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"Une décision le jour où le pape a refusé la démission du cardinal Barbarin" : comment l'onde de choc conduit des croyants à vouloir effacer leur baptême

Dans le sillage de l'affaire du père Preynat, puis de la condamnation du cardinal Barbarin, des diocèses comme ceux de Paris et de Lyon enregistrent une hausse d'apostasie, de renoncement à la foi. 

Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Le symbole du baptême en l'église Saint Maximin de Thionville (illustration).  (P HECKLER  / MAXPPP)

"Je ne veux plus faire partie, en aucune manière de cette Église-là, ni apparaître dans des chiffrages de fidèles", confie Jean-Philippe, un travailleur social de 53 ans. Ces derniers jours, il a écrit à son évêché pour être débaptisé. Un choix qui est loin d'être isolé. Des diocèses enregistrent une hausse des demandes depuis le procès du cardinal Barbarin, sa condamnation en première instance et la réaction du pape. 

L'apostasie en hausse : un reportage de Jérôme Jadot

"La décision, vraiment, est partie du jour où le pape a refusé la démission du cardinal Barbarin. Là, je me suis dit 'stop, ça suffit'", poursuit Jean-Philippe. Il n'est plus croyant depuis longtemps, mais sans en vouloir pour autant à l'Eglise. Sa position a changé il y a un mois, avec le film de François Ozon Grâce à Dieu sur les abus dont est soupçonné du père Preynat. 

Une rupture brutale

Pour Yolande, psychologue, c'est aussi la décision du pape à l'égard du cardinal Barbarin qui a provoqué un choc. "J’avais l’impression de recevoir une claque", déclare-t-elle. Sous le coup de la colère, Yolande a pris sa plume. Abusée par un prêtre à l'âge de 6 ans, elle n'avait pas ressenti, jusqu'à ce moment, la nécessité de rompre totalement avec l'Église : "J'ai eu besoin de remettre en cause ce lien et de dire stop, maintenant c'est fini."

À un moment donné, appartenir à une institution qui visiblement est maltraitante et fonctionne comme une secte, ça m’a vraiment interrogée en tant que citoyenne.

Yolande, qui renonce à la foi

à franceinfo

Pour Yolande, ce geste n'est pas facile à évoquer avec sa famille. Cela implique notamment de renoncer à des funérailles religieuses.

Mais ce n’est pas un problème pour cet ex-prêtre, père Jean, comme il était appelé dans son abbaye. Redevenu laïc en 2014 après y avoir subi des "pressions", dit-il, il a décidé d'aller plus loin la semaine dernière, après la décision du pape, en lui adressant une lettre ouverte, dont il lit les dernières lignes : "Très Saint-Père, je ne souhaite pas être solidaire de votre attitude. Je prends dès aujourd’hui la résolution de demander la résiliation de mon baptême et de quitter l’Eglise catholique."   

Cette décision écrite et motivée fera peut-être bouger cette Église. C'est l’espoir de beaucoup de ces "débaptisés". "C'est quelque chose qui fait assez peur à l'Eglise, le fait que des membres osent sortir. Cela ne se fait pas", commente l'ancien prêtre.

Lettre du Père Jean delmandant la résiliation de son baptême au Pape François  (RADIO FRANCE)

Lettre de Père Jean delmandant la résiliation de son baptême au Pape François  (RADIO FRANCE)

La Cnil saisie

À la Conférence des évêques de France, on se dit "attristé" par ces demandes d’apostasie qu’on préfère ne pas décompter au niveau national. Plusieurs évêchés constatent malgré tout une augmentation : deux demandes par jour depuis la semaine dernière à Lyon, plus de dix fois plus qu'en temps normal. Une quinzaine depuis le début du mois ont été recensées à Paris, soit quatre fois plus que d'habitude. Les fiches de baptêmes de ces personnes sont alors simplement annotées, explique Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris : "L’acte de baptême ne va pas être supprimé parce que c’est un acte historique."

Comme tout événement historique, dans toutes archives, on ne peut pas faire que l’acte n’ait pas eu lieu. On peut simplement notifier que la personne ne partage plus cette foi.

Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris

à franceinfo

Mais pour certaines personnes, cette simple inscription n'est pas suffisante. Elles voudraient disparaître totalement des registres. La Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a reçu une dizaine de plaintes en ce sens, au nom du récent "droit à l'effacement". Elle n'a pas encore statué. 

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