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Election américaine : on a vérifié 15 accusations de fraudes faites par Donald Trump

Au cours d'une conférence de presse à la Maison Blanche jeudi, le président républicain a multiplié les accusations de fraudes à l'encontre du camp démocrate, alors que le comptage des voix se poursuit.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 17min
Le président américain Donald Trump, lors d'une conférence de presse sur les résultats de l'élection présidentielle, le 5 novembre 2020, à la Maison Blanche, à Washington. (CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

"Je ne l'ai jamais vu mentir de manière aussi complète et aussi flagrante", constate le journaliste de CNN* Daniel Dale, qui traque les "fake news" du président américain depuis quatre ans. "Donald Trump a prononcé le discours le plus malhonnête de sa présidence", commente le reporter. 

Le président américain a donné une conférence de presse depuis la Maison Blanche, jeudi 5 novembre. Comme au soir de l'élection présidentielle américaine, le président sortant a assuré qu'il avait remporté le scrutin, mais que les démocrates tentaient de lui voler sa réélection, en fraudant éhontément. 

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Alors que le dépouillement dure depuis plus de deux jours dans quelques Etats clés, et que Joe Biden semble se rapprocher de la victoire, franceinfo passe au détecteur de mensonges les 17 minutes de ce discours présidentiel truffé de ces "faits alternatifs" qu'affectionne tant le milliardaire.

1"Nous avons tellement de preuves" : infondé 

Jusqu'à présent, ni Donald Trump ni son équipe de campagne n'ont fourni de preuves convaincantes de la fraude systématique qu'ils dénoncent. Pressés de questions par un journaliste de NBC* jeudi, deux membres de la garde rapprochée du président ont préféré fuir la caméra. Quant aux recours déposés par le camp Trump devant les tribunaux, ils n'ont pour l'heure pas convaincu les juges.

"Nous entendons des histoires qui sont des histoires d'épouvante", a insisté Donald Trump. Depuis le 3 novembre, ces rumeurs de fraudes se multiplient. Elles sont colportées sur les réseaux sociaux, y compris par les fils du milliardaire. Mais jusqu'à présent, elles se sont révélées fausses.

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2"Si vous comptez les votes légaux, je gagne facilement. Si vous comptez les votes illégaux, ils peuvent essayer de nous voler l'élection" : infondé

Donald Trump n'est pas entré dans les détails concernant ces "votes illégaux" qu'il a évoqués dans son discours. Si un électeur avait voté plusieurs fois en son nom propre, ou si une personne ne jouissant plus du droit de vote avait participé au scrutin, leurs bulletins auraient pu être jugés comme tels. Néanmoins, pour l'instant, aucune fraude d'ampleur de ce type n'a été constatée, relève Politifact*, site spécialisé dans la vérification des faits.

3"Beaucoup de votes sont arrivés tard" : infondé

Le vote par correspondance est depuis des mois la cible des attaques de Donald Trump. Cette fois encore, le président sortant l'a qualifié de "système corrompu". Une accusation maintes fois démentie par la presse, dont Politifact*.

"C'est incroyable de voir à quel point tous ces bulletins de vote par correspondance sont si unilatéraux", a fait mine de s'étonner le président sortant. Ce type de vote est pourtant connu pour être traditionnellement plus démocrate que républicain. Meeting après meeting, tweet après tweet, le milliardaire a en outre tout fait pour décourager ses électeurs d'y avoir recours. 

Dans le système fédéral américain, la loi électorale varie d'un Etat à l'autre. Certains considèrent comme valide un bulletin de vote posté le jour du scrutin ou juste avant, mais arrivé quelques jours après le début du dépouillement. Ce bulletin de vote sera comptabilisé comme les autres. D'autres exigent en revanche que les votes par correspondance leur parviennent au plus tard le jour du scrutin, sous peine de ne pas être comptabilisés.

L'explosion du vote par correspondance, provoquée par l'épidémie de Covid-19, a retardé l'issue du dépouillement dans certains Etats. Mais pour l'heure, il n'y a aucune preuve que les règles encadrant ce vote soient bafouées, fait valoir Politifact.

4"Nous étions en train de gagner largement dans toutes les zones clés, et tout à coup nos chiffres ont commencé à se réduire comme par miracle" : faux

En Géorgie, en Pennsylvanie, dans le Michigan ou le Wisconsin, l'avance du républicain a effectivement fondu au fur et à mesure du dépouillement. Mais son rival démocrate a été victime du même phénomène en Floride, au Texas, dans l'Ohio ou en Caroline du Nord, fait remarquer Politifact.

Il n'y a surtout rien de miraculeux dans ces retournements de situation, déjà dénoncés par Donald Trump au lendemain de l'élection, indique Politifact*. Ce "red mirage" ("mirage rouge") suivi d'un "blue shift" ("changement bleu") est bien connu des observateurs. Le dépouillement est plus rapide dans les comtés ruraux, car ils sont moins peuplés et comptent moins d'électeurs. Or ceux-ci sont plutôt républicains. La carte du vote d'un Etat très rural a donc tendance à se teinter de rouge au début du dépouillement. Mais lorsque les bulletins des grandes villes, plus favorables aux démocrates, commencent à être comptabilisés, l'Etat peut virer au bleu.

