Conseil national de la refondation : "Depuis la crise du Covid, le chef de l'Etat est très intéressé par cette référence mythique à la Résistance", analyse Bruno Cautrès
Pour le politiste Bruno Cautrès, "le programme que présente le chef de l'Etat est plutôt constitué d'investissements dans des dépenses d'avenir mais est assez loin des fondements idéologiques du Conseil national de la Résistance".
"Depuis la crise du Covid, le chef de l'Etat est très intéressé par cette référence mythique qu'est le Conseil national de la Résistance", analyse Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et professeur à Sciences Po Paris alors que le président de la République Emmanuel Macron propose la création d'un "Conseil national de la refondation" dans un entretien donné à la presse quotidienne régionale à une semaine du premier tour des élections législatives.
franceinfo : L'annonce majeure de cette interview est la création d'un Conseil national de la refondation composé de forces politiques, économiques, sociales, associatives, d'élus des territoires et de citoyens tirés au sort. Comment interprétez-vous ce choix ?
Bruno Cautrès : On sait depuis la crise du Covid que le chef de l'Etat et le gouvernement sont très intéressés par cette référence mythique en France qu'est le Conseil national de la Résistance. On a vu à plusieurs occasions le chef de l'Etat faire référence à une période de guerre. Au tout début de l'épidémie, un ministre avait même parlé d'"armée des ombres" pour évoquer les Français qui étaient en train de se mobiliser pour répondre à la crise. Le chef de l'Etat cherche un cadrage fort pour lancer son second mandat, avec l'idée d'une refondation, un mot qui est très important. Rappelons que le parti présidentiel vient de se trouver un nouveau nom, celui de Renaissance.
La CGT voit une provocation dans cette référence à Conseil national de la Résistance...
Dans certain segments de la vie politique de notre pays, c'est une référence très importante. On se rappelle que le Conseil national de la Résistance a démarré pendant la Seconde Guerre mondiale sous l'impulsion du général de Gaulle et de Jean Moulin, réunissant tous les mouvements de la Résistance, les forces politiques de la Troisième République, les syndicalistes de l'époque et que c'est un marqueur extrêmement fort de la période de l'après-guerre. Le Conseil avait un programme très inspiré par le Parti communiste, très à gauche avec des nationalisations, en particulier dans le domaine de l'énergie, et la création de la future sécurité sociale. Pour le moment, le programme que présente le chef de l'Etat est plutôt constitué d'investissements dans des dépenses d'avenir : l'éducation, l'hôpital mais, c'est vrai, assez loin des fondements idéologiques du Conseil national de la Résistance.
Emmanuel Macron adresse aussi un message à Jean-Luc Mélenchon, disant qu'on ne peut pas le forcer à nommer qui que ce soit à Matignon, même si la Nouvelle union populaire obtenait la majorité au Parlement. Il pourrait donc choisir quelqu'un d'autre que le chef du camp majoritaire ?
À ce moment-là de l'interview, Emmanuel Macron dit qu'il regardera les rapports de force à l'Assemblée nationale issus des élections des 12 et 19 juin et que, dans la foulée, il nommera un Premier ministre. Il s'oppose donc très clairement à l'idée de Jean-Luc Mélenchon d'être "élu" Premier ministre. Il dit d'abord qu'on ne peut pas gagner une élection à laquelle on ne s'est pas présenté soi-même, et il rappelle que les prérogatives du chef de l'Etat en matière de nomination du Premier ministre lui donnent les mains assez libres. L'accord de la Nupes, la nouvelle coalition de la gauche, mentionne expressément qu'en cas de victoire, ce serait Jean-Luc Mélenchon qui serait Premier ministre. Si tel est le cas, il y aura un rapport de force entre le chef de l'Etat et Jean-Luc Mélenchon.
Dans cette interview, Emmanuel Macron est à l'offensive, dans la dernière ligne droite des législatives. Cette campagne côté majorité, c'est bien lui qui la mène en réalité...
Oui, clairement. Jusqu'à maintenant, on avait le sentiment qu'il n'y avait pas vraiment de campagne pour les élections législatives. On se demandait même où était passé le chef de l'Etat. Ici, on voit qu'il cadre fortement la campagne. Il emprunte certaines idées qui sont chères aux électeurs de la gauche : avoir des programmes d'avenir, associer plus étroitement les citoyens. Très clairement, le chef de l'Etat est plus présent que jamais. Je note d'ailleurs qu'à propos du Conseil national de la refondation, il se situe, comme au moment du grand débat national, comme l'acteur principal. Il nous dit : 'Je lancerai moi-même ce Conseil national, la Première ministre et le gouvernement le feront vivre.'
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