Paiement du gaz russe en roubles : Vladimir Poutine va-t-il vraiment couper le gaz aux pays réticents ?
À partir de vendredi 1er avril, les Européens et tous les pays que Vladimir Poutine qualifie d'inamicaux doivent payer leurs importations de gaz en roubles. Faute de quoi, menace le président russe, les réticents seront privés de livraisons de gaz. La réalité de ses menaces est cependant à tempérer.
Papiers en main et grosse montre au poignet, Vladimir Poutine a annoncé à la télévision russe que les acheteurs de gaz devront payer leurs importations en roubles à partir de vendredi 1er avril. Faute de quoi les acheteurs seront considérés en défaut de paiement et les contrats annulés, prévient le président russe.
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Cela signifie-t-il que la Russie est prête à fermer le robinet de gaz ? Vladimir Poutine s'est bien gardé d'affirmer cela. Et en face, les dirigeants européens l'affirment : pas question pour eux de se plier au chantage, ni de renflouer le trésor de guerre de Poutine, jure le ministre allemand des Finances. Un trésor de guerre, au passage, que l'Europe entretient en fait déjà puisqu'elle achète 600 millions à un milliard d'euros de gaz par jour à la Russie.
Les acheteurs de gaz européens pourront continuer à payer en euros
Bruno Le Maire de son côté, assure que la France et l'Allemagne se préparent à un arrêt des importations. Mais comme avec Vladimir Poutine, les mots sont millimétrés : il peut y avoir "une situation" dans laquelle demain, "dans des circonstances très particulières", il n'y aura plus de gaz russe. Aussi, pas question de provoquer le président russe en proclamant qu'il bluffe. Mais l'arrêt des importations n'est qu'un scénario parmi d'autres : les dirigeants européens semblent à avoir du mal le placer en tête des probabilités.
Il est en effet permis de douter de la réalité de la menace : la nouvelle organisation imposée par Vladimir Poutine, en réalité, ne change pas grand-chose. La ministre française de la Transition écologique, Barbara Pompili, l'a d'ailleurs expliqué vendredi matin devant l'Assemblée nationale. Les acheteurs de gaz européens pourront continuer à payer en euros. Simplement, ils seront contraints pour ce faire d'ouvrir des comptes dans des banques russes, et surtout dans Gazprombank, une banque entièrement gérée par le géant russe du gaz Gazprom, et donc très liée au Kremlin. Pourtant, paradoxalement, elle n'est pas concernée par les sanctions occidentales car elle opère dans le secteur de l'énergie, lui-même exclu des sanctions pour que les Européens puissent continuer à importer.
Ce sont les banques russes qui convertiront
Les entreprises occidentales vont donc pouvoir continuer à payer en euros ou en dollars, comme le stipulent les contrats. Et ce sont les banques russes qui reçoivent ces paiements qui feront la conversion en roubles. À ce stade, il n'y a pas de risque de rupture de contrat, donc a priori pas de rupture des importations russes de gaz, conclut Barbara Pompili. Les marchés semblent faire la même analyse puisqu'hier, contrairement à la semaine dernière, ils ont à peine réagi, les cours du gaz n'augmentant que de 1%.
Au passage, Vladimir Poutine aura réussi, vis-à-vis de son opinion publique, à se poser en champion de la fermeté russe, tout en protégeant Gazprombank des sanctions occidentales, sans tuer une de ses sources de devises. "Vladimir Poutine essaie à tout prix de protéger la valeur du rouble, analyse Sylvie Matelly, économiste et directrice adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques. Parce que le consommateur russe est très dépendant de ses importations de consommation finale et que la valeur du rouble détermine aussi le prix auquel il va payer ses consommations".
Les exportations de gaz sont importantes pour la Russie
Avec son ultimatum, Vladimir Poutine "prend un risque à terme, c'est que les Européens réduisent progressivement leur dépendance au gaz", estime l'économiste. Les recettes d'exportations sur les énergies fossiles sont "très importantes" pour la Russie, rappelle Sylvie Matelly. Elles représentent "36 à 37% du budget de l'État russe", selon la directrice adjointe de l’Iris. "Au-delà des conséquences économiques ou financières, la démarche est symbolique. On est dans une logique pour Poutine de pousser les Européens à contourner leurs propres sanctions", estime encore l'économiste.
Aussi, tant que le patron du Kremlin n'a pas mis sa menace à exécution, elle relève du tour de passe-passe ou de la comédie shakespearienne : beaucoup de bruit pour rien.
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