Que risque Alexandre Benalla s'il a menti au Sénat sur ses passeports diplomatiques ?
L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron a affirmé sous serment qu'il avait laissé ses deux passeports diplomatiques dans son bureau à l'Elysée. Mais d'après Mediapart, il a utilisé ces documents lors de voyages d'affaires privés.
"Est ce qu'ils ont été rendus ? Ils sont au bureau que j'occupais à l'Elysée. Donc je pense que l'Elysée a dû s'en occuper." Voici la réponse qu'avait apportée Alexandre Benalla, le 19 septembre dernier, au sujet de ses deux passeports diplomatiques lors de son audition devant la commission d'enquête du Sénat. Trois mois plus tard, Mediapart révèle pourtant que l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron dispose toujours de ces deux documents, malgré son limogeage au mois de juillet.
D'après le site d'information, il s'en serait d'ailleurs servi lors de plusieurs déplacements privés en Israël et dans des pays africains. Mais l'intéressé dément : son entourage a assuré, vendredi 28 décembre, n'avoir "jamais" mené de mission à titre privé lorsqu'il travaillait à l'Elysée.
De son côté, le Quai d'Orsay affirme avoir réclamé fin juillet la restitution de ses deux passeports diplomatiques, confirmant ainsi qu'ils sont toujours en possession d'Alexandre Benalla. Sur ce point, son entourage a affirmé à l'AFP que ses passeports diplomatiques lui ont été restitués "début octobre".
Si elles embarrassent l'exécutif, ces révélations sous-entendent surtout que l'ex-chargé de la sécurité du président de la République aurait menti lors de son audition au Sénat alors même qu'il s'exprimait sous serment.
Jusqu'à 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende
En cas de faux témoignage, selon l'ordonnance du 17 novembre 1958 qui fixe le fonctionnement des assemblées parlementaires – et donc des commissions d'enquête qui s'y tiennent –, c'est l'article 434-13 du Code pénal qui s'applique pour ce délit. Celui-ci prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Pour l'heure, il existe un seul précédent : le cas du pneumologue Michel Aubier, condamné en juin 2017 pour "témoignage mensonger" devant la commission d'enquête du Sénat parce qu'il n'avait pas indiqué qu'il était aussi salarié de Total. Il a écopé en première instance d'une peine de six mois de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende, finalement réduite en appel à 20 000 euros.
Une seconde affaire a failli finir devant les tribunaux. Il s'agit du témoignage de Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale, qui avait assuré, sous serment devant le Sénat, que sa banque n'avait plus d'activités dans les paradis fiscaux. Les "Panama Papers" ont par la suite révélé le contraire mais le Sénat a finalement renoncé à poursuivre le banquier.
Le Sénat pourrait déposer une plainte
Va-t-on connaître un nouveau volet judiciaire de l'affaire Benalla ? Dans ce genre de situation, le parquet peut s'autosaisir, précise un avocat interrogé par franceinfo. "Mais c'est en principe le président de la commission d'enquête qui est compétent pour saisir le parquet, explique Michel Lascombe, professeur agrégé en droit public à l'IEP de Lille, contacté par franceinfo. Une plainte peut aussi être déposée par le bureau du Sénat, constitué du président de la chambre et des vice-présidents."
Vu le contexte et la sensibilité de ce dossier, il est difficile d'imaginer que personne ne saisisse la justice.
Michel Lascombeà franceinfo
Gérard Larcher, le président du Sénat, ainsi que le parquet de Paris n'ont pas encore répondu aux sollicitations de franceinfo. Interrogée par l'AFP, une source proche de la commission d'enquête du Sénat, qui est dominée par l'opposition de droite, a simplement indiqué que cette dernière examinera "tous les éléments parus dans les médias ces jours-ci et relèvera toute contradiction entre ces informations et les éléments recueillis sous serment pendant ces auditions."
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