Voie diplomatique en Syrie : comment chaque pays place ses pions
Les discussions engagées à l'ONU sur une mise sous contrôle de l'arsenal chimique syrien ne s'annoncent pas simples. Francetv info détaille les stratégies des différents acteurs.
La Russie semble avoir réussi son coup de poker. En proposant, à la surprise générale, une mise sous contrôle international des armes chimiques syriennes, Moscou est parvenu à éloigner ou tout du moins à retarder la perspective de frappes militaires contre le régime de Bachar Al-Assad. Tout le monde s'est engouffré dans la brèche, France et Etats-Unis compris. Les discussions diplomatiques, voie désormais privilégiée, ne s'annoncent pas simples pour autant. Car les cartes sont redistribuées. Francetv info détaille les stratégies de chaque pays.
La Syrie veut montrer patte blanche
Au lendemain de la proposition de son allié russe, Damas a affirmé, mardi 10 septembre, être prêt à renoncer aux armes chimiques. "Nous voulons nous joindre à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques", a lancé depuis Moscou le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem. "Nous sommes prêts à annoncer où se trouvent les armes chimiques, à cesser la production d'armes chimiques et à montrer ces installations aux représentants de la Russie, d'autres pays et de l'ONU", a-t-il ajouté.
Selon le secrétaire d'Etat américain John Kerry, la Syrie dispose d'environ "1 000 tonnes" de différents agents chimiques. Des experts interrogés par France 2 soulignent que le repérage des sites de production et la destruction de l'arsenal chimique est un processus complexe et long, qui pourrait prendre une décennie. Comme l'écrit Le Figaro, le régime de Bachar Al-Assad ne le sait que trop bien. En acceptant la proposition russe, il chercherait ainsi à gagner du temps.
La France remet l'ONU dans le jeu
Dès lundi, la France, fer de lance d'un projet d'intervention militaire en Syrie aux côtés des Etats-Unis, s'est montrée disposée à examiner la proposition russe, tout en posant ses conditions. Le ministre des Affaires étrangères a ainsi annoncé mardi le dépôt d'une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies visant à "condamner le massacre du 21 août commis par le régime" syrien et à mettre en place un contrôle international en vue de la destruction de l'arsenal chimique de Damas.
Contraignante, cette résolution prévoit aussi des conséquences "extrêmement sérieuses" en cas de violation des conditions qui y seront énumérées. La France demande également des sanctions "contre les auteurs du massacre chimique du 21 août devant la justice pénale internationale".
La Russie a aussitôt jugé "inacceptable" ce projet de résolution, convoquant une réunion du Conseil de sécurité à ce sujet. Celle-ci devait se tenir mardi à l'ONU mais a été reportée sine die. Entre temps, la France s'est dit disposée à modifier, dans certaines limites, son texte. Surtout, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis se sont associés à ce projet de résolution et le trio doit présenter une version commune.
Les Etats-Unis jouent la montre
Barack Obama s'est exprimé mardi soir depuis la Maison Blanche, après s'être entretenu par téléphone avec François Hollande sur l'évolution du dossier syrien. Les deux chefs d'Etat ont souligné la nécessité de "maintenir ouvertes toutes les options" sur la Syrie tout en rappelant "leur préférence pour une solution diplomatique". En somme, le président américain entend maintenir la pression sur le régime de Bachar Al-Assad tout en espérant une porte de sortie honorable devant l'opinion américaine.
Barack Obama a ainsi demandé une pause aux sénateurs, le temps d'évaluer la crédibilité du plan russe. Le vote au Sénat sur un recours à la force est repoussé au moins à la semaine prochaine. Les élus préparent une version modifiée du texte qui doit être soumis au vote du Congrès. L'autorisation de frappes serait conditionnelle, et ne serait déclenchée qu'en cas d'échec du plan russe. "Barack Obama veut toujours obtenir du Congrès l’autorisation de lancer des frappes, au cas où la proposition russo-syrienne ne soit que du bluff", analysent Les Echos. Beaucoup doutent en effet de la sincérité de Bachar Al-Assad dans cette affaire, comme l'analyse sur le plateau du 20h de France 2 Etienne Leenhardt.
Reste que la Russie, forte du soutien de la Chine et de l'Iran, ne l'entend pas de cette oreille : "Tout cela a un sens et pourra fonctionner si la partie américaine et tous ceux qui la soutiennent renoncent au recours à la force", a prévenu le président russe Vladimir Poutine. Les négociations s'annoncent décidemment ardues.
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