Le dépouillement du vote par correspondance peut lui aussi provoquer ces revirements, car il est plus tardif, en plus de prendre du temps cette année du fait du nombre élevé de personnes ayant choisi ce moyen pour faire leur choix. A cela s'ajoutent les habituelles erreurs de décompte, comme celle survenue dans le Michigan, qui a vu Joe Biden être crédité de plus de 100 000 voix d'un coup, avant que l'anomalie soit rectifiée.

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5"Nous étions en tête, de loin, en Caroline du Nord (...) et nous sommes toujours en avance de beaucoup, mais pas autant [qu'auparavant], parce qu'ils sont en train de trouver des bulletins de vote tout d'un coup" : faux

C'est exactement l'inverse qui s'est produit en Caroline du Nord. Contrairement aux affirmations de Donald Trump, Joe Biden a fait la course en tête jusqu'à ce que 80% des bulletins de vote soient dépouillés. La tendance n'a commencé à s'inverser qu'à la fin du dépouillement. Vendredi à 19 heures (heure française), il restait encore 5% des bulletins de vote à dépouiller, d'après le New York Times*. Donald Trump était alors en tête avec 50% des voix, devant Joe Biden (48,6%).

6"En Géorgie, une canalisation a éclaté dans un endroit éloigné, sans aucun rapport avec le lieu où c'était en train de se passer [le dépouillement], et ils ont arrêté de compter pendant quatre heures, et beaucoup de choses se sont produites" : faux

Le 3 novembre au matin, une canalisation d'eau a éclaté dans la State Farm Arena d'Atlanta. Or elle servait ce jour-là de centre de vote pour le comté de Fulton, le plus peuplé de l'Etat de Géorgie, rapporte le site de la chaîne de télévision ABC News*. La pièce où la fuite d'eau a eu lieu contenait des bulletins de vote, mais les représentants du comté assurent qu'aucun n'a été endommagé. Les réparations ont pris deux heures. L'accident a retardé de quatre heures les opérations.

7"L'appareil électoral en Georgie est dirigé par les démocrates" : faux

En Géorgie, les élections sont organisées par une branche spéciale du bureau du secrétaire d'Etat local. Or, l'actuel secrétaire d'Etat de Géorgie se nomme Brad Raffensperger et appartient au camp... républicain. C'est d'ailleurs lui qui a annoncé vendredi qu'un recomptage aurait lieu dans cet Etat*, compte tenu du peu d'écart entre les deux candidats, alors que le dépouillement est quasiment terminé.

8"A Philadelphie, les observateurs ont été tenus loin, très loin. Si loin, que les gens utilisent des jumelles" : inexact

A Philadelphie, le camp Trump a remporté une petite bataille judiciaire, et a tenté de monter en épingle ce succès, raconte ABC News*. Les républicains avaient déposé un recours, se plaignant que leurs observateurs ne pouvaient pas s'approcher assez près des assesseurs lors du dépouillement, à cause des règles de distanciation physique décidées pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

Le Philadelphia Inquirer* a même photographié une personne observant le dépouillement à l'aide de jumelles dans le Philadelphia Convention Center. Une juge a tranché en faveur des pro-Trump, à condition qu'ils respectent le protocole sanitaire et une distance de 6 pieds, soit environ 1,80 mètre. Donald Trump dit donc en partie vrai, même s'il grossit le trait. 

A Philadelphie, "il y a eu d'énormes problèmes, du papier sur toutes les fenêtres pour que vous ne voyiez pas à l'intérieur, et les gens qui sont interdits d'accès sont très malheureux et sont devenus un peu violents", renchérit Donald Trump.

Sur ce point, le président américain semble avoir confondu la situation à Philadelphie avec celle à Detroit. A "Philly", les pro-Trump et pro-Biden se sont contentés de manifester à l'extérieur du centre des conférences pendant le dépouillement. Et même si la tension était palpable, le face-à-face n'a pas dégénéré.

9"En Pennsylvanie, les démocrates partisans ont permis que les bulletins de vote dans l'Etat soient reçus trois jours après les élections (et même bien plus longtemps que cela), et ils comptent ceux qui n'ont pas de cachet de la poste ni aucune pièce d'identité" : faux

Cette décision n'a pas été prise par les démocrates, mais par la Cour suprême de l'Etat. Celle-ci a déclaré que les votes par correspondance postés avant la fin du jour de vote, le 3 novembre, pouvaient être considérés comme valides, même s'ils arrivaient trois jours après la tenue du scrutin, rappelle Associated Press*.

Quant au contrôle d'identité évoqué par Donald Trump, il est effectué en Pennsylvanie dès la demande de vote par correspondance. L'électeur doit alors fournir une pièce d'identité, par exemple un permis de conduire, rappelle la chaîne de télévision NBC News*.

