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A Limoges, Harlem Désir au chevet de militants écœurés par l’affaire Cahuzac

Trois jours après les aveux de l'ex-ministre du Budget, Harlem Désir a rencontré les militants socialistes. Reportage.

Article rédigé par Thomas Baïetto - A Limoges,
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le premier secrétaire du Parti Socialiste, Harlem Desir, à Limoges le 5 avril. (PASCAL LACHENAUD / AFP)

Opération réconfort. Le premier secrétaire du Parti socialiste Harlem Désir s’est rendu à Limoges (Haute-Vienne) vendredi 5 avril. Prévu de longue date, ce déplacement devait être une simple cérémonie d’accueil des nouveaux adhérents de la fédération de Haute-Vienne. Mais, quelques jours après les aveux de Jérôme Cahuzac, ce sont des militants écœurés par le mensonge et le compte suisse de l’ancien ministre du Budget qui attendent leur premier secrétaire dans la salle Blanqui, à deux pas de la mairie.

Si quelques plaisanteries - “Ton magot, tu l’as planqué où toi ?”-  fusent dans les rangs des 200 personnes présentes, l’ambiance n’est pas à la rigolade.  La majorité des militants interrogés a cru aux premiers démentis de Jérôme Cahuzac.

Harlem Désir et le premier secrétaire fédéral de la Haute-Vienne, Laurent Lafaye, s’entretiennent avec un militant, le 5 avril à Limoges (Haute-Vienne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

L’ouverture d’une information judiciaire, puis ses aveux les ont cueillis à froid. “J’étais au volant de ma voiture quand je l’ai entendu à la radio, se souvient Bruno, 51 ans. Bon, je n’ai pas lâché le volant mais j’étais dégouté”. “C’est le même coup de massue que le 21 avril 2002”, compare son voisin, Stéphane, 40 ans.

“T’as pas encore déchiré ta carte ?”

Christian, coupe en brosse et chemise à carreaux bleue, n’en revient toujours pas. “Tu dis aux gens de se serrer la ceinture et tu t’en mets plein les fouilles ? Faut pas déconner ! On ne peut pas contourner la loi et demander aux autres de l’appliquer”, s’agace le quinquagénaire. Raymond, 79 ans, regrette l’ancien boxeur qui savait si bien renvoyer l’opposition dans les cordes à l’Assemblée nationale. “Je suis très triste. C’était l’un des ministres essentiels pour le pays”, soupire-t-il. 

Beaucoup racontent les réactions moqueuses de leur entourage non-socialiste."Ce que j’entends, c’est ‘elle est belle ta gauche'", rapporte Nicole, 48 ans, qui s’est fait “chambrer” par les étudiants de la cité universitaire où elle travaille.Certains me disent ‘t’as pas encore déchiré ta carte ?’”, témoigne Catherine, 49 ans. Depuis mardi, le slogan “tous pourris” leur revient régulièrement aux oreilles. “Le ‘Tous les mêmes’  fait mal, témoigne Florence, 40 ans. On donne une image corrompue de la politique”.

“L’écoeurement ne doit pas l’emporter sur l’engagement”

Dans cette morosité ambiante, la venue d’Harlem Désir est donc très attendue. “J’attends un souffle de réconfort”, glisse Christian au moment où le premier secrétaire du PS fait son entrée dans la salle, sous les applaudissements. D’emblée, Harlem Désir cogne sur l’ancien ministre du Budget. “Je ressens de l’écœurement, confie-t-il aux militants. Mais l’écœurement ne doit pas l’emporter sur l’engagement”. 

Harlem Désir a prononcé un discours applaudie devant les militants, le 5 avril à Limoges (Haute-Vienne). (PASCAL LACHENAUD / AFP)

Aux mesures de moralisation de la vie politique annoncées par François Hollande, il ajoute la fin du cumul des mandats, discrétement repousée à 2017 mercredi en conseil des ministres, et propose un référendum. Une métaphore sportive - “face à l’adversité, il faut faire pack dans la mélée derrière le président” - clôt une allocution chaudement applaudie.

“Cela fait du bien au coeur et dans la tête”

Quelques minutes plus tard, les réactions sont contrastées autour du buffet. Il y a ceux qui ont trouvé le premier secrétaire convaincant et combatif, comme Martin, 23 ans. “Le changement va se poursuivre. Ce qui s’est passé est la faute d’un homme, pas celle du gouvernement ou du président”, estime le jeune secrétaire de section, en reprenant la ligne de défense de l’exécutif. “Je l’ai trouvé très bien, il a rassuré tout le monde. Cela fait bien au coeur et dans la tête”, témoigne Christian, 69 ans. 

e gauche à droite, Bruno, militant depuis 1988, Laurent Lafaye, premier secrétaire fédéral et Stéphane, militant depuis 2003. (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

“J’attendais qu’il n’occulte pas l’affaire, qu’il ne cherche pas à nous faire croire que tout va bien”, explique Stéphane, satisfait des mots de son premier secrétaire sur Jérôme Cahuzac. Le quadragénaire voit même dans le scandale des raisons d’espérer. “Je crois beaucoup à la moralisation de la vie politique, cette affaire peut faire avancer les choses”, espère-t-il.

“J’aimerais qu’au PS, on soit les couilles de Hollande”

D’autres sont plus dubitatifs. “Ce référendum est une fausse bonne idée, s’agace Catherine, alarmée par la faible côte de popularité du président. Les gens répondront à tout sauf à la question posée !”. Echaudée par les atermoiements de la majorité sur le cumul des mandats, elle aimerait que François Hollande et Harlem Désir en fassent davantage. Selon elle, il faudrait appliquer le régime des retraites commun aux parlementaires et interdire le cumul des indemnités d’élus. “J’en ai marre des demi-mesures. J’aimerais qu’au Parti socialiste, on soit les couilles de François Hollande. Il est trop timide”, lâche-t-elle.

S’ils font toujours confiance à François Hollande, la majorité d’entre eux sait que de longues semaines politiques les attendent. “Ce soir, le moral est bon parce qu’on a un verre à la main, plaisante Bruno, à côté du buffet. Mais tout ça fait les choux gras de l’extrême-droite”. La visite de leur premier secrétaire les a certes rassurés, mais ils savent que l’opinion n’est plus avec eux. Maurice, 75 ans, l’a bien compris: “Harlem Désir est convaincant. Mais le mal est fait...”

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