le nombre de militaires dépêchés par Washington en Irak, pays dont Barack Obama espérait pourtant se désengager.

En face, l'Etat islamique compte quelque 3 000 à 4 500 hommes. Dans ses dernières heures, la bataille se réduira certainement à des combats rapprochés rue par rue.

Y a-t-il un risque de catastrophe humanitaire ?

Clairement, oui. La France menace de traîner Vladimir Poutine devant la Cour pénale internationale pour crimes de guerre commis à Alep, en Syrie ? Ironique, le président russe répond "espérer" que les Etats-Unis et leurs alliés, dont Paris, feront de leur mieux pour éviter toute victime civile lors de la bataille de Mossoul.

Et il vise juste : la bataille pour reprendre la ville irakienne pourrait déclencher une crise humanitaire sans précédent, et jeter sur les routes des centaines de milliers de civils au début de l'hiver. Par la voix de son secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Stephen O'Brien, l'ONU s'est dite "extrêmement préoccupée par la sécurité de 1,5 million de personnes vivant à Mossoul qui pourraient être touchées par les opérations militaires .Dans le pire des cas, nous allons littéralement vers la plus grande opération humanitaire dans le monde en 2016." 

Selon l'ONU, un million de personnes pourraient être déplacées en quelques semaines, sans que l'organisation puisse gérer la crise. Car "il existe une règle informelle selon laquelle aucune institution ne peut faire face à un mouvement de population de plus de 150 000 personnes à la fois", souligne l'un de ses responsables. Un demi-million d'enfants sont menacés, rappelle le journaliste Feurat Alani, et, sans routes sûres pour fuir les combats, des familles entières seront tuées.

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