Vrai ou faux Présidentielle américaine : migrants haïtiens, liens avec P. Diddy... Retour sur quatre fake news qui ont agité la fin de la campagne

De nombreuses vidéos sont partagées en masse par des partisans de Donald Trump sur les réseaux sociaux. Derrière certaines se cachent des opérations d'influence russes.
Article rédigé par Luc Chagnon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Des exemples de publications mensongères diffusées sur les réseaux sociaux à propos de l'élection présidentielle américaine. (FRANCEINFO)

Mensonges sur tous les fronts. Alors que 160 millions d'inscrits vont décider de l'issue de l'élection présidentielle américaine, mardi 5 novembre, les affirmations trompeuses sur le scrutin aux Etats-Unis se multiplient. Beaucoup prétendent montrer des fraudes électorales pour favoriser le camp démocrate, mais il s'agit en réalité d'erreurs ou de mensonges purs et simples.

Un certain nombre de vidéos portent aussi la marque des services de désinformation russes, selon les autorités américaines, et sont souvent amplifiées consciemment ou non par des partisans de Donald Trump, dont le plus célèbre de tous : Elon Musk, l'homme le plus riche du monde. Voici un résumé des principales fausses informations relayées dans les derniers jours de la campagne.

Une vidéo avec de faux migrants haïtiens

Dans une vidéo publiée le 31 octobre, deux hommes se présentent comme des migrants haïtiens ayant obtenu rapidement la nationalité américaine. Ils prétendent avoir voté plusieurs fois pour Kamala Harris dans différents comtés de l'Etat de Géorgie, à l'aide de plusieurs exemplaires d'une pièce d'identité avec la même photo. Ils semblent aussi inciter d'autres Haïtiens à venir aux Etats-Unis avec leur famille. Cette publication a été largement partagée sur le réseau social X. Son propriétaire, Elon Musk, soutien affiché de Donald Trump, a mis en place une page dédiée au "partage d'incidents potentiels de fraude électorale", rapidement submergée par les contenus complotistes.

Mais cette vidéo est en effet une mise en scène. La preuve : les noms figurant sur les permis de conduire visibles à l'image ne sont pas enregistrés sur les listes électorales des comtés cités dans la vidéo, selon le site Politifact.com. Les hommes de la vidéo ne peuvent donc pas avoir voté comme ils le prétendent. Par ailleurs, les adresses figurant sur ces documents sont fausses et la photo est une image d'illustration trouvable sur internet sous le nom de "homme africain heureux souriant", pointe un journaliste de la BBC.

Les autorités américaines ont été promptes à dénoncer la supercherie. Dès le 31 octobre, le gouverneur républicain de Géorgie a dénoncé dans un communiqué une vidéo "évidemment fausse et partie d'une tentative de désinformation (...) pour semer la discorde et le chaos à la veille de l'élection". Et de pointer "la production probable d'une ferme à trolls russe". Le FBI soutient lui aussi la thèse de l'origine russe, affirmant que cette vidéo "s'inscrit dans le cadre des efforts plus vastes déployés par Moscou pour attiser les divisions entre les Américains".

Une vidéo prétendument issue du FBI

Certains menteurs tentent également de se faire passer pour des autorités légitimes. Un compte sur X (depuis suspendu par la plateforme) a publié samedi 2 novembre une vidéo prétendument issue du FBI, selon laquelle l'agence de renseignement aurait interpellé des groupes ayant tenté de frauder aux élections avec de faux bulletins de vote anticipé. "Ces vidéos ne sont pas authentiques, ne proviennent pas du FBI et leur contenu est faux", a par ailleurs démenti l'agence sur X.

L'impact de ces vidéos devrait cependant être limité. "Toutes les vues, partages et 'J'aime' que vous voyez sur cette publication ne sont pas authentiques [et] proviennent de réseaux de faux comptes prêts à l'emploi que ces gens utilisent régulièrement", affirme Eliot Higgins, fondateur du média d'enquête Bellingcat, sur X. Le compte @Antibot4navalny, spécialisé dans l'enquête sur les opérations d'influence russe, estime également que ces vidéos appartiennent à une opération surnommée Matryoshka menée par la Russie.

Un faux article sur des liens avec P. Diddy

Des affirmations mensongères ont également tenté de rattacher le camp démocrate à un homme accusé de violences sexuelles voire pédocriminelles : le rappeur P. Diddy, accusé par plus de 120 personnes de multiples viols et agressions sexuelles. Le 30 octobre, un site web nommé "Patriot Voice" affirmait ainsi que le mari de Kamala Harris, Doug Ermhoff, aurait prévenu le rappeur que des perquisitions allaient être menées dans une de ses propriétés en échange d'un pot-de-vin de 500 000 dollars.

Le site prétend s'appuyer sur la confession d'un avocat anonyme. Il émet également des suppositions sur de possibles liens entre le couple de la vice-présidente américaine et Sean Combs, avec des arguments très fragiles. Mais le FBI affirme que la confession est fausse. "Les acteurs de l'influence russe ont également produit une vidéo accusant faussement une personne associée au candidat démocrate à la présidentielle d'avoir accepté un pot-de-vin de la part d'un artiste américain", assure-t-il dans un communiqué, sans citer aucun nom.

Le site "Patriot Voice" avait déjà relayé la fausse information sur les faux migrants haïtiens. Les soutiens de Donald Trump, proches de la mouvance complotiste QAnon, accusent régulièrement les démocrates et leurs soutiens de pédocriminalité. Comme en 2016 avec la théorie erronée du "Pizzagate" selon laquelle des responsables démocrates dont Hillary Clinton organisaient un trafic sexuel d'enfants via le sous-sol d'une pizzeria de Washington.

Une vidéo trompeuse sur les machines à voter

Comme en 2020, de nombreux soutiens de Trump reprennent des affirmations mensongères ou trompeuses les machines de vote Dominion, accusées de mal fonctionner ou d'être sciemment modifiées pour défavoriser le candidat républicain. Une vidéo publiée le 31 octobre et filmée dans l'Etat du Kentucky montre un électeur essayant à plusieurs reprises de voter pour Donald Trump, sans succès. Après de multiples tentatives, la machine finit même par sélectionner la candidate démocrate à la place. "Pourquoi [ces erreurs] semblent toujours aller dans un sens et pas dans l'autre ?" fait mine de s'interroger un des comptes relayant cette vidéo.

L'incident est véridique et a été pris en charge par les autorités locales. Le secrétaire du comté de Laurel, Tony Brown, a écrit sur Facebook que la machine concernée avait été retirée du bureau de vote, que le bug était véritable mais qu'il était très difficile à reproduire et que le bureau n'avait reçu aucune autre plainte avant ou après celle-ci. L'élu républicain précise que cette machine n'enregistre pas directement le vote, mais ne sert qu'à les inscrire sur un bulletin papier que l'électeur doit ensuite scanner, s'il lui convient.

Le procureur général du Kentucky, lui aussi républicain, assure sur X avoir "répondu rapidement" à la plainte du comté, avoir recommandé le changement de la machine à voter concernée. Il promet que "tous les électeurs du Kentucky peuvent avoir confiance" et que "chaque problème potentiel sera traité rapidement". Le secrétaire de l'Etat du Kentucky Michael Adams, lui aussi républicain, confirme sur X que l'électeur a pu voter pour le candidat de son choix et conclut en appelant à se renseigner auprès de "sources fiables".

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