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Présidentielle américaine : l'élection est-elle "truquée" comme le prétend Trump ?

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le candidat républicain Donald Trump lors d'un meeting, le 17 octobre 2016, à Green Bay, dans le Wisconsin.  (TASOS KATOPODIS / AFP)

Franceinfo a cherché à savoir si Donald Trump avait raison – après tout, pourquoi pas ? – d'affirmer que les dés étaient pipés dans l'élection qui se tiendra le 8 novembre.

Stratégie du désespoir ? A la peine dans les sondages à l'approche de l'élection présidentielle du 8 novembre aux Etats-Unis, Donald Trump s'en prend au système. Alors que le vote anticipé et le vote par correspondance ont commencé dans de nombreux Etats, le candidat républicain a estimé, lundi 17 octobre, que le scrutin était de toute façon floué. L'élection peut-elle vraiment être truquée au profit de son adversaire, la démocrate Hillary Clinton ? Franceinfo a décidé de prendre Donald Trump au mot.

"Il existe une fraude électorale massive"

Ce qu'il a dit. "Bien sûr qu'il existe une fraude à grande échelle pendant et avant le jour de l'élection. Pourquoi les dirigeants républicains nient ce qu'il se passe ? Quelle naïveté !"

Ce qu'on peut lui répondre. Désolé Donald, les spécialistes en droit constitutionnel qui se sont penchés sur la question de la fraude électorale te donnent tort. Le constitutionnaliste Justin Levitt, qui a étudié le déroulement des élections entre 2000 et 2014, n'a par exemple relevé que 31 "incidents", explique-t-il dans le Washington Post. Or, durant cette période, il estime que plus d'un milliard de bulletins de vote ont été déposés dans les urnes à travers tout le pays. Aussi, après enquête, la plupart des suspicions de fraude se sont révélées infondées. Bref, difficile d'imaginer des hordes de tricheurs venant bourrer les urnes de bulletins Clinton.

Après avoir été élu de justesse en 2000 face à Al Gore, George W. Bush a demandé aux procureurs des différents Etats de traîner devant la justice un maximum de fraudeurs présumés. Au terme de ces enquêtes, il est apparu que l'essentiel de ces "fraudeurs" étaient des personnes qui s'étaient trompées en s'inscrivant sur les listes électorales. Peu nombreux, ces cas continuent d'alimenter le mythe d'une certaine triche organisée par les démocrates, explique Slate (en anglais).

Dans le camp républicain, de nombreux élus se sont désolidarisé des propos de Donald Trump, qui pourraient encourager, chez ses propres supporters, l'abstentionnisme, le refus de reconnaître le résultat de l'élection, voire des violences et tentatives d'intimidation devant les bureaux de vote, rapporte le New York Times. Et de rappeler que "dans de nombreux Etats parmi les plus disputés, le scrutin sera supervisé par des officiels républicains. Des gens qu'on imagine mal accepter d'aider Hillary Clinton".

"Les médias sont malhonnêtes et biaisés"

Ce qu'il a dit. "L'élection est totalement truquée par les médias malhonnêtes et biaisés qui soutiennent Hillary la véreuse – mais aussi dans de nombreux bureaux de vote. TRISTE."

Ce qu'on peut lui répondre. Voici ce que disent les chiffres : entre janvier et septembre, la campagne de Donald Trump a bénéficié de 822 minutes de temps d'antenne sur les trois principaux réseaux télévisuels des Etats-Unis (ABC, CBS et NBC), contre 386 minutes pour le camp Clinton, selon une étude réalisée par Tyndall Report. L'institut note par ailleurs que 89 de ces minutes attribuées à la campagne de la démocrate concernaient le scandale des e-mails. Selon l'institut IQ Media, Donald Trump est incontestablement "le président de la télé" : depuis le début de la campagne, il a bénéficié d'un temps d'antenne équivalent à 4,6 milliards de dollars de spots publicitaires, contre 2,5 milliards pour Hillary Clinton.

