Affaire Stormy Daniels : ce qu'il faut retenir de la première journée du procès pénal de Donald Trump, sur fond de campagne présidentielle

Le candidat républicain, accusé d'avoir maquillé les comptes de son entreprise pour dissimuler une liaison en 2016, s'en est pris au juge et à Joe Biden, se présentant en victime d'une "attaque contre un opposant politique".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'ancien président américain Donald Trump au premier jour de son procès au tribunal pénal de Manhattan, à New York, le 15 avril 2024. (JABIN BOTSFORD / AFP)

Les échanges ont déjà pris un tour très politique. A quelques mois de l'élection présidentielle américaine, Donald Trump comparaît dans un procès inédit, qui s'est ouvert lundi 15 avril à New York. Le milliardaire est accusé d'avoir maquillé les comptes de son groupe immobilier pour dissimuler des paiements destinés à faire taire, en pleine campagne électorale en 2016, une ex-star de films X, Stormy Daniels, qui dit avoir eu une liaison extraconjugale avec lui.

Premier ancien président des Etats-Unis à être inculpé au pénal par un grand jury, Donald Trump dément formellement les accusations, et s'efforce de les présenter comme le résultat d'un complot politique. Franceinfo revient sur le premier jour du procès du candidat républicain à la présidentielle, qui risque jusqu'à quatre ans de prison dans cette affaire.

Donald Trump a réitéré ses attaques contre Joe Biden

L'audience n'avait pas encore commencé, lundi, que Donald Trump s'en est pris à Joe Biden, son très probable adversaire lors de l'élection présidentielle de novembre. "Le pays est mené par un homme incompétent, qui s'est énormément impliqué dans cette affaire", a lancé le milliardaire dès son arrivée devant le tribunal de Manhattan, face aux caméras de plusieurs chaînes américaines. Pour le mis en cause, cette procédure est "une attaque contre un opposant politique" et une "attaque contre l'Amérique".

Ces propos ne sont pas nouveaux. Donald Trump a déjà affirmé à plusieurs reprises être victime de procédures politiques, orchestrées selon lui par le président démocrate. En réitérant ces accusations, il confirme qu'il compte faire de son procès une estrade pour sa campagne. "Que je ne sois pas en Géorgie, en Floride ou en Caroline du Nord, à faire campagne comme je devrais être en train de le faire, c'est parfait pour les démocrates de la gauche radicale", a assuré lundi le républicain, dont la présence à l'audience est obligatoire. "C'est exactement ce qu'ils veulent. Il s'agit d'ingérence électorale. C'est tout."

Il s'en est aussi pris au juge chargé de l'affaire

La première matinée d'audience a mis en lumière la volonté de la défense de cibler le magistrat chargé du dossier. Dès l'ouverture des débats, les avocats de Donald Trump ont demandé à Juan Merchan de se récuser, mettant en avant les liens de l'employeur de sa fille avec le Parti démocrate. Le juge new-yorkais a refusé de se décharger de l'affaire.

Malgré le retentissement médiatique de cette procédure, Juan Merchan est apparu déterminé à juger l'ex-président américain comme n'importe quel justiciable. "Bonjour monsieur Trump", a-t-il déclaré en entrant dans la salle, au lieu du traditionnel "monsieur le président Trump". Le juge a également rappelé que, comme tout autre prévenu, Donald Trump doit se présenter à l'audience chaque jour, sous peine d'être recherché par les autorités, et qu'il pourrait être envoyé en prison s'il perturbait les débats.

Des avertissements peu suivis d'effet. Le magistrat a ainsi souligné le retard de la défense après une brève suspension d'audience dans l'après-midi. "Merci de veiller à respecter le temps alloué aux pauses afin que l'on puisse avancer", a-t-il demandé à un avocat de Donald Trump. A l'issue de la première journée d'audience, le milliardaire s'en est directement pris à Juan Merchan : il a déclaré avoir "un vrai problème" avec le magistrat, estimant qu'il n'aurait pas "droit à un procès équitable".

