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Yémen : "Nous habitons, travaillons à l'hôpital et n'en sortons pas"

Une équipe de Médecins sans frontières est actuellement à Aden, ville stratégique dont le palais présidentiel vient d'être pris par les rebelles chiites. Témoignage.

Article rédigé par Ariane Nicolas - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Un homme est soigné dans un hôpital à Aden (Yémen), le 2 avril 2015. (SALEH AL-OBEIDI / AFP)

Au moins 44 personnes, dont 18 civils, ont été tuées jeudi 2 avril à Aden (sud du Yémen), où de violents combats opposent des rebelles chiites à des partisans du chef de l'Etat, selon plusieurs sources. Les chiites et leurs alliés se sont emparés du palais présidentiel où le chef de l'Etat s'était réfugié avant de fuir pour l'Arabie saoudite. Francetv info a contacté Valérie Pierre, membre d'une équipe de Médecins sans frontières qui travaille sur place. Témoignage.

Où se trouve votre équipe Médecins sans frontières à Aden ?

Valérie Pierre : Nous sommes un peu en dehors du centre-ville, donc pas à côté du palais présidentiel. Nous travaillons dans un hôpital uniquement dédié aux activités de Médecins sans frontières. L'établissement abrite un centre chirurgical capable d'accueillir 45 personnes en temps normal. Actuellement, 70 lits sont mis à disposition. Nous sommes environ 150 dans cet hôpital, dont six expatriés. Nous habitons, travaillons à l'hôpital et n'en sortons pas. Notre équipe ne circule pas dans la ville, les conditions de sécurité sont drastiques. La plupart des routes sont coupées, il n'y a plus de transports aériens. C'est une zone très difficile d'accès, notamment pour les ambulances. 

Qui soignez-vous ?

Nous n'accueillons que des personnes blessées au combat. Les blessures que nous soignons sont celles d'un pays en guerre, blessures par balles ou explosions. Depuis le 19 mars [début de l'escalade de violence], nous avons soigné 550 personnes. Nous appliquons un strict principe de neutralité, cher à MSF. Nous ne savons pas pour quel camp les blessés combattent. Nous ne voulons pas le savoir, tout le monde peut se faire soigner.  

Disposez-vous du matériel nécessaire ?

Pour l'instant, sans approvisionnement, nous ferons face à une pénurie, c'est sûr. Nous avons notamment besoin d'un renfort humain, car notre équipe travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. C'est stressant et épuisant. On a beau être motivés, ça commence à être difficile. 

Comment décririez-vous la situation à Aden ?

Je suis ici depuis plusieurs mois. L'escalade de la violence a été rapide, à Aden, et nous n'étions pas prêts à faire face. Les choses se sont dégradées progressivement, et très rapidement. Mais je ne dispose pas d'information supplémentaire sur ce qui se passe dans le centre-ville.

Etes-vous en danger ? Envisagez-vous de partir ?

Nous vivons et travaillons à l'hôpital, avec interdiction de sortir. Notre réputation fait que nous avons jusque-là été protégés des combats. Nous pouvons travailler dans l'indépendance, nous ne sommes pas sous protection militaire. Seuls les gardes de Médecins sans frontières, qui sont originaires du Yémen, assurent notre sécurité. Ils ne sont pas armés. Un départ n'est pas envisagé. Au contraire, nous attendons l'arrivée d'une équipe d'urgence pour faire face à l'afflux de blessés. Tant que nous avons la possibilité de travailler, et qu'il n'y a pas d'atteinte à nos équipes, nous ne quitterons pas la zone.

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