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Présidentielle américaine : comment Donald Trump pourrit l'atmosphère de fin de campagne

De meeting en meeting, le candidat républicain galvanise ses supporters en dénonçant une élection probablement "truquée". Certains appellent désormais à la "révolution", en cas d'élection d'Hillary Clinton à la Maison Blanche.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Donald Trump, candidat républicain à la Maison Blanche, lors d'un meeting à Edison (Etats-Unis), le 15 octobre 2016. (EVAN VUCCI / AP / SIPA)

Donald Trump a prévenu. "J'ai été libéré de mes chaînes et je peux maintenant me battre pour l'Amérique comme je le souhaite", écrit-il sur Twitter après plusieurs jours de polémique autour de ses propos obscènes. Depuis cet énième scandale, sondages et analystes arrivent pour la plupart à la même conclusion : Hillary Clinton sera la prochaine présidente des Etats-Unis.

Le candidat républicain à la Maison Blanche n'aurait donc plus rien à perdre. "C'est un homme très dangereux pour les semaines à venir", commente l'un de ses biographes, interrogé par Politico (en anglais). De meeting en meeting, il galvanise désormais ses supporters en dénonçant une élection probablement "truquée". Franceinfo vous explique comment le milliardaire rend cette atmosphère de fin de campagne de plus en plus inquiétante.

En appelant ses militants à "surveiller" les bureaux de vote

Depuis plusieurs mois, Donald Trump invite ses supporters à s'enregistrer en ligne pour devenir des "observateurs" du scrutin du 8 novembre et "empêcher Hillary la corrompue de [le] truquer". "Il faut que nous soyons certains qu'on ne nous volera pas l'élection", martèle-t-il en meeting. "Surveillez vos isoloirs", intime le candidat à ses soutiens. Mettre en place des "observateurs" est une pratique légale dans la quasi-totalité des Etats américains, rappelle le New York Times (en anglais), mais elle peut parfois tourner à l'intimidation, dans un pays où les lois électorales sont plus ou moins restrictives.

Dans 39 Etats, ces "observateurs" ont en effet le pouvoir de remettre en cause le droit de vote des personnes qui se présentent devant les urnes. En Pennsylvanie, par exemple, ces électeurs "contestés" doivent, pour voter, signer une déclaration sous serment concernant leur identité et leur lieu de résidence, et trouver un témoin de la même circonscription électorale pour attester de leur bonne foi, explique NPR (en anglais). "Pas besoin que ces contestations soient couronnées de succès, commente Howard Cain, un responsable démocrate, interrogé par la radio. Il faut juste créer assez de confusion et, temporairement, de chaos dans un bureau de vote pour que les gens se disent 'je ne vais pas rester là et supporter cette situation absurde, je m'en vais'. C'est là le vrai objectif."

Autrement dit, les observateurs ont tout intérêt à décourager les électeurs qu'ils pensent ne pas être favorables à leur candidat. Par le passé, certains sont même allés jusqu'à prétendre être membre des forces de l'ordre ou à menacer les électeurs d'arrestation, affirme le New York Times. Et en Pennsylvanie ou dans l'Alabama, les "observateurs" ont la possibilité de venir surveiller les bureaux de vote avec leurs armes à feu bien visibles. Pas forcément très rassurant, d'autant qu'on ne sait pas si les soutiens de Donald Trump suivront une formation ou seront encourager à surveiller le scrutin de manière informelle, remarque le New York Times. La stratégie du milliardaire est "une manœuvre effrayante", commente le journal.

En se préparant à refuser la défaite

Lors du premier débat présidentiel, Donald Trump l'a promis : "Si [Hillary Clinton] l'emporte, je la soutiendrai." Mais plus la date du scrutin approche, plus cet engagement semble déjà être de l'histoire ancienne. Fin septembre, le milliardaire a indiqué au New York Times (en anglais) qu'il était en train de revoir sa position sur le sujet. Depuis, empêtré dans les polémiques et des accusations d'agressions sexuelles, le candidat républicain n'a de cesse de mettre en cause la sincérité du scrutin du 8 novembre prochain. "L'élection est en train d'être truquée", martèle-t-il sur son compte Twitter, en mettant en cause, comme à son habitude, la presse américaine, accusée de collusion avec Hillary Clinton.

Le colistier de Donald Trump, Mike Pence, se veut rassurant. "Nous accepterons les résultats de l'élection", assure-t-il à la télévision. Mais face à la rhétorique incendiaire du candidat, le patron des républicains à la Chambre des représentants, Paul Ryan, a une fois de plus pris (timidement) ses distances. "Notre démocratie repose sur la confiance envers les résultats des élections, a indiqué sa porte-parole. Paul Ryan est totalement confiant dans le fait que les Etats géreront le scrutin avec intégrité."

Même en 2000, lorsque l'affrontement entre George W. Bush et Al Gore a tourné au psychodrame en Floride, le perdant de l'élection a "gracieusement accepté l'issue" du scrutin, rappelle Ari Fleischer, porte-parole de la Maison Blanche sous la présidence Bush. "Si Donald Trump ne concède pas [sa défaite], il restera dans l'Histoire comme le plus mauvais perdant des mauvais perdants", affirme-t-il, interrogé par Politico (en anglais).

Si Donald Trump perd et se bat contre le résultat, beaucoup de ses soutiens, des millions de personnes, questionneront la légitimité du gouvernement américain. C'est destructeur.

Ari Fleischer, ancien porte-parole de la Maison Blanche

à "Politico"

En ouvrant la porte à un climat de "révolution"

Le discours n'est visiblement pas sans conséquence auprès de ses électeurs : 50% des soutiens de Donald Trump sont "peu ou pas du tout confiants" que les votes seront comptés fidèlement lors de l'élection à venir, d'après une étude du Pew Research Center (en anglais), publiée en août. En comparaison, seuls 20% des supporters d'Hillary Clinton partagent de telles inquiétudes.

Les médias américains se demandent quelle sera la réaction de ces électeurs défiants en cas de défaite de leur champion le 8 novembre. "Il va y avoir une rébellion, explique ainsi un quinquagénaire, supporter de Trump, à Politico. Tout le monde est fatigué du système." "Si elle est élue, j'espère que nous pourrons mettre en place un coup d'Etat, répond un autre au Boston Globe (en anglais). Elle devrait être en prison ou abattue." A maintes reprises, depuis le deuxième débat présidentiel, Donald Trump a lui-même estimé que sa rivale devrait être derrière les barreaux.

Cela va être un bain de sang. Mais c'est ce qu'il va falloir... Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour mon pays.

Dan Bowman, un soutien de Donald Trump

au "Boston Globe"

Mike Pence, habitué à gérer les coups d'éclat de Donald Trump, a cette fois-ci bien du mal à calmer les ardeurs des militants. "Nos vies dépendent de cette élection, lui a lancé une électrice lors d'un meeting, mardi 11 octobre. Et je vais vous dire, je ne veux pas que cela arrive, mais si Hillary Clinton est élue, je suis prête à faire la révolution, parce qu'on ne peut pas se permettre [de l'avoir au pouvoir]." "Ne dites pas ça", s'est contenté de répondre le candidat à la vice-présidence. Difficile pour lui d'éteindre l'incendie quand, dans son propre camp, certains n'hésitent pas à remettre de l'huile sur le feu. Le shérif David Clarke, l'un des soutiens les plus démonstratifs de Donald Trump, invité à la tribune de la convention républicaine, appelle désormais clairement à la rébellion. Sur son compte Twitter, il se prépare : "C'est l'heure des fourches et des flambeaux."

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