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Offensive turque en Syrie : la propagande, l’autre combat mené par Erdogan aux portes d’Afrin

En Syrie, la Ghouta orientale, près de Damas, est toujours sous les bombes. Mais d’autres combats font rage dans le nord du pays, où l’armée d’Erdogan mène autant une opération militaire que de propagande.

Article rédigé par Franck Mathevon, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'armée turque n’a qu’un objectif : montrer qu’elle protège les civils de ceux qu’elle appelle les "terroristes", les Kurdes YPG liées au PKK, le parti séparatiste kurde. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

"Nous avons peur, affirme une villageoise, sous le contrôle des militaires. Surtout les enfants. Mais nous avions encore plus peur avant avec les combattants kurdes. Maintenant, avec l’armée turque, cela va mieux. Grâce à Dieu, maintenant des gens nous protègent." Alors qu’au loin résonne l’écho des bombardements, l’armée turque escorte en Syrie un camion du Croissant rouge en route pour une opération humanitaire dans un village du canton d’Afrin repris par les Turcs aux Kurdes, "libéré", précisent les soldats.

L'armée turque surveille la parole

Ce sont ces mêmes troupes kurdes qui ont combattu le groupe État islamique en Syrie et libéré notamment Raqqa. "En sept ans de guerre cette région est restée à peu près sûre, jusqu’à ce que les Kurdes arrivent et s’en prennent à nous", assure un vieil homme, qui semble servir le même discours écrit par l’armée turque.

Alors que des centaines d’habitants fuient Afrin et que l’armée turque est aux portes de la ville, il s’agit, pour cette dernière, autant une opération militaire qu’une opération de propagande. Aussi, quand nous commençons notre interview avec ce villageois arabe, un officier de l’armée turque vient assister à l’entretien, avec, à ses côtés, un traducteur pour vérifier que ce qui allait se dire correspondait bien à la propagande de l’État turc. Impossible de s’écarter du groupe. L’armée turque n’a qu’un objectif : montrer qu’elle protège les civils de ceux qu’elle appelle les "terroristes", les Kurdes YPG liées au PKK, le parti séparatiste kurde.

Pour cette offensive à Afrin, la Turquie s’appuie sur des rebelles syriens, souvent très jeunes. Étonnamment, l’un d’eux accepte de parler : "Nous avons participé aux combats, hier. Cela s’est bien passé. Aujourd’hui la situation est plus calme…" Une fois de plus, l’armée turque veille : fin de l’interview. À la télé, dans les journaux, la propagande turque bat son plein : après Afrin, le président Erdogan veut s’emparer de tout le nord de la Syrie.

En Turquie, critiquer l’opération conduit en prison

L’opinion turque, elle, soutient l’offensive. En particulier à Gaziantep, plutôt favorable à Erdogan. Nous rencontrons Mehmet Aran dans un parc de la ville : "Dans toute cette région, il y a ces sales types du PKK, peste l'homme. Ces militants menacent la sécurité de la Turquie. L’armée turque a lancé une offensive contre ce groupe pour assurer notre avenir.

J’espère que l'armée turque va nettoyer cette région du nord de la Syrie

Mehmet Aran

franceinfo

En Turquie, critiquer l’opération contre Afrin peut vous conduire en prison. À Watan, le quartier kurde de Gaziantep, les habitants fuient les micros, mais Massoud brave l’interdit : "Si vous voulez m’enregistrer, allez-y : je ne crains que Dieu !" Il dénonce les bombardements contre les civils : "On vit en état d’urgence : si cinq personnes se réunissent, elles sont emprisonnées. Beaucoup de gens sont opposés à l’opération contre Afrin, mais ils ne peuvent pas parler. Dans ce pays, les gens aiment la dictature. Ils aiment avoir un dictateur." Le président turc Erdogan profite de l’opération à Afrin pour entretenir la fibre nationaliste et mate l’opposition en assurant n’avoir peur de rien. Pas même des Américains, que les Turcs pourraient trouver sur leur route dans le nord de la Syrie.

. (GOOGLE MAPS / FRANCETV INFO / STEPHANIE BERLU)

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