De 2007 à 2012, les mots de la campagne
Entre deux joutes présidentielles, certains mots jadis incontournables tombent en désuétude, d'autres deviennent à la mode au gré de l'actualité. Dictionnaire non exhaustif des mots de la campagne 2007 et de la pré-campagne de 2012.
A chaque campagne ses mots-clés, répétés en boucle dans un plan de communication bien rodé, ou lâchés inopinément par des candidats distraits. Entre deux joutes présidentielles, il y a ceux, devenus trop connotés, qu’on ne prononcera plus, ceux que l'on réutilise, parfois sous un nom différent, et puis les petits nouveaux qui ont la cote. Dictionnaire non exhaustif des mots de la campagne 2007 et de la pré-campagne de 2012.
• Les mots bannis
Bravitude Néologisme inventé dans un élan de Ségolène Royal sur la muraille de Chine. Resté dans les annales même si la dame du Poitou a inventé le "ruminage" depuis, écrit Le Monde dans un portrait qui lui est consacré.
Fraternité Nom commun régulièrement scandé dès 2007 par Ségolène Royal, qui s’imaginait materner toute la France depuis l’Elysée. Réutilisé en 2008 à l'occasion d'une Fête de la Fraternité qui a fait date. Blacklisté depuis.
Possible Adjectif affiché par le candidat de l’UMP en 2007 dans son slogan "Ensemble tout devient possible". Cinq ans après, le concours de promesses a tourné court. Les candidats s'emploient maintenant à dire à qui veut l'entendre que "tout ne sera pas possible".
Pouvoir d'achat Pierre angulaire du programme 2007 de Nicolas Sarkozy, qui voulait le réhausser, jusqu'à proposer d'en devenir le Président. En 2012, il sera, au mieux, "préservé", "protégé" ou "maintenu" tant bien que mal. Son équivalent à la sauce Royal, la "lutte contre la vie chère", pourrait quant à lui rester cantonné aux prospectus des supermarchés Leclerc.
Rupture Grand concept sarkozyste de 2007 qui visait à s’affranchir de l’immobilisme des années Chirac. A sa façon, Ségolène Royal jouait aussi la carte du renouveau. Mais désormais, plus question de faire l’original. En 2012, crise oblige, il s’agit de se montrer res-pon-sable. En première ligne, Nicolas Sarkozy, dont les proches martèlent que ce n’est certainement pas le moment de changer de capitaine.
• Les mots réactualisés
Gagnant-gagnant Version française du "win-win" anglo-saxon, utilisée en 2007 par Ségolène Royal pour vendre sa politique de soutien des PME qui accompagnent des jeunes par l’apprentissage ou l’alternance. Si le nom s'est perdu, l'idée n'est pas morte et se retrouve dans le contrat de génération de François Hollande, qui promet des suppressions de charges aux entreprises qui embauchent un jeune et gardent un senior.
Identité Evidemment nationale, l’identité a eu droit à son propre ministère et donné lieu à un cacophonique "grand débat" censé définir ce que signifiait "être français". Moins mise en avant depuis, elle connaît deux déclinaisons dans cette pré-campagne. L'une dans le débat sur le droit de vote des étrangers. L’autre dans l’incontournable domaine économique avec le nouveau remède miracle : le "acheter français". Peu importe ce qui est français du moment qu’on l’achète.
Ordre juste Expression développée par Ségolène Royal. Elle visait à contrer les sorties sécuritaires de Nicolas Sarkozy tout en se montrant ferme sur les questions de sécurité, quitte à irriter au PS. Malgré sa défaite, sa proposition d'encadrer militairement les mineurs délinquants vient d'être adoptée par la droite. Cette année, l'ordre et la justice sont plutôt attendus du côté de la finance.
Travail Au centre de tous les discours en 2007, que ce soit pour "réhabiliter la valeur travail" côté Royal, ou bien "le libérer" côté Sarkozy. Face au chômage, qui a bondi en cinq ans, ce thème devrait se maintenir dans le top 10 des mots de 2012. La gauche devrait cependant insister sur ses propositions pour "l'emploi". Tandis que la droite souligne plutôt l'aspect "labeur" : après avoir promis le "travailler plus pour gagner plus", Nicolas Sarkozy prône "le choix de l'effort et du travail" en réponse à la crise.
• Les mots à la mode
Courage Caractéristique première de Nicolas Sarkozy, dixit ses partisans et les communiquants de l'UMP. C'est aussi la qualité dont les Français sont solennellement appelés à s’armer pour avaler toutes les mesures d’austérité à venir.
Espoir Concept abstrait et vendeur qui permet aux candidats de 2012, empêchés de raser gratis pour cause de crise, de ne pas paraître trop moroses. Suffisamment flou pour permettre au candidat de vendre du rêve.
Flou Adjectif qualificatif en vogue depuis que Martine Aubry a cité sa grand-mère en pleine primaire socialiste : "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup". Une pique initialement destinée à François Hollande pendant la primaire. Depuis, elle fait les délices d'une droite prompte à la réutiliser dès que possible.
Irresponsable La critique à la mode, que les deux camps s'envoient à la figure avec une facilité déconcertante. L'utilisation du mot est devenue presque systématique à l'UMP pour railler les propositions de François Hollande, qu'il s'agisse de la création de postes d'enseignants, du nucléaire, du droit de veto à l'ONU ou de ses réserves sur l'équilibre du couple franco-allemand. Quant à la gauche, elle continue à pilonner la politique fiscale "irresponsable" du gouvernement, accusée de ne profiter qu'aux riches.
Rêve Tout comme l’espoir, bouée de secours des prétendants à l’Elysée dont la marge de manœuvre est limitée.
Vérité Saint Graal promis par tous, de l'extrême gauche à l'extrême droite. François Bayrou en a fait l’axe principal de sa déclaration de candidature. Nicolas Sarkozy et François Hollande ne sont pas en reste : le président de la République a scandé onze fois la formule "dire la vérité" dans son discours de Toulon le 1er décembre, rappellent Les Inrocks. Le candidat du PS, lui, en a fait l'un des quatre principes de sa campagne, avec la "volonté", la "justice" et l'"espérance".
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