Election de Donald Trump : quelles conséquences pour la COP29 et les négociations sur le climat ?

La 29e conférence de l'ONU sur le changement climatique doit s'ouvrir en Azerbaïdjan, lundi, six jours après l'élection présidentielle américaine. Le scrutin devrait, une nouvelle fois, peser sur les discussions.
Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des supporters de Donald Trump près de sa résidence à Mar-a-Lago, en Floride, le 6 novembre 2024. (CHANDAN KHANNA / AFP)

Un climatosceptique de retour à la Maison Blanche. Au cours de sa campagne présidentielle victorieuse face à la démocrate Kamala Harris, le républicain Donald Trump a promis de revenir sur les subventions aux énergies renouvelables et aux véhicules électriques, de "forer à tout va" et de sortir à nouveau de l'accord de Paris. Au moment de prendre ses fonctions, en janvier, le président élu trouvera sur son bureau (ovale) les décrets préparés par son équipe de transition, dont l'un d'eux, une fois signé, officialisera le divorce entre les Etats-Unis et les 194 autres parties signataires, toutes engagées dans une baisse volontaire des émissions de gaz à effet de serre.

Alors que doit s'ouvrir, lundi 11 novembre, la 29e Conférence de l'ONU sur le changement climatique, la COP29, à Bakou (Azerbaïdjan), le désengagement américain annoncé va-t-il compromettre le bon déroulement des négociations ? Cette prise de distance de Washington, jugée inéluctable, devrait rebattre les cartes de la diplomatie climatique : un outil certes contesté, mais particulièrement précieux pour combattre un péril sans frontières.

"Un boulet de démolition" dans la diplomatie climatique

A la COP29, "les Etats-Unis étaient censés prendre plusieurs mesures", se désole Tom Rivett-Carnac, spécialiste des stratégies politiques climatiques, dans le podcast Outrage+Optimism. "Sous une administration Harris, un nouvel engagement national [de baisse des émissions] devait être pris au premier trimestre de l'année prochaine" ainsi que,"en théorie, un nouvel objectif collectif en matière de financement" de la lutte contre le réchauffement climatique. Au micro du podcast qu'il coanime, il se lamente encore de voir, avec l'élection de Donald Trump, s'évanouir "la possibilité de discussions entre les Etats-Unis et la Chine" qui auraient "envoyé au monde un signal en faveur de la hausse de leurs ambitions".

Au lieu de cela, "la nouvelle administration Trump va pulvériser la diplomatie climatique mondiale à coups de boulet de démolition", alerte dans The Guardian la directrice des politiques de l'ONG Union of Concerned Scientists, Rachel Cleetus. Même ceux qui vantent "la résilience" de l'accord de Paris, déjà éprouvé par un premier retrait américain entre 2017 et 2022, lors du premier mandat Trump, craignent que l'action mondiale en faveur du climat en prenne un coup, après l'attendu retrait américain. Parmi ces voix, l'économiste et diplomate Laurence Tubiana. En 2024, "le contexte global est plus propice à voir d'autres pays le suivre", souligne-t-elle dans Libération.

En rejoignant l'Iran, le Yémen et la Libye dans la liste des pays non signataires, les Etats-Unis pourraient donner des idées à l'Argentine, dirigée par un populiste d'extrême droite climatosceptique, Javier Milei, ainsi qu'au Venezuela, Etat pétrolier sous la coupe d'un régime autoritaire de gauche, illustre-t-elle. Si elle ne perçoit pas à ce stade de velléité sécessionniste parmi les autres Etats, Lola Vallejo, de l'Institut du développement durable et des relations internationales, note quant à elle que "la victoire très nette de Donald Trump fait peser un climat d'incertitude très important sur les négociations" de la COP29, dédiée à la question de la finance.

"Le fait que l'ensemble des pays soit paralysé par l'annonce de l'administration Trump, c'est un risque important et ce sera très négatif."

Lola Vallejo, conseillère climat de l'Iddri

à franceinfo

Autre crainte : que ce retrait américain ne condamne l'objectif de l'accord de Paris – contenir sous les 1,5°C la hausse des températures moyennes mondiales – et n'entame à ce titre la crédibilité de l'effort diplomatique. En mars, le média spécialisé Carbon Brief estimait qu'un second mandat du républicain entraînerait l'émission de plusieurs milliards de tonnes d'équivalent CO2 d'ici à 2030 par rapport à la poursuite des politiques du démocrate Joe Biden. L'abandon par les Etats-Unis de leurs objectifs – fixés à environ -50% de ces émissions par rapport à 2005 d'ici 2030 – serait d'autant plus pénalisant pour l'ensemble de la planète que le pays est le plus gros émetteur historique de gaz à effet de serre du monde et compte parmi les plus importants producteurs de pétrole et de gaz.

