Affaire Bettencourt : pourquoi Sarkozy n'est pas renvoyé devant la justice
Six mois après avoir mis en examen l'ancien président, les juges Jean-Michel Gentil et Cécile Ramonatxo ont prononcé un non-lieu en sa faveur. Francetv info revient sur ce coup de théâtre.
Nicolas Sarkozy ne sera pas sur le banc des accusés de l'affaire Bettencourt. Les juges d'instruction bordelais chargés du dossier ont décidé, lundi 7 octobre, de ne pas renvoyer devant le tribunal correctionnel l'ancien président de la République, mis en examen pour "abus de faiblesse"sur l'héritière de L'Oréal. Ils ont prononcé un non-lieu en sa faveur.
Pourquoi un tel revirement, alors qu'aucun témoignage ou élément nouveau n'a été versé au dossier depuis mars ? Explications.
Des indices, mais pas de charges
Ce non-lieu ne veut pas dire que Nicolas Sarkozy est innocent, comme ce dernier l'a annoncé sur Facebook. Il signifie simplement que les juges n'ont pas réuni suffisamment de preuves pour juger l'ancien président de la République. En effet, pour mettre une personne en examen, le juge doit disposer contre elle d'"indices graves ou concordants". Pour la renvoyer devant le tribunal, il faut des charges, c'est-à-dire des preuves.
Or, malgré des mois d'enquête, les éléments du dossier Bettencourt contre Nicolas Sarkozy sont ténus. Dans leur ordonnance de renvoi, les juges affirment que l'ancien chef de l'Etat "avait connaissance de l'état de vulnérabilité particulièrement apparent de Mme Bettencourt" et qu'il est allé "deux fois" au domicile de la milliardaire et de son mari, dont la deuxième pour "obtenir un soutien financier". Mais ils n'établissent pas de "lien direct" entre un éventuel "comportement abusif" de Nicolas Sarkozy et les sommes d'argent retirées en liquide le 26 avril 2007 par le gestionnaire de fortune des Bettencourt.
En clair, les juges Gentil et Ramonatxo disposent de témoignages des domestiques et d'éléments matériels (agendas, planning des employés de maison) attestant que Nicolas Sarkozy a bien rencontré Liliane Bettencourt à son domicile à deux reprises, alors que l'ancien président a toujours affirmé n'y être allé qu'une fois, pour rencontrer le seul André Bettencourt, décédé depuis. Mais rien ne prouve qu'il y a eu remise d'argent. Si les magistrats avaient renvoyé Nicolas Sarkozy devant le tribunal, il aurait donc eu de grandes chances d'être relaxé.
Une mise en examen comme un "coup de sang"
En mars, au moment de mettre l'ancien président en examen, les juges bordelais ne pouvaient ignorer cette absence de charges suffisantes pour un renvoi. Pourquoi ont-ils décidé de le mettre en examen pour prononcer un non-lieu sept mois plus tard ? Selon un avocat, interrogé par Libération, "cette mise en examen était un coup de sang. Elle ne reposait pas sur des faits nouveaux. Mais Gentil n'a pas supporté, entre autres choses, l'attitude de Thierry Herzog", l'avocat de Nicolas Sarkozy.
Thierry Herzog, comme les soutiens de l'ancien président, n'ont en effet pas ménagé le juge tout au long de la procédure. L'avocat s'est même moqué ouvertement de lui, assurant, au moment du placement de son client sous statut de témoin assisté, que le juge avait confondu Liliane Bettencourt et Ingrid Betancourt dans l'agenda de l'ancien président. Excédé, Jean-Michel Gentil aurait alors décidé de répliquer, avec la mise en examen.
Un accord pour sauver le dossier, attaqué par la défense
Une autre thèse circule dans les couloirs du palais de justice de Bordeaux, selon L'Express. Les juges auraient consenti à exfiltrer Nicolas Sarkozy de la procédure contre la validation d'une instruction attaquée par la défense. Les avocats de la défense reprochaient notamment au juge Gentil d'avoir nommé une proche, Sophie Gromb, pour diriger le collège de cinq médecins chargé de mener l'expertise médicale sur Liliane Bettencourt.
De fait, les magistrats de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux ont validé le 24 septembre l'ensemble de la procédure et rejeté la demande de récusation des juges, déposée par certains mis en examen. Et le parquet a décidé, mardi 8 octobre, de ne pas faire appel du renvoi de dix autres mis en examen devant le tribunal correctionnel.
Selon cette théorie, le juge Gentil aurait donc troqué le non-lieu de Nicolas Sarkozy contre le procès d'Eric Woerth, Patrice de Maistre et consorts. Le camp Sarkozy ferait d'ailleurs mieux de ne pas crier victoire trop vite. Avec Eric Woerth, sur lequel pèsent des charges plus solides, la question de l'abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt pour financer la campagne de l'ancien président en 2007 reste posée.
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