Le procureur a donné un aperçu de sa stratégie

Les débats de lundi matin se sont concentrés sur les éléments autorisés ou non à être utilisés au cours de la procédure. Dans cette affaire, Donald Trump est inculpé de falsifications de documents comptables de son entreprise, la Trump Organization. Ces manœuvres auraient eu pour but de cacher, sous couvert de "frais juridiques", le paiement de 130 000 dollars à Stormy Daniels par Michael Cohen, alors avocat du milliardaire. En échange, l'actrice a accepté de taire une relation sexuelle survenue en 2006 avec Donald Trump. Le républicain a toujours nié cette relation, et sa défense assure que les paiements relevaient de la sphère privée. Le procureur estime qu'il s'agissait d'une tentative d'influencer l'élection présidentielle de 2016 en dissimulant une information aux électeurs.

Les premiers débats ont donné une indication sur la stratégie de l'accusation : présenter Donald Trump comme un homme sexiste et agressif envers les femmes. L'équipe du procureur, Alvin Bragg, a ainsi demandé à ce que soit diffusée lors de l'audience une vidéo, largement relayée lors de la campagne présidentielle de 2016, où on l'entend le milliardaire se vanter d'"attraper" les femmes "par la chatte". Donald Trump s'était excusé d'avoir tenu ces propos, enregistrés à son insu avant un tournage pour une émission de télévision en 2005.

Le juge a accepté qu'une retranscription de la vidéo soit lue à l'audience, mais sans projection des images. Juan Merchan a également refusé la demande du procureur d'évoquer des accusations d'agressions sexuelles visant Donald Trump, qui constituent selon lui de "simples propos rapportés".

L'accusation a par ailleurs réclamé des amendes à l'encontre du milliardaire pour "entrave à la bonne marche de la justice", rapporte la chaîne américaine PBS. Elle estime qu'il a violé, sur les réseaux sociaux, une décision de justice lui interdisant de commenter publiquement l'affaire. Le juge a fixé une audience sur ce point, qui aura lieu le 23 avril.

Le long processus de sélection des jurés a commencé

Après les questions de procédure, une phase cruciale du procès s'est ouverte : la désignation des 12 jurés qui devront décider, à l'unanimité, si Donald Trump est "coupable" ou "non coupable". Leur sélection est une tâche particulièrement difficile, qui pourrait rallonger la durée de la procédure. Un premier groupe de 96 jurés potentiels a été examiné lundi après-midi. Les deux tiers ont été exemptés d'emblée, en grande majorité parce qu'ils se sont déclarés incapables de se montrer impartiaux pour juger l'ex-président. 

Les autres, des citoyens anonymes parmi lesquels se trouvaient une infirmière en oncologie, un libraire ou encore un avocat, ont dû dévoiler des pans entiers de leur vie devant le tribunal : leur profession, leur situation familiale, leurs sources d'information ou leurs loisirs. Le long questionnaire leur demande également de faire part de leurs sympathies ou préjugés envers le prévenu. Cette étape décisive du procès, pendant laquelle l'accusation comme la défense peuvent chacune récuser un certain nombre de jurés sans devoir fournir de justification, pourrait durer plus d'une semaine.

Joe Biden n'a pas commenté l'affaire

Malgré les accusations formulées à son encontre par Donald Trump, Joe Biden s'est gardé de faire le moindre commentaire sur le début du procès de son adversaire. "Je suis sûre que [le président] va être tenu au courant à un moment dans la journée [de l'avancée des débats], mais il se concentre pour l'instant sur les rencontres à son programme", a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, interrogée à ce sujet lors d'un point presse.

Le démocrate a été directement interpellé à ce sujet lors d'une entrevue avec le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, dans le Bureau ovale. Alors qu'un journaliste lui demandait s'il comptait regarder le procès du milliardaire, Joe Biden a simplement secoué la tête en signe de dénégation.

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