G7 : ce qu'il faut retenir du sommet de Biarritz
Les dirigeants des pays du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada) se sont quittés lundi, après trois jours de réunions dans la station balnéaire du sud-ouest de la France, placée sous haute sécurité.
Clap de fin. Emmanuel Macron avait ouvert le G7 de Biarritz avec une allocution télévisée, samedi 24 août. Il y a mis un point final avec une conférence de presse, lundi après-midi, tenue dans un premier temps aux côtés de Donald Trump. "Un message d'unité a pu ressortir de nos échanges. Nous n'avons pas négocié un très long texte, mais une seule page de déclaration", a résumé le chef de l'Etat. Emmanuel Macron sera ensuite interrogé au journal de 20 heures de France 2, dans une volonté de rendre compte aux Français des résultats du sommet.
En attendant, voici ce qu'il faut retenir de ces deux jours et demi, marqués par la visite surprise du ministre des Affaires étrangères iranien et par l'annonce du déblocage de 20 millions d'euros pour combattre les incendies dans la forêt amazonienne.
Une aide financière pour l'Amazonie
Jusqu'à la journée de lundi, les dirigeants des pays du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada) n'avaient pas trouvé d'accord sur les moyens d'action contre les incendies en Amazonie. Mais peu avant la clôture du sommet, Emmanuel Macron a pris la parole en conférence de presse pour annoncer la décision commune de débloquer une aide d'urgence de 20 millions d'euros, principalement afin d'y envoyer des avions bombardiers d'eau Canadair basés dans le secteur. Le chef de l'Etat a également annoncé le "soutien militaire français dès les prochaines heures dans la région".
Le G7 est également tombé d'accord sur un volet d'aide à moyen terme destiné à la reforestation, qui sera présenté à l'assemblée générale de l'ONU fin septembre, a précisé l'Elysée.
Une escalade dans la crise diplomatique entre la France et le Brésil
Les incendies en Amazonie cristallisent les tensions entre Paris et Brasilia. Celles-ci ont été avivées en marge du G7 ces derniers jours par les pressions qu'a exercées la France sur le président brésilien Jair Bolsonaro pour qu'il agisse contre ces feux. A la veille du G7, Emmanuel Macron avait accusé son homologue de lui avoir "menti" sur ses engagements en matière d'écologie. Il avait annoncé que la France s'opposait désormais à l'accord controversé de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, un groupe de pays sud-américains qui inclut le Brésil.
Dimanche, Jair Bolsonaro a ri d'un commentaire offensant pour Brigitte Macron sur Facebook. De son côté, l'un de ses ministres a qualifié le président français de "crétin opportuniste". Le chef d'Etat brésilien a tenu "des propos extraordinairement irrespectueux à l'égard de mon épouse", a lancé Emmanuel Macron, lundi. "Qu'est-ce que je peux vous dire ? C'est triste, c'est triste, mais c'est triste d'abord pour lui et pour les Brésiliens", a-t-il déclaré. Tacle supplémentaire, il a dit espérer que les Brésiliens auraient "très rapidement" "un président qui se comporte à la hauteur".
La visite surprise du chef de la diplomatie iranienne
C'est le coup de théâtre diplomatique du sommet. Emmanuel Macron a créé la surprise dimanche en invitant à Biarritz le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, pour discuter d'une sortie de crise sur le nucléaire avec son homologue français Jean-Yves Le Drian. La présidence française a rapidement précisé que cette visite avait lieu à l'initiative de Paris et non du G7. "Aucune rencontre [de Mohammad Javad Zarif] n'est prévue à ce stade avec les Américains", a-t-elle ajouté. Les relations entre Washington et Téhéran sont très tendues depuis le retrait, en 2018, des Etats-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015.
Donald Trump a affirmé, lundi, avoir donné son feu vert à Emmanuel Macron lorsque ce dernier lui a annoncé cette visite surprise. "J'ai été au courant de tout ce qu'il faisait et j'ai approuvé", a assuré le président américain. "[Emmanuel Macron] a demandé mon accord. Je lui ai dit : si c'est ça que vous voulez, allez-y !", a-t-il précisé à la presse. Mais il n'a pas souhaité rencontrer Mohammad Javad Zarif, jugeant qu'il était "trop tôt".
