Ukraine, Proche-Orient, Taïwan… Comment Donald Trump, président américain élu, va-t-il gérer les crises géopolitiques ?
"Je mettrai fin à toutes les crises internationales que l'administration actuelle a créées, y compris l'horrible guerre avec la Russie et l'Ukraine, qui n'aurait jamais eu lieu si j'étais président." C'est ce qu'avait déclaré Donald Trump, en juillet, lors de son discours d'acceptation de l'investiture du Parti républicain à la présidentielle américaine. Le milliardaire s'était alors dépeint comme un dirigeant à la stature internationale, capable de mettre fin aux conflits dans le monde "avec un coup de téléphone".
Près de quatre mois plus tard, le voilà réélu, mercredi 6 novembre, président des Etats-Unis. Qu'attendre, désormais, de sa gestion des principales crises géopolitiques, de l'Ukraine au Proche-Orient, en passant par l'Otan et Taïwan ? Point par point, franceinfo revient sur le bilan international de son premier mandat et ses promesses pour le second.
Ukraine : la peur de concessions majeures à Vladimir Poutine
La victoire de Donald Trump pourrait avoir des effets dramatiques pour Kiev, qui lutte toujours contre l'invasion lancée par Moscou. L'ex-président républicain n'a eu de cesse de critiquer le soutien militaire et financier apporté à l'Ukraine par Joe Biden, d'une valeur de près de 85 milliards d'euros depuis le 24 février 2022 selon le Kiel Institute, ou d'afficher son admiration pour la poigne de fer de Vladimir Poutine. Il a plusieurs fois prétendu qu'il serait capable de mettre un terme à l'invasion russe "en moins de 24 heures", sans jamais préciser comment il comptait s'y prendre.
Son colistier, JD Vance, s'en est en partie chargé en septembre. Le futur vice-président des Etats-Unis a évoqué dans un podcast mis en ligne sur YouTube, le "Shawn Ryan Show", la création d'une "zone démilitarisée" sur le territoire ukrainien le long de la ligne de front, qui serait "fortement fortifiée pour que les Russes n'envahissent pas à nouveau le pays", selon des extraits cités par Le Figaro. Autrement dit, laisser le contrôle à la Russie des territoires qu'elle a déjà conquis, le temps des négociations proposées.
L'idée va à l'opposé des revendications de l'Ukraine, qui réclamait de pouvoir reprendre son territoire avant toute négociation afin de ne pas arriver en position de faiblesse. La Russie, au contraire, verrait une de ses demandes en partie satisfaite : l'annexion de quatre régions de l'est et du sud ukrainien (Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson).
Selon JD Vance, le plan de Donald Trump impliquerait aussi d'interdire l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan ou d'autres "institutions alliées", une autre revendication de Vladimir Poutine. De plus, une suspension ou un arrêt total de l'aide américaine, la plus conséquente depuis le début du conflit, laisserait l'Ukraine encore plus largement dépassée par la puissance de feu russe.
Même si Moscou venait à prolonger la guerre, voire à submerger l'Ukraine, pas question d'imaginer l'envoi de personnel américain sur place, selon JD Vance. "Combien de vies américaines cela coûterait-il ? Si la réponse est supérieure à zéro, alors je me retire, j'en ai marre de perdre des vies américaines en étant le gendarme du monde", martèle-t-il .
Volodymyr Zelensky a malgré tout adressé mercredi ses "félicitations" à Donald Trump sur X. "J'apprécie l'engagement du président Trump en faveur de l'approche 'la paix par la force' dans les affaires mondiales. C'est exactement le principe qui peut concrètement rapprocher une paix juste en Ukraine. J'espère que nous le mettrons en œuvre ensemble", ajoute le président ukrainien, qui ne manque pas de souligner le "fort soutien transpartisan en faveur de l'Ukraine aux Etats-Unis" et les investissements de Kiev en matière de défense.
Comme dans de nombreux dossiers internationaux, c'est avant tout l'incertitude qui domine. "Avec un président Trump, nous serions certainement confrontés pendant un certain temps à la crise ou à l'absence de volonté politique", anticipait mardi Bohdan Iaremenko, ancien diplomate aux Etats-Unis et député du parti présidentiel ukrainien Serviteur du peuple, cité dans Le Monde. Mais malgré ses "propos assez contradictoires", "le côté positif, c'est que nous avons vu que le président Trump est tout à fait capable de changer d'avis sous la pression de ses conseillers, sous la pression de l'opinion publique"
Toutefois, Moscou ne paraît pas intéressée par des négociations. La Russie s'efforcera d'"atteindre tous les objectifs fixés" en Ukraine après la victoire de Donald Trump, a déclaré Moscou mercredi. "Nos conditions restent inchangées et sont bien connues à Washington", a poursuivi le ministère des Affaires étrangères.
Proche-Orient : la poursuite d'un soutien "total" à Israël
Dans le Bureau ovale, le Proche-Orient sera aussi un dossier brûlant pour Donald Trump. Alors que Washington est le meilleur allié d'Israël depuis le début de la guerre, en témoignent notamment les enveloppes successives d'aide militaire, le républicain a promis son "soutien total" à l'Etat hébreu après les attentats du 7-Octobre. Auprès de franceinfo, le politologue américain Hans Noel estimait, avant les résultats de l'élection, qu'il n'y aurait "pas de changement majeur de politique". Cependant, sur la cause palestinienne, "Donald Trump ne cherchera pas à obtenir de garanties [pour la protection des civils] ou à encourager un cessez-le-feu", contrairement à la ligne tenue jusqu'alors par Joe Biden.
