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Limogeage de la procureure Ortega au Venezuela : "un pas supplémentaire" vers "une dérive autoritaire"

 Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes de Sciences Po, était l'invité de franceinfo dimanche pour évoquer la crise politique qui secoue le Venezuela.

Article rédigé par franceinfo
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Des membres de la garde nationale bolivarienne tirent lors d'une manifestation de l'opposition contre le président du Venezuela, Nicolas Maduro, à Caracas, le 6 juillet 2017. (FEDERICO PARRA / AFP)

L'opposition vénézuélienne dénonce "la prise en otage" des institutions après le limogeage samedi 5 août de la procureure générale Luisa Ortega par l'Assemblée constituante voulue par le président Nicolas Maduro. La situation se durcit de plus en plus dans le pays. Leopoldo Lopez, un des chefs de l'opposition libéré le même jour est désormais assigné à résidence.

Le président Maduro renforce encore son pouvoir, ce qui ne surprend pas Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes de Sciences Po (OPALC), "lorsque la procureure Luisa Ortega a pris ses distances avec le régime, il était clair qu'il s'agissait là d'une cible pour le président Maduro", a-t-il déclaré dimanche sur franceinfo." Avec ces annonces de l'Assemblée constituante on va vers un pas supplémentaire dans ce durcissement, dans cette dérive autoritaire" analyse Gaspard Estrada.

franceinfo : Luisa Ortega, la procureure générale, qui est une chaviste, a été limogée. Cela vous surprend-t-il ?

Gaspard Estrada : Non, dans le sens où très clairement depuis l'installation de cette Assemblée constituante, on voyait que le régime chaviste voulait reprendre en main les institutions du pays, en tout cas celles qui n'étaient pas contrôlées par le régime. C'était déjà l'objet de cette constituante : faire dissoudre ou disparaître et mettre de côté l'actuelle Assemblée qui elle est contrôlée par l'opposition. Très clairement, depuis le mois de mars dernier, lorsque la procureure Luisa Ortega a pris ses distances avec le régime, il s'agissait là d'une cible pour le président Maduro.

Le "madurisme" est-il encore compatible avec le "chavisme" ?

Je pense que la vraie question qui se pose aujourd'hui, c'est la question du durcissement du régime. Sous Chavez, on pouvait contester les méthodes, les outrances verbales du président Chavez, mais il y avait des élections régulières au milieu des années 2000 notamment. Depuis l'arrivée de Monsieur Maduro, qui a été élu en 2013, on voit très clairement les régressions démocratiques : lorsque le gouvernement a décidé de ne pas convoquer des élections, qui étaient pourtant prévues au niveau local tout comme au niveau régional, lorsque le président a décidé d'utiliser tous les moyens pour éviter un référendum révocatoire durant toute l'année 2016. Il a très clairement porté atteinte à la démocratie. Avec ces annonces de l'Assemblée constituante, on va vers un pas supplémentaire dans ce durcissement, dans cette dérive autoritaire. Par ailleurs, selon les sondages d'opinion qui ont été publiés, 70% des Vénézuéliens n'approuvent pas la manière de gouverner du président Maduro. Je pense que c'est ce qui explique que des élections ne soient pas organisées. 

La dernière élection tenue en 2015 au Venezuela a permis d'élire au deux tiers une majorité d'opposition à l'Assemblée nationale, et depuis, le gouvernement se refuse à organiser tout nouveau scrutin. C'est un bon indicateur du niveau d'impopularité du gouvernement.

Gaspard Estrada, directeur exécutif de l'Opalc

à franceinfo

Combien de temps Nicolas Maduro peut-il encore tenir au pouvoir ?

La vraie question qui se pose, c'est la question de l'économie. Certes le gouvernement reprend en main les institutions, il les verrouille. Cependant les Vénézuéliens constatent la catastrophe économique du pays, la pénurie alimentaire, le drame de la grave sanitaire qui secoue le Venezuela. Je vois mal comment cette Assemblée constituante en soi sera capable de répondre à ces défis. C'est pourquoi je pense que ce blocage politique va perdurer et que les tensions vont perdurer dans les semaines et les mois à venir. L'opposition est assez marquée à droite, c'est vrai. C'est aussi une opposition qui a essayé de faire un coup d'État contre Monsieur Chavez en 2002. Mais aujourd'hui le mécontentement populaire va bien au-delà des étiquettes politiques. Je pense qu'il y a un vrai ras-le-bol des Vénézuéliens en ce qui concerne ces questions liées à l'inflation, à la crise économique, aux questions alimentaires, au problème sanitaire. C'est l'accumulation de ces problèmes économiques, des tensions sociales et économiques qui expliquent cette situation de crise que vit le Venezuela.

Nicolas Maduro "a très clairement porté atteinte à la démocratie" Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes de Sciences Po à franceinfo.

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