Néanmoins, au cours de la conférence de presse finale du sommet, le président français a dit espérer que cette rencontre puisse s'organiser "dans les prochaines semaines". Pour Emmanuel Macron, les discussions au G7 ont créé les "conditions" de cette entrevue "et donc d'un accord" entre Donald Trump et Hassan Rohani. "Rien n'est fait, les choses sont éminemment fragiles", a prévenu le chef de l'Etat. "Si les circonstances le permettent, je serai d'accord", a affirmé de son côté Donald Trump.
Un accord sur la taxe Gafa
Au cours de ce G7, Emmanuel Macron a notamment cherché à convaincre Donald Trump de ne pas sanctionner le vin français en contrepartie de la décision de Paris de taxer les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple et autres géants du numérique américains). Car le locataire de la Maison Blanche est vivement opposé à cette taxe, qui prévoit d'imposer ces grandes entreprises du numérique à hauteur de 3% de leur chiffre d'affaires à partir du 1er octobre.
Emmanuel Macron a commencé par déminer les crispations avec son homologue américain au cours d'un long déjeuner de deux heures, samedi, sur la terrasse du luxueux Hôtel du Palais qui surplombe la grande plage de Biarritz. Mais c'est à 20 km de là, à Saint-Pée-sur-Nivelle, "dans la demeure familiale en pierre et aux volets rouges de Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie", que tout s'est joué, selon Le Parisien. Des réunions secrètes ont été organisées rapidement, en parallèle du sommet et en présence du secrétaire au Trésor américain, de l'ambassadrice des Etats-Unis en France, du conseiller économique de Donald Trump et du représentant américain au Commerce, d'après le quotidien.
Finalement, lors de sa conférence conjointe avec Donald Trump, organisée lundi après-midi, Emmanuel Macron a annoncé que la France avait trouvé un "très bon accord" avec les Etats-Unis. Il a précisé que les pays du G7 avaient convenu de "trouver un accord en 2020 dans le cadre de l'OCDE" au sujet d'une taxe internationale sur les Gafa. "Le jour où on a cette fiscalité internationale, la France supprime tout projet de taxe. (...) Et tout ce qui a été payé au titre de cette taxe sera déduit de cette taxe internationale", a affirmé le président français devant la presse. De son côté, Donald Trump a choisi de conclure cette conférence de presse conjointe par une boutade sur le vin français, que "la Première dame adore".
Vers de nouvelles règles du commerce international
Emmanuel Macron a affirmé que les pays du G7 s'étaient accordés sur la volonté de moderniser les règles du commerce international. "Nous avons décidé d'accélérer, pour changer les règles internationales afin que tout le monde puisse échanger de manière équilibrée. C'est à nous, à nos ministres, de faire ce travail", a-t-il précisé.
Le président français a ensuite évoqué la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis : "On voit que les choses bougent. Mon souhait, c'est qu'un accord soit trouvé. Ni les Etats-Unis ni la Chine ne sont naïfs, nous devons veiller à ce que cet accord réduise l'incertitude pour ces deux pays, mais aussi pour l'économie mondiale." Donald Trump est allé dans le même sens, en déclarant qu'il pensait "que la Chine souhait[ait] vraiment qu'un accord soit conclu".
Un sommet sur l'Ukraine prévu en septembre
La Russie ne faisant plus partie du G7 (ex-G8) depuis 2014, le dossier ukrainien n'a pas été le thème central abordé lors de ce sommet. Toutefois, Emmanuel Macron a annoncé lors de sa conférence de presse de clôture qu'un sommet réunissant les dirigeants ukrainien, russe, allemand et français aurait lieu en septembre pour avancer vers la paix en Ukraine. "Les conditions sont réunies pour un sommet utile", a-t-il déclaré, précisant qu'une date serait fixée avec Angela Merkel, Vladimir Poutine et le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Une photo des dirigeants prise en plongée
La tradition a été honorée d'une façon étonnante. La photo de groupe des dirigeants, particulièrement attendue à chaque G7, a été réalisée cette année en plongée. Sur cette photo figurent Emmanuel Macron, l'Allemande Angela Merkel, l'Italien Giuseppe Conte, l'Américain Donald Trump, le Britannique Boris Johnson, le Japonais Shinzo Abe, le Canadien Justin Trudeau, ainsi que le président du Conseil européen, Donald Tusk. Ils sont assis autour d'une table circulaire et regardent l'objectif, tout sourire.
