Référendum au Kurdistan irakien : le rêve d'indépendance après un siècle de persécutions
Le Kurdistan irakien vote lundi pour ou contre l’indépendance. La province autonome du nord de l’Irak veut couper totalement les liens avec Bagdad. Malgré les pressions des pays voisins, le président Massoud Barzani a maintenu le scrutin, porteur d’espoir pour beaucoup de Kurdes d’Irak.
Les Kurdes sont souvent considérés comme le plus grand peuple sans État au monde. Le référendum d’indépendance du lundi 25 septembre est donc une journée historique pour les Kurdes d’Irak qui n’osaient même pas rêver d’indépendance il y a 30 ans sous la dictature de Saddam Hussein.
Le spectre de Saddam Hussein flotte sur le scrutin
Pour les Kurdes d’Irak, le référendum sur l'indépendance est un aboutissement après un siècle de persécutions, comme en témoigne une famille d’Erbil, la capitale de la province, que franceinfo a rencontrée. Vêtu de l’habit traditionnel, Hassan Slimane, le père, sort les photos de sa jeunesse. Dans les années 1970, il s’est engagé avec les peshmergas pour défendre la cause kurde. La minorité kurde est alors opprimée, mais le pire est à venir, sous Saddam Hussein. "A cette époque, j’ai été en prison à Erbil avec de nombreux Kurdes. J’ai subi beaucoup de tortures et tous ceux qui étaient détenus avec moi ont été fusillés", raconte Hassan Slimane, qui a encore peine à croire que l'indépendance soit aujourd’hui à portée de vote. "C’est une fierté pour moi que les Kurdes décident de leurs droits et de leur destin", poursuit-il.
Les racines de ce référendum se trouvent dans la souffrance du peuple kurde depuis cent ans, en particulier sous le régime de Saddam
Hassan Slimane, habitant d’Erbilà franceinfo
Dans ce salon aux teintes beiges d’une maison cossue du sud d’Erbil, le fils, Karwan, n’a pas oublié l’oppression des années 1980, les massacres de Kurdes commis par le régime irakien et la chape de plomb de la dictature. "Quand j’avais 5 ans et qu’on parlait de Saddam Hussein, mon père disait : 'Les murs vous entendent'. Dans ma famille, on ne pouvait parler de rien. Cette époque était terrible pour nous", se souvient-il. Dans les années 2000, Karwan a vécu quelque temps à Londres. A son retour au Kurdistan, il a trouvé une province transformée, prête pour l’indépendance, affirme-t-il.
On a tout ce qu’il faut, le pétrole, la terre, le drapeau. Depuis 2014, Bagdad ne nous soutient plus. Il faut divorcer de l’Irak
Karwan Slimane, habitant d'Erbilà franceinfo
Bagdad en effet ne finance plus le budget du Kurdistan qui vend son pétrole mais subit la baisse du prix du brut et la province traverse donc une grave crise financière. Mais pas de quoi entamer le désir d’indépendance chez les Slimane. Ils sont neuf en âge de voter, et comme dans de nombreuses familles kurdes, tous sont en faveur du oui.
Une route semée d'embuches
Le président du Kurdistan, Massoud Barzani, n’a pas cédé aux pressions. Il a maintenu le vote malgré les protestations des pays voisins qui craignent que ce référendum ne donne des idées à leurs minorités kurdes, et contre l’avis des Occidentaux, attachés à l’unité de l’Irak.
S'il n’est pas question de déclarer l’indépendance après le vote, une large victoire du oui, très probable, permettrait au Kurdistan d’aborder en position de force les négociations avec Bagdad.
La principale question à régler est celle des territoires disputés, notamment la province de Kirkouk, riche en pétrole, revendiquée par le Kurdistan et par Bagdad. Une question incluse dans le référendum, d’où le risque de conflit. L’Histoire est peut-être en marche mais les Kurdes devront encore attendre. Leur État ne verra pas le jour demain.
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