Popularité, prises de position, affaires de famille... Quel bilan pour Charles III un an après son arrivée sur le trône ?
Ni faux pas, ni de grand bouleversement. Le roi Charles III a entamé sa première visite d'Etat en France, mercredi 20 septembre, à peine plus d'un an après être monté sur le trône britannique. Cette première année de règne s'est inscrite "dans la continuité d'Elizabeth II", juge Pauline Maclaran, professeure de marketing à la Royal Holloway University of London et autrice de Royal Fever : The British Monarchy in Consumer Culture. Alors que certains espéraient qu'il modernise rapidement l'institution, "Charles III n'a entrepris aucun changement qui pourrait déstabiliser la monarchie", note-t-elle. "Cela ne pouvait pas se produire dès les premiers mois", estime toutefois Anna Whitelock, professeure d'histoire de la monarchie moderne à la City University of London.
"Le Royaume-Uni a vécu une année de deuil officieux, où l'on s'habituait à la disparition d'Elizabeth II et à l'idée d'un nouveau couple royal."
Anna Whithelock, historienneà franceinfo
Pour que la transition s'effectue sans accroc, Charles III est rentré dans le moule royal et "s'est abstenu de faire la moindre entorse aux conventions en s'exprimant sur des sujets politiques", souligne Ed Owens, historien spécialiste de la royauté et auteur d'After Elizabeth : Can the Monarchy Save Itself ?. Alors qu'il avait façonné son image de prince autour de son engagement écologique, le monarque âgé de 74 ans – dont les fonctions de chef d'Etat sont largement symboliques – défend désormais ses convictions avec prudence. "Il a par exemple accepté d'être écarté de la COP27 par le gouvernement, même s'il a fait savoir son mécontentement, ce qu'Elizabeth II n'aurait pas fait", illustre Ed Owens.
Un roi peu soutenu par les jeunes
Durant ce début de règne, Charles III a "investi toutes les fonctions qui incombent traditionnellement au souverain", selon l'historien. Il s'est ainsi "montré très présent en Ecosse, pour renforcer le lien entre la couronne et cette province" aux velléités indépendantistes. Il a aussi "endossé son rôle de représentant de l'Etat auprès des dirigeants étrangers", en les recevant à Buckingham ou à travers ses visites d'Etat en Allemagne et en France, ajoute Anna Whitelock. Une mission à laquelle il était déjà habitué, puisque Elizabeth II ne voyageait plus à l'étranger depuis 2015 en raison de son âge, et avait chargé son fils de la remplacer lors de ces déplacements.
Charles III semble toutefois se différencier de sa mère en matière de relations internationales. "Il adopte une approche plus sensible au passé, par exemple en reconnaissant les injustices dont ont été victimes les peuples natifs du Canada ou en évoquant les stigmates de l'esclavage à la Barbade", deux anciennes colonies britanniques, remarque Ed Owens.
"Il a jusqu'ici montré qu'il était prêt à s'adapter sur la question du Commonwealth", abonde Pauline Maclaran. L'organisation, dirigée par le souverain britannique, regroupe 56 Etats, pour la plupart d'anciens territoires coloniaux. Quinze d'entre eux sont des royaumes, dont Charles III est le monarque. "Il est inévitable que des pays deviennent des républiques, tout en restant au sein du Commonwealth", comme l'a fait la Barbade en 2021, assure Martin Farr, maître de conférences en histoire britannique contemporaine, interrogé par Euronews.
"Charles III va tenter de préserver les liens avec le Commonwealth, mais il y est moins attaché que sa mère, dont c'était une priorité."
Pauline Maclaran, spécialiste de la famille royaleà franceinfo
Difficile, en revanche, de savoir "quelle réponse" le roi apportera aux appels à "présenter des excuses pour la traite négrière ou le passé colonialiste" du Royaume-Uni, relève Anna Whitelock. "Maintenant que cette première année de deuil est passée, la couronne va devoir faire face à ces nombreux défis", insiste l'historienne.
Pour Ed Owens, il est ainsi urgent que le souverain se montre "plus proactif dans la modernisation de l'institution", face à la montée d'un sentiment pro-république au Royaume-Uni. Les partisans de la fin de la monarchie ont organisé une manifestation en marge du couronnement de Charles III, en mai, et fait plusieurs apparitions lors de ses déplacements à travers le pays.
Ce mouvement reste minoritaire. Selon un sondage YouGov publié début septembre, 26% des Britanniques souhaiteraient avoir un chef d'Etat élu. Mais ce chiffre cache de profondes divergences selon les générations : seuls 37% des 18-24 ans sont favorables à la monarchie, contre 80% chez les plus de 65 ans. Pour garantir la pérennité de l'institution, "Charles III doit s'assurer que la couronne gagne le soutien des jeunes, sans s'aliéner le reste de la population", met en garde Ed Owens.
Un roi qui s'efforce d'être accessible
L'enjeu est d'autant plus important que le nouveau roi est moins populaire que sa prédécesseure. "Il faudra du temps à Charles III pour gagner l'affection des Britanniques et elle n'égalera jamais celle qu'ils portaient à Elizabeth II", assure Anna Whitelock.
Le monarque a toutefois déjà reçu la sympathie d'une partie de ses sujets, au fil d'une très médiatique dispute avec le prince Harry. Dans les mois qui ont suivi la mort de la reine, le fils cadet de Charles III a dévoilé un documentaire sur Netflix puis une autobiographie, dans lesquels il accuse notamment la famille royale de racisme envers son épouse Meghan. "Harry s'est efforcé de ne pas attaquer directement son père, mais cela a dû affecter Charles sur le plan personnel, en plus de soulever de multiples questions sur [les Windsor]", avance Ed Owens.
"Charles III pensait établir une monarchie qu'il dirigerait avec ses deux fils comme bras droits. Cela ne s'est pas réalisé."
Ed Owens, historienà franceinfo
Ces dissensions ont néanmoins "renforcé l'adhésion autour de la couronne", affirme Pauline Maclaran. "Le roi a refusé de commenter directement ces accusations, tout en continuant de mentionner Harry et Meghan lorsqu'il parle de la famille royale, ou d'avoir leurs photos dans son bureau, explique-t-elle. Il s'est assuré de ne pas paraître trop froid."
Le déballage médiatique semble au contraire s'être retourné contre les Sussex, qui ont "vu leur cote de popularité chuter, alors que Charles et [son fils aîné] William s'en sortaient bien mieux", rapporte le magazine Newsweek. L'héritier du trône et son épouse Kate sont "très populaires", confirme Pauline Maclaran. "Charles III s'appuie sur eux pour gagner le soutien des plus jeunes, poursuit la spécialiste de la famille royale. Et il devrait s'efforcer à l'avenir de faire évoluer progressivement la monarchie, pour préparer l'arrivée de William."
Comment Charles III s'y prendra-t-il ? Un an après son accession au trône, "on ne sait pas exactement ce qu'il souhaite accomplir durant son règne", constate Ed Owens. "Idéalement, il aurait dû devenir roi il y a 20 ans, si Elizabeth II avait abdiqué : d'autres monarchies européennes ont su se moderniser en transmettant le pouvoir à des générations plus jeunes, capables de réformer l'institution", estime l'historien. "Charles III souhaite être un souverain dynamique mais il y a des limites à ce que l'on peut faire à son âge."
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