It’s time to take action! #G7Biarritz pic.twitter.com/Xak0IBTVhg
— G7 France (@G7) August 25, 2019
La photo a été diffusée dimanche sur le compte Twitter officiel du sommet, avec la phrase suivante : "It's time to take action !" ("Il est temps de passer à l'action !"). Un message détourné, avec plus ou moins d'humour, par les internautes. Selon Le Figaro, "le cliché a été pris par un appareil photo accroché au plafond, vraisemblablement activé à distance".
La rencontre historique entre Boris Johnson et Donald Trump
C'était l'autre image très attendue du G7. Le Premier ministre britannique et le président américain se sont rencontrés dimanche matin à Biarritz, une première depuis que Boris Johnson a pris les rênes du Royaume-Uni en pleine crise du Brexit. Les deux dirigeants, qui se ressemblent dans leur style et leur goût de la mise en scène, ont affiché une proximité dans les gestes et dans les échanges de bonnes manières devant les caméras. "Il va être un Premier ministre fantastique", a déclaré Donald Trump à propos de Boris Johnson.
Pourtant, tous deux ne partagent pas toujours la même vision du monde et des échanges commerciaux. Boris Johnson a regretté samedi les "barrières considérables" qui freinent les exportations britanniques aux Etats-Unis. Il a appelé Donald Trump à les lever pour que les deux pays puissent conclure un accord de libre-échange une fois que le Royaume-Uni aura quitté l'Union européenne. "Nous allons conclure un très grand accord commercial, plus grand que ce que nous aurons jamais eu avec le Royaume-Uni. Car ils n'auront bientôt plus le boulet au pied qu'ils ont actuellement", a répondu Donald Trump, dimanche.
Un contre-sommet dans le calme
Alors que les dirigeants des sept pays discutaient à huis clos, le Pays basque avait des allures de camp retranché. Pendant le G7 et les jours qui ont précédé le sommet, quelque 13 200 policiers et gendarmes, appuyés par l'armée, ont sécurisé les lieux. La ville de Biarritz était complètement barricadée.
L'ampleur de ce dispositif de sécurité a globalement évité tout débordement de la part des participants au contre-sommet organisé dans les alentours. Les plateformes d'opposition nationale (Alternatives G7) et basque (G7 EZ) entendaient conclure leur rassemblement par sept actions pacifiques simultanées près de Biarritz, pour "encercler" symboliquement le G7. Finalement, elles les ont annulées dès samedi soir. Néanmoins, les responsables d'Alternatives G7 et de G7 EZ ont entamé lundi midi une marche symbolique pour tenter de pénétrer jusqu'à la zone rouge, aux abords immédiats du sommet, afin d'accuser "publiquement" les sept dirigeants "d'illégitimité".
Au total, 104 personnes ont été interpellées depuis les premiers heurts entre manifestants et forces de l'ordre, dont au moins 55 placées en garde à vue. Quant à la grande manifestation entre les villes frontalières d'Hendaye et Irun (Espagne), organisée samedi et déclarée aux autorités, elle s'est déroulée dans une ambiance festive et bon enfant, malgré quelques tensions en fin de cortège.
Des portraits d'Emmanuel Macron brandis à Bayonne
Autre manifestation pacifique organisée en marge de ce G7 : celle des décrocheurs de portraits. Plusieurs centaines de manifestants ont brandi, dimanche matin à Bayonne, la photo du président de la République tête en bas. Il s'agissait de sept des 128 portraits que les organisateurs revendiquent avoir décrochés dans des mairies, dans le cadre d'une campagne de désobéissance civile menée depuis février. Cette marche non violente a été organisée par les mouvements alternatifs et écologistes ANV COP 21, Alternatiba et Bizi ! pour dénoncer "la politique climaticide" du président de la République.
Mais décrocher un portrait dans une mairie est un délit qui peut coûter cher. Ces militants risquent cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour "vol en réunion". Certains ont déjà été jugés, d'autres le seront en septembre et d'ici la fin de l'année.
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