Référendum en Turquie : "Si le oui l'emporte", le régime deviendrait un "autoritarisme exacerbé"
Si le "oui" l'emporte lors du référendum portant sur la modification de la Constitution, dimanche en Turquie, le régime deviendrait un "autoritarisme exacerbé" selon Ahmet Insel, économiste et politologue spécialiste de la Turquie.
Un référendum a lieu dimanche 16 avril en Turquie. Il porte sur la modification de la Constitution et vise à remplacer le système parlementaire actuel par un régime présidentiel. Cette réforme pourrait notamment permettre au chef de l'État de nommer et révoquer les ministres, de promulguer des décrets et de déclarer l'état d'urgence."Si le "oui" l'emporte dimanche au référendum sur la réforme de la Constitution, le président Recep Tayyip Erdogan risque d'avoir des pouvoirs extrêmement élargis. Le terme de dictature est à utiliser avec prudence, mais ce serait certainement un autoritarisme exacerbé", a déclaré Ahmet Insel, économiste et politologue spécialiste de la Turquie, jeudi sur franceinfo.
Selon lui, "les observateurs de l'OSCE ont rendu il y a quelques jours un rapport accablant sur l'inégalité et même la répression qu'exercent les pouvoirs publics locaux contre les manifestations du "non". Il y a toujours l'état d'urgence, donc les préfets en profitent pour interdire des manifestations publiques".
franceinfo : Les opposants à Recep Tayyip Erdogan parlent de possible dictature en Turquie dimanche soir si le "oui" l'emporte. Peut-on aller jusque-là ?
Ahmet Insel : On peut aller jusque-là. Si le "oui" l'emporte, il risque d'avoir des pouvoirs extrêmement élargis. Le terme de dictature est à utiliser avec prudence, mais ce serait autoritarisme exacerbé, certainement, puisqu'il contrôlerait à la fois l'exécutif directement, il sera aussi chef du parti majoritaire avec un large pouvoir de nomination du conseil supérieur de la magistrature via sa majorité parlementaire et son pouvoir présidentiel, ce qui supprime la séparation des pouvoirs.
C'est une réponse au coup d'État de juillet 2016 qui a visé le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan ?
Ce n'est pas une réponse. Le coup d'État a été une opportunité qui lui a permis de forcer le passage car depuis 3 ou 4 ans, il veut mettre en place un régime présidentiel. Jusque-là, il n'avait pas eu le soutien nécessaire au Parlement. Le coup d'État avorté lui a donné le soutien du chef de file de l'extrême droite nationaliste au Parlement, ce qui lui a permis de changer partiellement la Constitution, à peu près une vingtaine d'articles, en supprimant la fonction de Premier ministre pour donner toutes ses fonctions à l'exécutif."
Recep Tayyip Erdogan est très populaire en Turquie, on pensait que la validation de la réforme serait facile, mais les derniers sondages sont très serrés ?
Oui, les derniers sondages donnent une très légère avance du "oui", mais ça reste dans la marge d'erreur, à 51% de oui.
C'est très serré, ce qui posera des problèmes, car si le "oui" passe avec si peu de marge cela va poser la question de la légitimité de ce changement de régime.
Ahmet Inselà franceinfo
Et si le "non" passe, là ce sera un revers très important pour lui, car pour la première fois il ne pourra pas utiliser l'argument que le peuple est derrière lui.
Qui fait campagne pour le "non" ?
Le parti social-démocrate fait campagne pour le "non", mais la campagne est vraiment très déséquilibrée. Les observateurs de l'OSCE ont rendu il y a quelques jours un rapport accablant sur l'inégalité et même la répression qu'exercent les pouvoirs publics locaux contre les manifestations du "non". Il y a toujours l'état d'urgence, donc les préfets en profitent pour interdire des manifestations publiques. Néanmoins, le parti social-démocrate s'agite. Une partie des nationalistes dissidents appelle aussi à voter "non", et près de la moitié des électeurs de ce parti semble parti pour voter "non". Et les Kurdes tentent de faire campagne pour le "non", mais ses cadres sont en prison. La palette de la campagne du "non" est très diverse, et passe beaucoup par les réseaux sociaux.
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