10"Les démocrates de Pennsylvanie sont allés devant la Cour suprême de l'Etat pour essayer d'interdire nos observateurs électoraux" : faux

"Ils ne veulent personne là-dedans. Ils ne veulent pas que quiconque les regarde pendant qu’ils comptent les bulletins de vote", a poursuivi Donald Trump. C'est totalement faux, tranche Associated Press.

Le président sortant fait une interprétation erronée de la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie évoquée plus haut. Les démocrates n'ont jamais essayé d'empêcher les républicains d'observer le processus électoral. Il n'a jamais été question d'interdire la présence d'observateurs.

11"Ils ont envoyé par la poste des dizaines de millions de bulletins de vote non sollicités, sans aucune mesure de vérification" : inexact

Compte tenu de l'épidémie de Covid-19, de nombreux Etats ont envoyé à leurs électeurs enregistrés des bulletins de vote par la poste. Mais "ils refusent d'inclure toute obligation de vérifier les signatures, les identités, ou même de déterminer s'ils sont éligibles ou non pour voter", accuse Donald Trump.

Contrairement à ce qu'affirme le président sortant, les Etats ont pris des mesures de précaution. Dans le Nevada par exemple, le site internet de la secrétaire d'Etat locale (Barbara Cegavske, une élue républicaine) stipule que la signature est vérifiée sur chaque bulletin reçu. Si elle est manquante ou si elle ne correspond pas à celle de l'électeur inscrit, le bulletin de vote n'est pas validé, explique Politifact*. Le New Jersey* (PDF) et la Californie* détaillent des procédures de vérification similaires dans des guides.

12"Les agents électoraux dans le Michigan faisaient des doubles des bulletins de vote" : trompeur

Dans le Michigan, des bulletins de vote sont envoyés par mail aux militaires déployés à l'étranger ou handicapés. Une fois complétés et retournés à l'expéditeur, ces bulletins doivent être reproduits à l'identique par des employés de bureau dans un format lisible par les machines de vote. Ces opérations sont supervisées par une commission composée de républicains et de démocrates, qui s'assurent qu'aucun bulletin n'a été comptabilisé deux fois. Jusqu'à présent, aucune irrégularité n'a été constatée, indique Politifact.

13"Notre campagne s'est vu refuser l'accès pour observer tout décompte à Detroit" : trompeur

Le 4 novembre, l'accès au TCF Center de Detroit, où était centralisé le décompte des bulletins de vote, a été refusé à des républicains et à des démocrates. Pourquoi ? Parce que des représentants des deux camps étaient déjà présents en si grand nombre dans le centre de convention que les responsables des élections de la ville ont jugé que la capacité d'accueil de la salle était atteinte et qu'ils ne pouvaient faire entrer d'autres observateurs, relate Politifact.

14"Un centre de Detroit a recouvert les fenêtres (...) avec de grands bouts de carton. Ils voulaient protéger et bloquer la zone de comptage" : trompeur

Donald Trump ne raconte qu'une partie de l'histoire, celle qui l'arrange. A Detroit, la principale ville de l'Etat clé du Michigan, la journée de mercredi a été des plus mouvementées, rapporte le Detroit Free Press*. Des partisans républicains ont manifesté bruyamment, demandant à pouvoir assister au dépouillement. Face aux refus des autorités locales, faisant valoir que des observateurs républicains étaient déjà présents en nombre, ils ont réclamé l'arrêt du comptage des voix, frappant aux portes et aux fenêtres, tout en essayant de prendre des photos et de filmer le dépouillement. 

Se sentant menacés, les assesseurs ont demandé aux agents de sécurité d'intervenir afin qu'ils puissent continuer leur travail un peu plus sereinement. Ceux-ci ont alors posé des cartons sur les portes vitrées et les fenêtres.

>> EN IMAGES. Election américaine : de Phoenix à Detroit, des soutiens de Donald Trump réclament l'arrêt du décompte des voix

15"A Detroit, il y a eu des heures de retard inexpliquées (...) Le dernier lot n'est pas arrivé avant 4 heures du matin, même si les bureaux de vote fermaient à 20 heures" : trompeur

Donald Trump semble faire allusion à l'une des nombreuses rumeurs de fraudes qui ont circulé. Celle-ci affirmait qu'un homme avait été filmé en train de faire entrer en douce dans le centre de dépouillement de Detroit un lot de bulletins de vote, et ce, après 20 heures, l'heure limite à partir de laquelle les bulletins de vote par correspondance n'étaient plus acceptés.

Cette intox reposait sur une vidéo, qui a abondamment circulé sur les réseaux sociaux. Mais l'homme qui y apparaissait était en réalité un photographe de la chaîne locale WXYZ, apportant son matériel dans le centre de vote. 

* Les liens marqués d'un astérisque renvoient vers des contenus en anglais.

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