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Fusillade à Las Vegas : il y a une "fuite des Américains face à leur situation de violence"

Pierre Conesa, maître de conférences à Sciences Po et à l’ENA, a exprimé, mardi sur franceinfo, son étonnement devant l'incapacité des Américains à ouvrir un débat sur la vente d'armes à la suite de la fusillade qui a eu lieu à Las Vegas.

Article rédigé par franceinfo
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Panneau signalant l'armurerie, à Mesquite (Etats-Unis), où l'auteur de la fusillade à Las Vegas se serait approvisionné en armes. (GABE GINSBERG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Le débat devrait être ouvert, aux États-Unis, sur la vente des armes", a estimé Pierre Conesa, maître de conférences à Sciences Po et à l’ENA, mardi 3 octobre sur franceinfo, alors que le groupe État islamique a revendiqué la fusillade à Las Vegas, qui a fait 59 morts et plus de 527 blessés. L'ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense s'est étonné de "cette espèce de fuite des Américains face à leur situation de violence".

franceinfo : La revendication du groupe État islamique permet-elle au FBI et à la Maison Blanche de se dédouaner et d'éviter des questions qui fâchent ?

Pierre Conesa : Je crois que c'est la société américaine qui évite de se poser des questions qui fâchent. Si on dit que c'est un acte terroriste, on dira que c'est un être diabolique qui vient de l'étranger. En revanche, si on dit que c'est un 'mass shooting', comme il y en a déjà eu plus d'un par jour depuis le début de l'année, cela veut bien dire que c'est un mal intérieur à la société américaine. Dans son message, Donald Trump a dit que c'était un acte diabolique. Il rend le diable responsable. Dans ce sens Trump est assez salafiste. Il dit, comme eux, que c'est la volonté de Dieu et qu'on n'y peut donc rien. En fait, le débat devrait être ouvert, aux États-Unis, sur la vente des armes. Cet homme avait 49 armes chez lui. On peut se demander s'il était sain d'esprit.

Pourquoi ce débat n'est-il pas ouvert ?

On a souvent eu aux États-Unis cette espèce de stratégie de fuite. Rappelez-vous que le premier attentat de masse aux États-Unis, ce n'est pas le 11 septembre, mais à Oklahoma City [en 1995]. Il y a eu 194 morts commis par un type d'extrême droite. Or, il n'y a jamais eu de débat. Quand le 11 septembre le FBI sort sa liste des groupes terroristes, il n'y a aucun des groupes américains. Quand il y a eu l'affaire de l'Anthrax, on ne l'a jamais su alors que cela venait d'un laboratoire militaire américain. Cette espèce de fuite des Américains face à leur situation de violence est quand même très étonnante.

Le tireur de Las Vegas avait en sa possession des armes trafiquées pour devenir automatiques et tirer en rafale. Il faut des connaissances pour modifier ces armes ?

Non, pas énormément étant donné que le marché est libre. Ce marché permet à l'individu de pratiquement acheter tout ce qu'il veut, quelles que soient ses conditions, quel que soit son âge en changeant d'État. On est dans un monde de l'irrationnel total, c'est-à-dire le refus absolu de discuter. Donald Trump va dans le sens de son électorat à la différence d'Obama. Il avait dit qu'il fallait que cette société fasse une investigation sur ses propres rapports avec la violence armée. Trump va aller exactement dans le sens de la National rifle association (NRA) qui défend la détention d'armes. Aux États-Unis, il y a eu plus de morts par arme à feu que dans les guerres du XXe siècle. Dans n'importe quelle autre société, cela susciterait un débat. Aux États-Unis, non.

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