D'ailleurs, en 2001, le refus des Etats-Unis de ratifier le protocole de Kyoto avait porté un coup fatal à cette première tentative diplomatique d'embarquer la communauté internationale dans la lutte contre le réchauffement de la planète.

Une place à prendre sur la scène internationale

A l'inverse, Brendan Guy, de l'ONG américaine Natural Resources Defense Council, estime qu'une sortie américaine de l'accord de Paris pourrait motiver les autres pays à accélérer la cadence. "Nous nous attendons à un réengagement mondial retentissant en faveur des objectifs de l'accord de Paris (...) pour isoler le gouvernement de Trump et continuer le progrès mondial", avance-t-il auprès de franceinfo. Le désengagement probable des Etats-Unis est indiscutablement une mauvaise nouvelle "pour ceux d'entre nous qui croient à la collaboration internationale et aux efforts multilatéraux", souligne l'ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres, dans son podcast dédié au climat. Mais ce qui compte, poursuit-elle, "c'est de regarder ce que va faire la Chine".

Pékin "veut vraiment faire partie de la structure multilatérale et être reconnu comme un leader, sinon LE leader, du moins des pays en développement", continue la diplomate. Dans ces conditions, la décision américaine "ouvre une opportunité incroyable" pour la superpuissance asiatique, qui a annoncé, deux jours après l'élection de Donald Trump, se doter d'une ambitieuse loi sur l'énergie en vue d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2060.

"En sortant de l'accord de Paris, les Etats-Unis vont naturellement perdre de leur influence sur la création des règles internationales sur le climat", confirme Li Shuo, directeur du China Climate Hub de l'Asia Society Policy Institute. "Cela se fait à leurs dépens", ajoute-t-il, lors d'une conférence organisée par le média spécialisé Carbon Brief. A ses côtés, Mohamed Adow, le directeur du groupe de réflexion Power Shift Africa, abonde dans le même sens : "Ce qu'on attend à Bakou et ensuite, c'est de voir le reste du monde faire la démonstration que les pays avancent ensemble, avec ou sans l'administration Trump."

"Nous voyons que la Chine est en train de remporter la course de la transition énergétique, mais cela n'est une perte gigantesque que si l'on se place du point de vue des citoyens américains. (...) D'autres puissances vont émerger dans les technologies et énergies propres."

Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa

lors d'une conférence organisée par le média spécialisé Carbon Brief

"L'accord de Paris tient notamment parce que l'Union européenne et la Chine y tiennent, et de nombreux acteurs économiques américains, même parmi les soutiens de Trump, développent déjà des technologies d'un monde décarboné", relève pour sa part le directeur de l'Iddri, Sébastien Treyer. L'Agence internationale de l'énergie anticipait d'ailleurs dans son dernier rapport "un pic de la demande pour toutes les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) d'ici la fin de la décennie", constatant "un pic et un affaiblissement de la croissance de la demande mondiale de pétrole".

"D'autant plus important de serrer les rangs"

Sébastien Treyer craint toutefois qu'un durcissement du conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis, que Donald Trump menace de rouvrir, ne pénalise l'Europe et surtout les pays les plus vulnérables. "Il sera donc d'autant plus important de serrer les rangs, entre pays pour qui la coopération est vitale."

"Peu importe ce que dit Trump, quoi qu'il arrive, la transition vers les énergies propres est inéluctable aux Etats-Unis", assure pour sa part Gina McCarthy, conseillère nationale de Joe Biden pour le climat et membre de l'initiative America is All In, créée en 2017 pour rassembler les acteurs américains soucieux d'agir en dépit du premier retrait de l'accord de Paris. "Notre coalition est plus grande, plus bipartisane, mieux organisée et parfaitement préparée à apporter des solutions climatiques, à stimuler les économies locales et à faire avancer les ambitions climatiques", poursuit-elle dans The Guardian.

A l'annonce de l'élection de Donald Trump, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a même songé à annuler ses plans afin de se rendre à la COP29 pour assurer le reste du monde de l'engagement de son Etat en faveur du climat, mais il s'est ravisé, rapporte Politico dans sa newsletter de samedi.

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