Comment la tentative d'assassinat qui a visé Donald Trump risque-t-elle d'influencer la présidentielle américaine ?

L'ancien président et candidat républicain a été blessé à l'oreille droite lors d'un meeting en Pennsylvanie, samedi soir. Les tirs ont fait un mort et deux blessés graves parmi les participants.
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Deux Américains suivent des informations concernant la tentative d'assassinat de Donald Trump à la télévision, dans un bar à Milwaukee, dans le Wisconsin (Etats-Unis), le 13 juillet 2024. (ANGELA WEISS / AFP)

Un tournant, à moins de quatre mois de l'élection présidentielle américaine. L'ancien président républicain Donald Trump, de nouveau candidat à la fonction suprême, a été blessé au niveau de l'oreille droite et évacué en urgence, samedi 13 juillet, lors d'un meeting à Butler, en Pennsylvanie (Etats-Unis). "Ce soir, nous avons assisté à ce que nous appelons une tentative d'assassinat contre notre ancien président Donald Trump", a résumé Kevin Rojek, un responsable du FBI. 

Une image saisissante de l'événement – Donald Trump le poing levé, des traces de sang sur le visage alors qu'il est évacué – a très vite été reprise sur les réseaux sociaux par son fils, Eric Trump. Avec une légende très politique : "Voici le combattant dont l'Amérique a besoin." Cette tentative d'assassinat marque déjà un temps fort de la campagne présidentielle, à deux jours de la convention du Parti républicain, lundi, dans le Wisconsin. Comment va-t-elle influencer la suite de la campagne, et peut-être le scrutin ? Eléments de réponse. 

Une "bataille de récits" autour des faits 

"Ce qui va être déterminant, c'est ce que l'on va apprendre des faits précis, souligne auprès de franceinfo Ludivine Gilli, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès. Ces faits vont influencer l'interprétation et l'utilisation faite des deux côtés." Se pose notamment la question des motivations du tireur, identifié comme Thomas Matthew Crooks et tué par le Secret Service. Un jeune homme enregistré comme électeur républicain, et qui avait fait un don de 15 dollars à un comité d'action politique progressiste. 

Une "bataille de récits" s'amorce autour des faits, prévient sur franceinfo Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), qui craint que le "complotisme" s'immisce dans l'affaire. Le sénateur républicain J.D. Vance, possible colistier de Donald Trump pour le scrutin du 5 novembre, a déjà dénoncé la "rhétorique" de Joe Biden qui, selon lui, a "conduit directement" à cette tentative d'assassinat. 

"Connaissant les alliés trumpistes au sein du parti républicain, on peut se douter qu'ils vont reprendre ces accusations avant toute explication formelle, anticipe Ludivine Gilli. Même s'il s'agit d'un déséquilibré républicain qui agit pour des raisons non politiques, cela ne les empêcherait pas de pousser ce message." La convention républicaine, un événement majeur pour désigner officiellement Donald Trump comme candidat conservateur à la Maison Blanche, "peut faire résonner en vase clos certaines théories" sur l'attaque, poursuit la spécialiste des Etats-Unis. Leur donnant ainsi plus de poids et de visibilité. 

Depuis samedi, les discours complotistes sur la tentative d'assassinat foisonnent d'ailleurs déjà sur les réseaux sociaux, rapporte le New York Times

Un avantage pour l'image de Donald Trump ? 

Au fil des prochaines semaines, Donald Trump et ses soutiens pourraient être tentés de jouer sur l'image de victime du candidat populiste, après cette attaque. Un discours parfaitement aligné avec sa stratégie de victimisation, au fil des nombreuses affaires judiciaires le visant. L'ancien président n'a cessé de se présenter comme la cible d'une élite politique, car il serait un protecteur du "vrai" peuple américain. "Il parle d'une cabale de l'élite contre eux", observait en début d'année auprès de franceinfo le politologue Hans Noel, de l'université de Georgetown (Etats-Unis). Un récit volontiers complotiste, qui pourrait de nouveau le servir aujourd'hui. La question, poursuit Ludivine Gilli, est de savoir si le candidat compte utiliser ces mêmes ressorts après l'attaque. 

"Donald Trump est un personnage qui a l'habitude de se faire passer pour une victime. Là, il est factuellement victime."

Ludivine Gilli, spécialiste des Etats-Unis

à franceinfo

Ce récit victimaire permettrait-il à Donald Trump de capter de nouvelles voix à l'approche de la présidentielle ? "S'il utilise une rhétorique autoritaire, en se présentant comme la cible directe d'attaques du camp démocrate, cela activera la base qui lui est déjà acquise", note Ludivine Gilli. Mais "en attisant les braises, il y a un risque non négligeable de décourager des électeurs indépendants", analyse la chercheuse. 

Le politologue Costas Panagopoulos, à la tête du département de sciences politiques de l'université Northeastern (Etats-Unis), pose aussi un regard partagé sur l'événement. La tentative d'assassinat pourrait "susciter de la sympathie pour Donald Trump", mais aussi lui porter préjudice, écrit-il"Beaucoup de gens pensent qu'il a attisé la violence politique et la division pour en tirer un avantage politique, exacerbant la polarisation en Amérique avec une rhétorique incendiaire." 

Une nouvelle difficulté pour Joe Biden

Ces tirs en plein meeting à Butler, samedi soir, ont fait un mort et deux blessés graves, d'après la police. Ils sont un nouveau rappel de l'ampleur des violences par armes à feu aux Etats-Unis, et des failles dans le contrôle de ces armes. Pour le professeur James Alan Fox, également de l'université Northeastern, l'attaque pourrait replacer le sujet des armes à feu au cœur de la campagne, notamment celle des républicains. Du côté démocrate, "ils mettront probablement cet argument [d'un meilleur contrôle des armes à feu] en avant", souligne Ludivine Gilli. L'effet de ces discours pourrait toutefois être limité, tant les réformes sont difficiles sur le sujet. 

Pour les démocrates, la tentative d'assassinat de Donald Trump marque aussi une étape dans la campagne de Joe Biden, après deux semaines d'interrogations et d'inquiétudes sur ses capacités à se représenter. Une campagne "qui n'avait pas besoin de coup dur" supplémentaire, pointe Ludivine Gilli. Pour l'historienne, l'événement en Pennsylvanie "complique le discours de protection de la démocratie et des institutions" porté par Joe Biden, face à un Donald Trump qu'il présente comme une menace pour la démocratie américaine. "Il est président et son opposant politique est victime d'une tentative d'assassinat. En terme de bilan à défendre, c'est difficile." 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.