: Reportage "C'est du racisme pur et simple" : les Haïtiens de Springfield sont devenus la cible de l'extrême droite à cause d'une fake news relayée par Donald Trump
"Les étrangers et les Haïtiens dehors", clame un tract du groupe suprémaciste américain Ku Klux Klan. Depuis les accusations mensongères de Donald Trump visant la communauté haïtienne de Springfield, dans l'Etat de l'Ohio (Etats-Unis), la ville est devenue l'obsession de l'extrême droite. "A Springfield, les gens qui viennent, ils mangent les chiens, ils mangent les chats, ils mangent les animaux de compagnie des habitants, c'est ce qui arrive dans notre pays et c'est une honte", a déclaré le candidat républicain à la présidentielle américaine, dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 septembre, lors du débat face à sa rivale démocrate Kamala Harris.
En réaction à cette rumeur, des militants des Proud Boys, un groupuscule nationaliste et viriliste, ont été filmés en train de défiler dans la ville, tandis que des établissements publics (mairies, hôpitaux et écoles) font l'objet d'alertes à la bombe quotidiennes. "Les propos de [Donald] Trump sont ridicules. C'est évidemment faux et ça crée beaucoup de tensions pour rien", réagit une parente d'élève auprès de France 2. "C'est du racisme pur et simple, et en tant que femme de couleur, je comprends ce que ça fait", dénonce une autre.
Des habitants sous le choc
"Nous, les Haïtiens, nous n'avons pas l'habitude de manger des chiens et des chats. Nous n'avons pas cette culture", se défend un habitant interrogé par France 2. "On est choqués, on n'est pas à l'aise", témoigne un autre résident. Fuyant la situation politique et sécuritaire dégradée de leur île, un grand nombre d'Haïtiens se sont installés à Springfield et dans les environs en quelques années. Une immigration légale, selon la ville, qui compte au total un peu plus de 58 000 habitants.
"Comment peut-on entendre ça dans la bouche de quelqu'un qui brigue une haute fonction ? C'est fou, c'est impossible", s'indigne auprès de France 2 Jacob Payen, un habitant américano-haïtien de Springfield. "Il va nous falloir des années pour effacer les conséquences de cette déclaration", déplore-t-il.
Un démenti ferme des autorités
Les autorités locales ont enchaîné les interventions afin de démentir les allégations de l'ex-président des Etats-Unis, y compris dans son propre camp politique. "Nous n'avons aucun élément qui permette d'accréditer ce qu'il a dit", a répondu Rob Rue, maire républicain de Springfield. "C'est triste de voir une telle rumeur apparaître", a réagi de son côté Mike DeWine, gouverneur républicain de l'Ohio, dimanche auprès d'ABC News.
Dans un mail adressé lundi 9 septembre à l'ONG américaine Newsguard, qui lutte contre la désinformation, la police de Springfield a expliqué qu'"il n'existe pas d'informations crédibles ou d'affirmations précises sur des animaux de compagnie maltraités, blessés ou victimes d'abus de la part de la population immigrée".
Le colistier de Trump se dit prêt à inventer "des histoires"
En parallèle, des faits divers cristallisent l'hostilité envers la communauté haïtienne : en 2023, un Haïtien en situation régulière a percuté un bus scolaire, tuant Aiden Clark, un enfant de 11 ans. Son père a dénoncé la récupération politique de la mort accidentelle de son fils par le camp républicain, relaie CNN. Par ailleurs, une Afro-Américaine de la ville de Canton (Ohio), n'ayant aucun lien avec Haïti, a été arrêtée le 16 août dernier, accusée d'avoir tué et mangé un chat, rapporte USA Today. Son arrestation, filmée par la police et postée sur YouTube, a été présentée à tort sur X comme celle d'une immigrée haïtienne, ce qui a pu renforcer les préjugés sur cette communauté.
Cette fausse information a été propagée par un influent compte d'extrême droite sur X, suivi par 3 millions d'abonnés, avant d'être relayée par J.D. Vance, colistier de Donald Trump et sénateur de l'Ohio, dans un tweet vu plus de 11 millions de fois : "Des témoignages montrent désormais que des animaux de compagnie ont été enlevés et mangés par des personnes qui ne devraient pas être dans ce pays. Où est notre tsar des frontières [surnom donné par Donald Trump à Kamala Harris] ?", interroge-t-il. Sur CNN, le conservateur a admis qu'il s'agissait d'une histoire "inventée" et s'est dit prêt à "créer des histoires" afin que les médias "prêtent attention à la souffrance de la population américaine". Mardi, l'Ohio a annoncé l'arrivée de renforts de police destinés à rassurer les habitants.
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