Lors de son premier mandat, le milliardaire a multiplié les gestes en faveur d'Israël. Il a en outre reconnu Jérusalem comme capitale et déplacé l'ambassade américaine de Tel-Aviv à la ville trois fois sainte. Donald Trump est aussi à l'origine des accords d'Abraham, qui entérinent une normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes. Il a surtout, en 2019, acté la reconnaissance de la souveraineté de l'Etat hébreu sur le plateau du Golan syrien occupé. Tout ce passif fait craindre "des politiques par rapport à la colonisation, par rapport à l'impunité d'Israël, qui seront accélérées ou renforcées", explique Ines Abdel Razek, directrice plaidoyer de l'Institut palestinien pour la diplomatie publique, interrogée il y a quelques jours par franceinfo.
Depuis l'annonce de sa réélection, les messages enthousiastes se succèdent côté israélien. "Félicitations pour le plus grand retour de l'histoire", a écrit le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, dans un communiqué. "J'attends avec impatience de travailler avec vous pour renforcer le lien à toute épreuve entre nos peuples, pour construire un avenir de paix et de sécurité dans la région et pour défendre nos valeurs partagées", a partagé le président Isaac Herzog sur X.
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a aussi congratulé Donald Trump, se disant "convaincu que les Etats-Unis soutiendront les aspirations légitimes" des Palestiniens. Dans un communiqué, il a exprimé "son aspiration à travailler avec le président Trump pour la paix et la sécurité dans la région, soulignant l'engagement du peuple palestinien en faveur de la liberté, de l'autodétermination et de la souveraineté de l'Etat, conformément au droit international". Quant au Hamas, le mouvement islamiste a déclaré que sa position envers Donald Trump "dépendra" de sa politique à l'égard des Palestiniens.
Otan : la crainte d'une mise en retrait
Au regard des récentes prises de parole de Donald Trump sur l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), sa victoire est plus synonyme d'inquiétude que de réjouissance pour l'Europe. Le républicain n'est pas un "atlantiste" comme Joe Biden. Il reproche régulièrement à ses alliés de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord de ne pas financer suffisamment l'institution ou leur propre sécurité. En février, lors d'un meeting en Caroline du Sud, il a notamment menacé de ne plus garantir la protection des pays de l'Otan face à la Russie, relatant une discussion qu'il aurait eue avec le dirigeant d'un Etat membre de l'Alliance atlantique.
"Un des présidents d'un gros pays s'est levé et a dit : 'Eh bien, monsieur, si on ne paie pas et que l'on est attaqués par la Russie, est-ce que vous nous protégerez ?', a raconté le milliardaire. L'intéressé aurait répondu : "Non, je ne vous protégerai pas. En fait, je les encouragerai à faire ce qu'ils veulent. Vous devez payer vos factures." Concrètement, le pouvoir américain consacre près de 3,5% de son PIB à sa défense, quand d'autres pays européens n'atteignent pas les 2% requis.
A l'époque, la prise de position du républicain avait vivement inquiété Jens Stoltenberg, encore aux manettes de l'Otan. "Toute suggestion selon laquelle les Alliés ne se défendront pas les uns les autres sape notre sécurité à tous", avait-il alerté. Le nouveau secrétaire général de l'Alliance, Mark Rutte, s'est empressé mercredi de féliciter Donald Trump. "Il sera accueilli par une Alliance plus forte, plus large et plus unie", a-t-il promis. Interrogée par l'AFP, Kathleen McInnis, analyste du Center for Strategic and International Studies, envisage dans les prochaines semaines "quelque chose de l'ordre de la ‘dimension silencieuse' [des Etats-Unis] s'agissant de l'Otan".
Taïwan : un soutien sous conditions en cas d'invasion chinoise ?
Au cours de son premier mandat, Donald Trump avait rapproché les Etats-Unis de Taïwan, au grand dam de la Chine, qui considère l'île comme une partie de son territoire. Avant même sa prise de fonctions en 2017, il avait créé un incident diplomatique avec Pékin en s'entretenant au téléphone avec la présidente taïwanaise de l'époque, Tsai Ing-wen, un geste sans précédent. Depuis, les Etats-Unis sont restés l'allié le plus puissant de l'île et leur principal fournisseur d'armes. Ils revendiquent une politique d'"ambiguïté stratégique" : sans reconnaître Taïwan, ni soutenir l'idée d'une indépendance formelle, ils s'opposent à toute réunification par la force. Pour la première fois, ils ont même voté cette année une assistance militaire directe à Taïwan.
Les déclarations de campagne de Donald Trump ces derniers mois laissent présager un changement de position. "Un spectre croissant de conflit plane sur Taïwan", a reconnu le candidat républicain, en juillet, rappelle l'AFP, alors que Pékin menace d'une invasion militaire pour en reprendre le contrôle. Mais "je pense que Taïwan devrait nous payer pour sa défense", a-t-il avancé, comparant les Etats-Unis à "une compagnie d'assurances" à laquelle Taïwan devrait désormais "donner" des cotisations. Joe Biden, lui, avait clairement souligné qu'il interviendrait pour défendre l'île, si nécessaire.
Taïwan risque de devoir composer avec le caractère "mercantiliste" de Donald Trump, estime auprès de l'AFP Wen-Ti Sung, chercheur de l'Atlantic Council à Taipei. Le président élu pourrait même vouloir transformer l'île en instrument de marchandage avec Pékin, avance-t-il. "Les récents commentaires de Donald Trump soulignent son approche transactionnelle de la politique étrangère et risquent de perturber Taipei", abonde Ali Wyne, chercheur à l'International Crisis Group. De son côté, le gouvernement taïwanais, tout en évoquant une "responsabilité commune" de maintenir la paix dans la région, avait répondu avec clarté aux propos de Donald Trump cet été : "Nous devons compter sur nous-mêmes."
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