Rapatriement depuis la Syrie : "Il reste une centaine d'enfants et une cinquantaine de femmes", souligne l'avocate Marie Dosé
"La France a renoncé à rapatrier au cas par cas, comme elle l'a fait pendant des années. C'est déjà un immense progrès", a salué mardi 24 janvier sur franceinfo l'avocate Marie Dosé, alors que la France a procédé pour la troisième fois depuis juillet 2022 au rapatriement de femmes et d'enfants français détenus dans les camps de prisonniers jihadistes au nord-est de la Syrie. L'avion s'est posé mardi matin sur le tarmac de l'aéroport de Villacoublay en banlieue parisienne.
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Pour l'avocate de ces femmes et de ces enfants, "il reste malgré tout une centaine d'enfants et une cinquantaine de femmes, il faut continuer" à rapatrier. Marie Dosé appelle également à "protéger les enfants de leurs mères" quand elles préfèrent les laisser "derrière des barbelés". Elle demande enfin à la France d'accélérer "la mise en relation" des enfants "avec leur famille d'origine".
franceinfo : Est-ce que le rapatriement de ces femmes et de ces enfants est une avancée selon vous ?
Marie Dosé : La France a renoncé à rapatrier au cas par cas, comme elle l'a fait pendant des années. C'est déjà un immense progrès. Il a fallu pour cela qu'elle soit condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, par le Comité des droits de l'enfant, par le Comité contre la torture des Nations unies il y a quelques jours. Enfin elle se résout à ne plus choisir les enfants qu'elle rapatrie, en tous cas à ne plus rapatrier au cas par cas les enfants les plus fragiles ou les plus isolés comme elle a assumé de le faire pendant des années. Elle rapatrie aujourd'hui des enfants avec leurs mères. C'est déjà ça. Il en reste beaucoup. Avec ce rapatriement, il reste malgré tout une centaine d'enfants, et il reste une cinquantaine de femmes. Il faut continuer.
Comment fait-on avec les femmes qui ne veulent pas rentrer ?
D'abord, il faut s'assurer qu'elles ne le veulent pas. Et ce n'est pas toujours simple. Il y a aussi tout un travail avec les autorités kurdes, parce que c'est un peu compliqué de savoir exactement qui a dit quoi. Mais en tout état de cause, pour toutes les femmes qui, très clairement, expliquent que non, elles ne veulent pas être rapatriés et ne veulent surtout pas que leurs enfants soient rapatriés, avec ou sans elles, je crois qu'il faut absolument se passer de leur consentement.
À un moment donné, la France est aussi là pour protéger les enfants de leur mère. Ces enfants sont français. Quand en France un enfant est malmené, quand il est violenté, quand il est sali, quand il est la proie de sa mère, les services éducatifs, l'aide sociale à l'enfance, agissent pour protéger un enfant de sa mère. Et là, en l'occurrence, il faut protéger les enfants des mères qui décident fermement que leurs enfants resteront derrière des barbelés en zone de guerre au nord-est syrien, parce qu'elles décrètent que leur pays, la France, n'a pas vocation à les rapatrier.
"Je me suis battue pendant des années pour le rapatriement des enfants avec leur mère, parce qu'il y a un lien fusionnel qui se crée, c'est à dire qu'ils doivent voir régulièrement leur maman. En revanche, pour toutes celles qui souhaitent que ces enfants restent dans les camps afin d'être un jour récupérés par Daesh, c'est non. Et là il faut sauver les enfants des mères."
Marie Dosé, avocateà franceinfo
Est-ce que la prise en charge aujourd'hui est suffisante pour vous ?
Tout est perfectible. Il faut encore améliorer la prise en charge. Il faut que les éducateurs se rendent plus régulièrement en détention pour que les enfants voient les mamans. Parce que tout cela a quand même beaucoup de mal à se mettre en route. Il faut également que les mères ne soient pas incarcérées à des centaines et des centaines de kilomètres du lieu de placement des enfants.
Il faut que les enfants, surtout, voient leur famille beaucoup plus vite. Il y a un rapport d'une ONG, Human Rights Watch, qui dit bien que la France ne gère pas si bien que ça le retour des enfants. Parce que, notamment, la France tarde à les mettre en relation avec leur famille d'origine. Et ça, ce n'est pas bien. L'enfant rentre dans un pays, il faut qu'il comprenne que c'est son pays parce que sa famille y réside. Donc il faut qu'il rencontre vite sa famille. Et malheureusement, en France, contrairement à tous les autres pays européens, on n'en est pas là. Donc tout est perfectible. Mais évidemment que ces enfants doivent rentrer parce qu'entre ça et un camp en zone de guerre, il faut les rapatrier vite.
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