"Nous n'avons pas les moyens de leur donner un emploi" : la Colombie démunie face à l'exode vénézuélien
Des milliers de Vénézuéliens continuent d'arriver à Cúcuta, en Colombie. Un afflux remarqué à l'hôpital et dans les rues, où la misère et le travail qui manquent, les poussent à la prostitution.
Pour fuir le Venezuela, de nombreux migrants traversent la frontière avec la Colombie, pour s'arrêter, définitivement ou pas, à quelques kilomètres, à Cúcuta. Une agglomération d'un million d'habitants où les Vénézuéliens se comptent en dizaines de milliers. Une présence visible nuit et jour, marquée notamment par un afflux dans les hôpitaux.
La nuit, les trottoirs de Cùcuta semblent appartenir aux Vénézuéliens, échoués dans cette ville-frontière qu'ils ont réussi à rejoindre, souvent à pied, souvent au terme de plusieurs jours de voyage.
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Les exilés se retrouvent sans travail, sans argent, dorment par terre, deviennent mendiant ou vendeur à la sauvette. D'autres se prostituent, de très jeunes gens parfois, garçon ou fille. Alexandra, 13 ans, confie qu'elle "vend" son corps. "Plein de filles font ça, parce qu'ici, on ne veut pas donner de travail aux Vénézuéliens", lance-t-elle. Elle dit avoir fui un pays où la crise est "terrible" et où on ne mange pas à sa faim. "Si on prend le déjeuner, on ne peut pas prendre de dîner. Si on dîne, on ne prend pas de petit-déjeuner." Alexandra dit gagner 25 000 à 35 000 pesos par jour, l'équivalent de moins de 10 euros, en espérant ainsi aider sa famille restée au Venezuela.
Le maire de Cúcuta, César Rojas, explique la prostitution par "la migration de femmes vénézuéliennes". "Elles viennent ici à la recherche d'un emploi, mais n'en trouvent pas. Cela explique pourquoi nous avons beaucoup de femmes qui se prostituent dans notre ville, affirme-t-il. Nous n'avons pas les moyens de donner un emploi aux migrants vénézuéliens."
Depuis de nombreuses années, nous avons un taux de chômage à 15,5%.
César Rojas, maire de Cúcuta (Colombie)à franceinfo
Le message est clair, les portes du marché de l'emploi sont fermées aux exilés. Et la misère ne s'arrête pas là.
L'hôpital universitaire de Cúcuta est débordé par l'afflux de migrants. "On dirait un hôpital de guerre, mais c'est pire. Et en ce moment, on n'est pas en guerre", s'exclame Marco Fonseca, neurochirurgien dans cet établissement. Les malades, pour la plupart vénézuéliens, sont partout, pas seulement dans la salle des urgences, explique-t-il. Une centaine de migrants, dont de nombreux enfants et femmes, sont accueillis chaque jour à l'hôpital. Ils représentent 30% des consultations. Le docteur Fonseca évoque des cas graves : "des maladies infectieuses, des cancers, des tumeurs". La faim dont parlent les exilés, il la confirme. Le médecin en conclut que "pour le Venezuela, la santé n'existe plus".
On voit des choses que l'on ne voit plus ici, comme la malnutrition. Pour les enfants, c'est à pleurer.
Marco Fonseca, neurochirurgienà franceinfo
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