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Sept ans de guerre en Syrie : "Tout ce que nos ancêtres ont bâti est aujourd’hui détruit", déplore un Syrien réfugié en Turquie

En sept ans de conflit, cinq millions de personnes ont fui leur pays, dont trois millions vers la Turquie. franceinfo a rencontré certains de ces réfugiés à Kilis, à la frontière.

Article rédigé par Franck Mathevon, Gilles Gallinaro - édité par Edouard Marguier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Famille de Syriens devant un camp de réfugiés près de Kilis, au sud de la Turquie, en mars 2018. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Dans ce petit centre commercial de Kilis, au sud de la Turquie, on parle arabe. La frontière avec la Syrie se trouve à quelques centaines de mètres. Des milliers de Syriens viennent y faire leurs courses. Les échoppes ont vu le jour au début du conflit, qui a débuté il y a sept ans jour pour jour. Sur les cinq millions de personnes qui ont fui la guerre, trois millions se sont réfugiées en Turquie. Des milliers d’entre elles se sont installées à Kilis, où franceinfo s’est rendu, jeudi 15 mars. 

La Syrie est toujours en plein chaos, livrée aux combats sur de nombreux fronts. La Ghouta orientale, près de Damas, est bombardée par le régime syrien. Dans le nord de la Syrie, à Afrin, la Turquie a lancé une opération contre les combattants kurdes qu’elle considère comme terroristes. Beaucoup de réfugiés syriens n'envisagent plus de retourner chez eux.

"Allez voir les tombes"

Ghasan fait partie des Syriens qui fréquentent le centre commercial de Kilis. Il est instituteur dans un camp de réfugiés après avoir fui la Syrie il y a six ans. L’un de ses fils est mort pour s’être opposé à Bachar Al-Assad. Son visage se crispe quand il entend le nom du président syrien. "Vous voulez savoir qui est Bachar Al-Assad ? Regardez les visages des enfants dans les camps, lance-t-il. Allez voir les innombrables tombes dans les cimetières. Regardez Hama, Homs et maintenant la Ghouta… Toute la Syrie. Raqqa, Deir ez-Zor. Partout. Les murs de ces villes peuvent témoigner de ce qu’a fait Bachar Al-Assad."

Deux hommes se mêlent à la conversation. Ils viennent d’Alep. Eux aussi ont fui la mort et les combats. "Quand le président Macron a été élu, nous pensions qu’il allait défendre nos droits, dit le plus âgé, barbe blanche et bonnet noir. La France a alors dit que si l’usage d’armes chimiques par Bachar Al-Assad était prouvé, il y aurait une intervention militaire. Mais il ne s’est rien passé. En fait, depuis qu’il est au pouvoir, Macron n’a pas changé la politique de la France vis-à-vis du peuple syrien."

Le second dénonce la passivité de tous les Occidentaux. Il s’inquiète pour ses compatriotes en Syrie. "La situation dans la Ghouta est la pire qu’il soit, explique-t-il. Les gens sont désespérés."

Ils font face aux tueries, au manque de nourriture, d’eau, d’aide médicale. Certains mangent de l’herbe ou de la viande de chat. Y-a-t-il encore un peu d’humanité dans ce monde ?

Un réfugié syrien

à franceinfo

À Kilis, les réfugiés syriens seraient plus nombreux que les Turcs. Cela créé des tensions avec la population locale. "Il y a trop de monde dans cette ville, dit un homme dans le centre-ville. Le chômage augmente. Il faudrait que ces Syriens rentrent chez eux immédiatement."  Les Syriens sont arrivés par milliers depuis sept ans. "Ils sont très nombreux, se plaint une femme. Du coup, tout augmente. L’immobilier par exemple. Les Syriens s’entassent dans des logements et c’est un problème pour cette petite ville."

Un retour inimaginable

Les Syriens sont conscients que leur présence dérange de nombreux Turcs. Mais beaucoup n’envisagent pas de revenir au pays. "Bachar Al-Assad est peut-être en train de gagner la guerre mais c’est au détriment du peuple, dit Youssef, qui s’est réfugié en Turquie il y a quatre ans. Il tue des gens pour garder le contrôle du pays. Il pratique la politique de la terre brûlée. C’est ainsi qu’il a repris Alep et c’est ainsi qu’il veut reprendre la Ghouta. Tant que la guerre continue, je ne rentrerai pas. »

J’ai fait l’expérience de la douleur et je ne veux plus vivre ça. Il n’y a pas de futur en Syrie. La guerre, les bombardements ont privé d’avenir le pays pour 20 ans.

Youssef, réfugié syrien depuis quatre ans en Turquie

à franceinfo

Son frère, Issa, est encore plus pessimiste que lui. "Il faudra même 50 ans avant que la Syrie puisse se relever, corrige-t-il. Tout ce que nos ancêtres ont bâti est aujourd’hui détruit."

La Turquie, "une seconde patrie"

Dans les commerces près de la frontière tenus par des Syriens, de nombreux drapeaux turcs sont affichés ou suspendus. Ghasan l’instituteur voit lui aussi son avenir en Turquie. "Nous sommes fidèles à notre pays, la Syrie mais nous considérons la Turquie comme une seconde patrie, explique-t-il. C’est le seul pays à nous avoir apporté protection, aide et tout ce dont nous avons besoin. En tant que réfugié, nous n’aurions pas pu trouver dans le monde un meilleur accueil qu’en Turquie." 

L’offensive de la Turquie à Afrin, dans le nord de la Syrie est menée pour sécuriser les zones frontalières. Elle a un autre objectif : pouvoir renvoyer dans cette région syrienne le plus grand nombre de réfugiés.  

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