Colis suspects aux États-Unis : "On verra si Donald Trump peut incarner l'unité"
Plusieurs colis suspects ont été adressés depuis lundi à des personnalités américaines démocrates telles que Hillary Clinton ou Barack Obama. Pour le spécialiste Corentin Sellin, Donald Trump va devoir incarner l'unité du pays.
"La campagne des législatives a changé désormais", explique Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis, mercredi 24 octobre sur franceinfo. Des colis suspects adressés notamment à Hillary et Bill Clinton et à Barack Obama ont été interceptés depuis lundi. Le président américain a appelé à l'unité dans un discours, "on va juger" s'il peut l'incarner pendant ses prochains meetings.
franceinfo : Deux jours avant la découverte de ces colis explosifs, une bombe artisanale a été retrouvée dans la boîte aux lettres du financier George Soros, souvent visé par Donald Trump. Cela marque-t-il l'engagement politique des responsables de ces colis ?
Corentin Sellin : George Soros, c'est l'incarnation même de ce que Donald Trump et Steve Bannon ont appelé le globalisme. C'est un milliardaire qui est très investi dans des causes philanthropiques, humanitaires, dans le monde entier. Il représente vraiment ces élites transnationales qui sont haïes par Donald Trump et Steve Bannon. Et il a été associé en particulier aux immigrés qui viennent, ils paieraient les caravanes d'immigrés dans certaines fake news, il aurait aussi contribué à fausser des élections.
[La découverte de la bombe artisanale chez lui] venait après un déferlement en particulier sur les sites internet de l'alt-right, la droite extrême radicale et très active sur les réseaux sociaux. Un déferlement vraiment de haine depuis plusieurs mois et plusieurs années contre George Soros et une haine qui est souvent antisémite, il faut appeler un chat un chat. On voit bien qu'envoyer une bombe à cet homme-là, ça a quand même une signification politique lourde, sachant qu'il est effectivement aussi plutôt un bailleur de fonds libéral, quelqu'un qui a plutôt toujours soutenu les candidats démocrates et libéraux aux États-Unis.
La campagne pour les élections législatives peut-elle continuer comme avant aux États-Unis ou est-elle transformée ?
Non, le président Trump vient de dire que l'on vient d'assister à quelque chose d'absolument exceptionnel. Donald Trump avait été en-deçà de la main dans sa première réaction, puisqu'il s'est contenté de retweeter un message de condamnation de son vice-président en disant qu'il était de tout cœur avec les cibles. Mais là, il a senti que la chose prenait de l'ampleur et il a décidé de parler.
En parlant, il s'est présenté comme le champion de l'unité, de la réconciliation, c'est quand même très étonnant dans la campagne. C'était vraiment très étonnant de l'entendre, de le voir avec un ton très calme, très posé, et d'appeler à l'unité, lui qui, il y a encore quelques jours, quelques heures, dénonçait les démocrates comme le parti de la foule agressive, de la mafia, des gangs. Aujourd'hui, l'entendre dire qu'il faut se réunir, se réconcilier, avec un ton extrêmement posé, c'est vraiment extrêmement étonnant et la campagne a changé désormais.
Donald Trump peut-il incarner cette unité ?
Je serais tenté de vous dire qu'il a déjà dû faire face comme ça à une surprise d'octobre et à un événement inattendu et qu'il a plutôt été très très bon. On se disait, il y a deux ans, au moment de la campagne présidentielle, quand on a sorti la fameuse bande de l'émission Access Hollywood contre lui [datant de 2005 et dans laquelle Donald Trump parlait des femmes en termes dégradants] "ça y est, il est fini, ça va être terrible", mais il a su gérer. Là, il sait réagir, il dit les mots qu'on attend d'un président des États-Unis. Maintenant, il va falloir qu'il les incarne. Il a 15 jours pour les incarner.
Ça va être très amusant parce que pour son prochain meeting, il est au Wisconsin auprès de sa base blanche, "working class", classe populaire, qu'il aime exciter par des diatribes enflammées. On va voir si, justement, les mots officiels du président, dits aujourd'hui avec Melania Trump à côté, vont se retrouver chez Donald Trump le tribun qui offre ces diatribes face à son public. C'est là qu'on va juger si c'était honnête et s'il va pouvoir tenir cet engagement.
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