: Carte Visualisez les avancées de l'armée israélienne en Syrie dans la zone stratégique du Golan
Cela faisait cinquante ans que des chars israéliens n'avaient pas été vus dans cette partie du plateau du Golan. Depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, en Syrie, dans la nuit du 7 au 8 décembre, l'armée de l'Etat hébreu a traversé la frontière, pénétrant et dépassant même la zone tampon instaurée les deux pays. De quoi renforcer les inquiétudes dans une zone stratégique et instable depuis des décennies. Si Israël a d'abord évoqué une opération "limitée et temporaire", son ministre de la Défense, Israël Katz, a demandé à l'armée, vendredi 13 décembre, de "se préparer à rester" tout l'hiver.
Dès le 7 décembre, avant même la fuite de Bachar al-Assad, les forces israéliennes avaient franchi la ligne de séparation entre les deux pays, au niveau de la ville druze de Majdal Shams, dans le nord-est du plateau du Golan, occupé par Israël. L'ordre a été donné par le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou de "prendre le contrôle" de la zone qui se trouve de l'autre côté des barbelés, pour "défendre et assurer la sécurité des communautés du plateau du Golan et des citoyens israéliens", après le départ de l'armée régulière syrienne.
Face à l'instabilité syrienne et à l'influence croissante du groupe rebelle Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'objectif pour Israël est d'empêcher l'installation de toute "force hostile" à proximité de ses frontières. "Nous n'avons pas l'intention d'interférer dans les affaires intérieures de la Syrie", a promis le Premier ministre israélien, cité par le site Timesofisrael.com. Et d'expliquer que Tsahal avait bombardé de nombreuses installations militaires syriennes "afin qu'elles ne tombent pas entre les mains des jihadistes". Benyamin Nétanyahou a également tracé une ligne rouge concernant la coopération militaire entre les nouveaux dirigeants syriens et Téhéran. "Si ce régime permet à l'Iran de s'installer de nouveau en Syrie (…), nous répondrons avec force et nous lui ferons payer un lourd tribut", a-t-il prévenu.
Des positions abandonnées investies par l'armée israélienne
La zone dans laquelle l'armée a pénétré était depuis 1974 tenue par la Force des Nations unies chargée d'observer le désengagement (Fnuod). Il s'agit d'une bande large d'un à huit kilomètres, s'étendant le long des 80 km qui séparent Israël de la Syrie, et abritant quelques villages. Dès le 8 décembre, les soldats israéliens de la 210e division se filmaient au sommet du mont Hermon, culminant à 2 800 mètres, dans le nord de la zone, à proximité immédiate d'une position de la Fnuod.
Depuis, des incursions israéliennes ont également été observées plus au sud, aux abords des villes de Kuneitra et Kwdana notamment. L'armée s'est employée à renforcer des installations de défense, a investi plusieurs positions syriennes abandonnées, et a mis la main sur des tanks et stocks d'armes des soldats de Bachar al-Assad, abandonnés quelques jours plus tôt lors de leur retraite. D'après le think tank américain Institute for the Study of War (ISW), l'armée israélienne "n'a pas rencontré de résistance lorsqu'elle a saisi les positions syriennes". Elle a néanmoins annoncé, le 8 décembre, avoir aidé la force de l'ONU à repousser une attaque lancée par des individus armés non identifiés dans la zone de séparation.
Comme le montre notre carte, les soldats israéliens se sont aussi aventurés de quelques centaines de mètres au-delà de la zone tampon. Plusieurs images, publiées par des membres de l'armée et géolocalisées par des internautes, montrent par exemple des soldats israéliens au sommet d'une colline, au sud de Kuneitra, disposant d'une visibilité stratégique vers l'Est de la zone.
Cette région se trouve exactement à la rencontre des zones d'influence de plusieurs groupes syriens. Le 7 décembre, cette partie de la province de Deraa, à l'est, a été prise par des forces rebelles (en orange sur notre carte), selon l'ISW, tandis que les troupes du HTS ont progressivement pris le contrôle des alentours de Damas, à 35 km seulement au nord-est de la zone tampon. Plus localement, des résidents de la ville syrienne de Marbah, où Israël prévoit d'intervenir, auraient récemment réclamé l'intervention du HTS dans la zone contre Tsahal, selon l'ISW.
Condamnations internationales
Quelles que soient leurs évolutions, ces incursions signent la fin de l'accord de désengagement conclu en 1974 entre Israël et la Syrie. Benyamin Nétanyahou, lui, estime que celui-ci "s'est effondré" de fait, après l'offensive des rebelles mettant fin à un demi-siècle de pouvoir sans partage du clan Assad en Syrie.
Quant au plateau du Golan, occupé par Israël depuis 1967, le Premier ministre israélien a affirmé qu'il appartenait désormais à son pays "pour l'éternité". Il a rappelé au passage la décision de Donald Trump, en 2019, de reconnaître la souveraineté israélienne sur ce plateau. Une déclaration allant à l'encontre de plusieurs résolutions de l'ONU, pour qui ce territoire demeure occupé, et son annexion par Israël illégale au regard du droit international.
L'intervention d'Israël dans la zone tampon a suscité de nombreuses critiques internationales, notamment de la part du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Il a appelé le 12 décembre "toutes les parties" à "mettre fin à la présence non autorisée dans la zone de séparation et à s'abstenir de toute action qui saperait le cessez-le-feu et la stabilité du Golan". De même que la Jordanie, pays limitrophe, et l'Iran, l'Arabie saoudite a condamné cette opération, qui vise selon elle à "saboter les chances de la Syrie de restaurer sa sécurité, sa stabilité et son intégrité territoriale", a déclaré le ministère saoudien des Affaires étrangères. Le 11 décembre, Paris appelait aussi Israël à se retirer de la zone tampon.
L'année écoulée avait déjà été émaillée de fortes tensions, avec des tirs de roquettes par le Hezbollah sur Majdal Shams en juillet, tuant 12 enfants, et des bombardements israéliens en territoire syrien. Des familles sont séparées par la zone tampon, et la frontière reste fermée. C'est désormais l'existence même de la Fnuod et la présence de ses 1 200 membres qui est en question. Pour confirmer les incursions militaires de son armée, Benyamin Nétanyahou a publié deux communiqués, rapporte le journal israélien Haaretz. La version anglaise décrivait ces actions comme "temporaires", mais pas leur version en hébreu. Aucune des deux ne mentionnait les forces de l'ONU.
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