Inculpation de Donald Trump : le soutien presque sans faille du parti républicain à l'ancien président
Un jour sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis. L'ancien président américain Donald Trump a été formellement inculpé de 34 chefs d'accusation, mardi 4 avril, lors d'une comparution historique au tribunal de Manhattan, à New York. Le 45e locataire de la Maison Blanche est accusé de "falsifications de documents comptables" menées "avec l'intention de commettre un autre crime", peut-on lire dans l'acte d'accusation* (document PDF).
Au cœur de cette affaire, le versement par l'ancien avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, de 130 000 dollars (environ 119 000 euros) à l'actrice et réalisatrice de films pornographiques Stephanie Clifford, connue sous le nom de Stormy Daniels, pour acheter son silence sur une supposée relation extraconjugale avec l'ancien président. Ce paiement, qui a eu lieu en 2016 à l'approche de l'élection présidentielle, a ensuite été remboursé par Donald Trump. Ce dernier et les autres personnes impliquées sont accusés d'avoir cherché à masquer cette transaction à travers des documents falsifiés, notamment en évoquant des frais juridiques.
Deux autres dossiers de paiements pour faire taire des accusations embarrassantes contre le républicain, avant l'élection de 2016, sont également évoqués par l'accusation. "La stratégie [de Donald Trump et de ses collaborateurs impliqués] était illégale. Cette stratégie a enfreint la loi électorale de New York, ce qui en fait un crime de conspiration pour promouvoir une candidature par des moyens illégaux", a dénoncé le procureur de Manhattan, Alvin Bragg.
Une "décision politique" pour les électeurs républicains
Mardi soir, l'ancien président et candidat à l'élection présidentielle de 2024 est revenu à Mar-a-Lago, en Floride, où il a tenu un discours sur son inculpation. "Je n'aurais jamais imaginé cela possible en Amérique (...) Cette affaire a été montée de toutes pièces, uniquement pour m'empêcher de participer aux élections de 2024", a-t-il clamé sous les applaudissements de ses soutiens.
Au sein du parti républicain, 93% des sympathisants interrogés considèrent cette inculpation comme une décision politique, selon un sondage de CNN*. De nombreuses figures du parti, y compris des rivaux de Donald Trump en vue de la prochaine présidentielle, ont largement dénoncé cette inculpation et soutenu, de près ou de loin, l'ancien président face à la justice new-yorkaise. Les républicains n'avaient pas été autant unis derrière le milliardaire depuis l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, note le New York Times*.
Un large soutien...
Sans surprise, les fidèles du milliardaire n'ont pas manqué d'apporter leur soutien à leur champion, à l'image de la représentante Marjorie Taylor Greene, élue en Géorgie. L'Américaine, complotiste et habituée des outrances, était présente à New York lors de la comparution de Donald Trump mardi. Ce dernier "rejoint aujourd'hui certaines des personnes les plus incroyables de l'histoire, a-t-elle déclaré. Nelson Mandela a été arrêté, a purgé une peine de prison. Jésus a été arrêté et assassiné."
Parmi les élus de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, le président de la chambre basse du Congrès américain, Kevin McCarthy, a dénoncé sur Twitter "un abus de pouvoir scandaleux par un procureur radical", qui selon lui "poursuit sa vengeance politique contre le président Trump". "Je demande aux comités compétents d'enquêter immédiatement [pour savoir] si des fonds fédéraux sont utilisés [dans cette enquête] pour renverser notre démocratie, en s'ingérant dans les élections avec des poursuites à motivation politique", a ajouté le "speaker". Selon le New York Times*, Kevin McCarthy fait référence à un petit montant de fonds fédéraux utilisés par le procureur et ses équipes pour enquêter sur Donald Trump.
Le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, Steve Scalise, a également fustigé une décision "scandaleuse". Sur Twitter, ce dernier a évoqué "un exemple très clair de l'utilisation du gouvernement par les démocrates extrémistes pour attaquer leurs opposants politiques". "Un jour sombre pour l'Amérique", "une chasse aux sorcières politique", a poursuivi la représentante Elise Stefanik, tweetant un numéro de soutien à l'ex-président.
Comme le rapporte le New York Times, trois présidents de comités à la Chambre des représentants ont même envoyé une lettre à l'attention du procureur du Manhattan, lui demandant de présenter des documents et témoignages au sujet de son enquête sur Donald Trump. Alvin Bragg n'a pas manqué de répondre, évoquant "une incursion illégale dans la souveraineté de New York".
Les voix moins critiques envers le travail du procureur se sont faites bien plus rares dans les rangs des élus républicains. "Il y a un juge, il y a des jurés, il y a des appels. Je pense qu'à la fin, justice sera faite", a ainsi sobrement commenté le représentant Don Bacon auprès de CNN*. "S'il est coupable, cela se verra. Mais sinon, je pense que cela sera montré aussi."
... même parmi ses critiques et rivaux
Depuis l'annonce de son inculpation, même des voix d'habitude plus critiques envers Donald Trump ont dénoncé, à leur tour, la décision judiciaire. Mitt Romney, seul sénateur républicain qui avait voté pour la destitution de l'ancien président, a déclaré que "le procureur de New York s'est efforcé d'arriver à des accusations criminelles pour que cela aille avec une intention politique". L'inculpation, à ses yeux, "crée un dangereux précédent pour la criminalisation des opposants politiques et porte atteinte à la confiance du public dans notre système judiciaire". L'ancien candidat républicain à la présidentielle a néanmoins estimé que Donald Trump était "inapte" pour exercer un nouveau mandat, rapporte ABC News*.
Le républicain Francis Rooney, interrogé par le New York Times*, rappelle qu'il a été "l'une des premières personnes à rompre avec Trump". Pourtant, il juge "scandaleuse" et "stupide" l'inculpation de l'ancien président, tout en affirmant que cette procédure pourrait lui être bénéfique électoralement, au point de peut-être devenir "la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis longtemps". Pour Mike Pence, l'ancien vice-président de Donald Trump qui avait déclaré que l'histoire le tiendrait "responsable" de l'assaut du Capitole, cette décision est "un outrage".
Même le gouverneur de Floride Ron DeSantis, pressenti pour être candidat à la présidentielle de 2024, a apporté un soutien mesuré à son principal rival républicain. Tout en se moquant du fond de l'affaire – le paiement à une actrice porno –, le conservateur a dénoncé un procureur "qui ignore les crimes qui ont lieu chaque jour dans sa juridiction", et qui "poursuit une intention politique". Après le vote de l'inculpation de Donald Trump par un grand jury, le gouverneur avait également affirmé que la Floride n'aiderait pas les autorités pour l'extradition de l'ancien président, résident de Mar-a-Lago. "Il s'agit plus de vengeance que de justice", a déclaré de son côté la républicaine Nikki Haley, déjà candidate pour 2024.
Comme le souligne le New York Times, ce soutien quasiment unanime à Donald Trump traduit une crainte dans les rangs du parti républicain : celle de perdre des voix parmi les électeurs conservateurs s'il ne soutenait pas son ancien champion dans l'adversité. L'inculpation de Donald Trump, qui ne lui interdit en rien de faire campagne ou de se présenter, pourrait même avoir un effet de mobilisation dans son propre camp.
* Ces liens renvoient vers des articles en anglais.
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