"Si vous êtes différent ou scandaleux, les médias vont écrire à votre sujet", relevait Donald Trump en 1987. Près de trente ans plus tard, il a démontré l'efficacité de sa théorie, au point que les médias se sont demandé si ce n'étaient pas eux qui avaient conduit le milliardaire en finale de cette présidentielle. En réalité, Donald Trump n'a de problème avec les médias que lorsque ces derniers relaient des informations qui le mettent en difficulté, comme lorsqu'ils se font l'écho des accusations d'agressions sexuelles qui pèsent sur le candidat. Jeudi, Donald Trump a ainsi menacé de poursuivre le New York Times en diffamation. Par la voix de son avocat, le quotidien a répondu que le candidat ne faisait que payer le prix de ses déclarations outrancières : "Rien dans notre article ne porte atteinte à une réputation que M. Trump, par ses mots et ses actions, a créée pour lui-même."

Interpellé par un lecteur pro-Trump qui dénonçait une couverture inégalitaire des élections, un éditorialiste du San Antonio Express News a choisi de le dire sans pincette : "Si la couverture médiatique est distordue, c'est parce que ce candidat est distordu – et cinglé." Aussi, quand les journaux ont dû, comme le veut la tradition américaine, prendre position, une grande majorité s'est rangée derrière Hillary Clinton. Début octobre, le magazine Foreign Policy, qui s'était toujours refusé à officialiser son soutien à un quelconque candidat à la présidentielle, a concédé rouler pour la démocrate, tout comme Vogue, mardi. Selon le New York Times, de nombreux titres nationaux et locaux ayant pour habitude de soutenir le candidat républicain ont changé de bord le temps de cette élection, comme The Dallas Morning NewsThe Cincinnati Enquirer "qui soutient les candidats républicains depuis près de cent ans" ou The Houston Chronicle.

"Clinton a les questions des débats à l'avance"

Ce qu'il a dit. "Le vote est truqué ! Hillary Clinton la véreuse obtient même les questions des débats à l'avance, et personne ne dit rien. Vous imaginez si c'est moi qui obtenais ces questions ?"

Ce qu'on peut lui répondre. Début octobre, WikiLeaks a publié une nouvelle salve de révélations concernant les courriels piratés de l'administration américaine – on y apprend notamment qu'Hillary Clinton bénéficie de liens de proximité très étroit avec certains journalistes. Dans l'un de ces mails, daté du 12 mars 2016, la présidente du comité national démocrate, Donna Brazile, écrit à un proche conseiller d'Hillary Clinton pour lui faire part de ses inquiétudes concernant une question dont elle a eu connaissance "à l'avance", et qui pourrait être posée le lendemain, lors d'un débat entre les candidats à la primaire démocrate. De là à en déduire, comme le fait Donald Trump, que l'ancienne secrétaire d'Etat est informée des questions qui lui seront posées lors des différents débats...

D'une part, la responsable démocrate en question intervient souvent sur les plateaux de télévision pour faire entendre la position de son parti. Dans un communiqué, elle a assuré qu'elle n'avait pas transmis de questions à l'avance, mais a concédé, en revanche, qu'il lui arrivait d'évoquer des sujets qu'elle estimait sensibles avec "tous les candidats" de son parti, avant d'intervenir dans une émission, explique Politico. Dans ce cas précis, elle était en effet sur le plateau d'ABC le lendemain de l'envoi de cet e-mail.

Sans pour autant invalider complètement la théorie de Donald Trump, cela permet de mettre en doute ces accusations. Une nuance qui n'empêche pas le candidat républicain de dénoncer la corruption et la malhonnêteté du camp démocrate : un "système" pas si complexe, schématisé avec audace lundi par l'humoriste et animateur américain Stephen Colbert.

L'humoriste et animateur américain Stephen Colbert explique à l'aide d'un schéma très explicite la théorie du complot médiatique dénoncée par le camp de Donald Trump, lors de son émission, lundi 17 octobre 2016.  (THE LATE SHOW WITH STEPHEN COLBERT / CBS / GIPHY)

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