La primaire d'Europe Ecologie-Les Verts est-elle vraiment la "primaire de l'amour" ?
Quatre candidats d'accord sur à peu près tous les sujets, des débats très courtois qui tranchent avec leurs homologues socialistes ou du parti Les Républicains... EELV a entamé une primaire décrite comme "sereine". A ses risques et périls.
Les résultats du premier tour seront connus mercredi 19 octobre, vers 19 heures. Quatre candidats sont en lice pour la primaire du parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Il n'y a eu ni sang ni larmes lors des débats : les quatre candidats écologistes à la présidentielle ont étonné par leur cohésion et leurs points d'entente. A des années-lumière du spectacle qu'offrent la gauche et la droite.
Enfin un débat sans invectives ni contradiction mais plutôt avec des propos qui se complètent #PrimaireDeLamour #DébatEELV
— Marine Tondelier (@marinetondelier) 27 septembre 2016
Une entente en apparence si parfaite que Marine Tondelier, conseillère municipale à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), n'a pas hésité à qualifier le processus d'investiture de "primaire de l'amour". Même constat chez les porte-parole d'EELV, Sandrine Rousseau et Julien Bayou, qui décrivent une situation "sereine", en opposition aux autres partis qui "s'écharpent tous".
L'amour après la haine
Pour Julien Bayou, cette sérénité marque la vraie "nature" des primaires : "Il ne devrait y en avoir que des comme cela, sans courants politiques. (…) En France, les primaires ont toujours porté sur des projets et non sur des personnes." A l'écouter, Europe Ecologie-Les Verts appliquerait tout simplement le scénario de la primaire idéale : choisir une personnalité pour incarner un projet. Un exercice d'autant plus difficile pour un parti qui prône la démocratie participative et le collectif, et qui souhaite abandonner la Ve République, tournée autour de l'élection présidentielle. "C'est la grande contradiction de ce parti, héritier de mai 68, qui fait la chasse au vedettariat mais qui ne s'est jamais aussi bien porté que lorsqu'il était réuni derrière une personnalité. Comme René Dumont en 1974 ou Dominique Voynet en 1995", décrypte Sébastien Repaire, chercheur au centre d'histoire de Sciences Po et spécialiste de l'histoire des écologistes.
Les débats de fond et les problèmes de personnalités ont été réglés.
Pas la peine, donc, de s'échiner à trouver des spécificités dans le programme de Karima Delli, Cécile Duflot, Yannick Jadot ou Michèle Rivasi. Est demandé aux quelque 17 000 inscrits de choisir une "personnalité". Pour Sandrine Rousseau, le plus important est de trouver la personne qui sera capable d'ouvrir un "nouveau champ pour l'écologie, une nouvelle histoire". "Michèle Rivasi est identifiée sur les questions de santé liées à l'environnement, Karima Delli symbolise une écologie proche des couches populaires, Cécile Duflot est une femme qui a su faire son nid dans la vie politique française et Yannick Jadot représente un activisme associatif qui est passé à la vie politique", détaille-t-elle en guise de conseil aux votants.
Un climat serein qui ne vient pas de nulle part. Si Sandrine Rousseau tient à saluer "la vraie discipline de parti" qui a jusqu'à présent permis d'éviter les affrontements personnels entre candidats, elle reconnaît que l'année terrible a pu faciliter le retour au calme du parti. EELV a vécu une année cauchemardesque qui a vu le départ de nombreux élus (et donc de nombreux financements) à cause des désaccords de fond sur la stratégie à adopter face au gouvernement et à la politique de François Hollande. Une bataille qui a "trop fait souffrir" le parti et a pu permettre la cohésion idéologique actuelle.
Principale fissure au sein du parti depuis le départ de Cécile Duflot du gouvernement, la poursuite de la collaboration avec les socialistes a fait imploser le parti avec la perte des parlementaires Jean-Vincent Placé, François de Rugy et Barbara Pompili ou des historiques Pascal Durand et Jean-Paul Besset. Puis le parti s'est embourbé dans un combat entre pro et anti-Duflot, qui aimeraient tourner la page de l'ancienne secrétaire nationale.
"Le premier qui shoote, il est mort"
Conséquence de l'année terrible ? Prix élevé ? Calendrier très serré ? Il faut avouer que la primaire écologiste n'attire pas les foules. Les inscriptions (pour lesquelles il fallait s'acquitter de la somme de cinq euros) sont closes depuis le 1er octobre, soit quatre jours seulement après le premier débat entre les candidats. Résultat : "seulement" 17 000 personnes vont participer à cette primaire. Et ce, en comptant les adhérents. Une goutte d'eau à côté des près de trois millions de votants à la primaire du PS en 2011 qui a précédé l'élection de François Hollande à l'Elysée. "C'est vrai qu'en étant les premiers à voter, on essuie un peu les plâtres", veut bien admettre Sandrine Rousseau.
Effet secondaire de cette "primaire de l'amour", pauvre en polémique, c'est qu'elle laisse peu la place à une exposition médiatique d'ampleur capable d'élargir son audience. Ici, pas d'anciens ministres qui défient le président ou de luttes fratricides à coups de piques personnelles pour alimenter la chronique. "On ne va pas s'en plaindre", tempère Julien Bayou.
Depuis 1993-94, les oppositions idéologiques internes sont à la marge. La différence aujourd'hui est plus entre les Verts et les dissidents.
Pourtant, le chiffre de participation ne semble pas décourager les deux porte-parole. "A vrai dire, j'avais peur qu'on ne dépasse pas les 5 000", confie Sandrine Rousseau qui, comme Julien Bayou, se félicite que le nombre de "sympathisants" dépasse celui des militants. Et, selon eux, il ne faut rien changer et ne surtout pas céder à la tentation de créer des tensions entre les candidats. "De toute façon, le premier qui shoote, il est mort, explique Julien Bayou. Les militants ne le toléreraient pas."
Ambiance dans cette "primaire de l'amour", où les dents des supporters de Yannick Jadot et de Cécile Duflot, les deux favoris, grincent sans que les langues se délient totalement. Parmi les proches de l'ancien responsable de l'antenne française de l'ONG Greenpeace, on critique en coulisses la gestion de Cécile Duflot, décrite comme focalisée sur sa carrière personnelle. Dans l'entourage de la députée de Paris, on soupçonne Yannick Jadot de vouloir tuer dans l'œuf une candidature EELV car il ne pourrait pas obtenir les 500 signatures nécessaires pour se présenter.
Alors, primaire de l'amour ? D'accord. Mais un peu vache, tout de même.
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