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Débat : Marine Le Pen a cherché à se présenter en "futur leader de l'opposition frontale" à Emmanuel Macron

Pour Bruno Cautrès, politologue, chercheur au CEVIPOF, le débat de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle a été "extrêmement brutal", sans "une seconde de répit".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Marine Le Pen et Emmanuel Macron sur le plateau du débat de l'entre-deux-tours, à la plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 3 mai 2017. (STRINGER / AFP)

"Du jamais vu dans l'intensité, dans sa tonalité brutale, extrêmement brutale, une vraie confrontation, dès le début jusqu'à la fin il n'y a pas eu une seconde de répit dans ce débat", a analysé sur franceinfo jeudi 4 mai, Bruno Cautrès, politologue, chercheur au CEVIPOF. "Dès la première demi-heure", Marine Le Pen a adopté "une stratégie que je qualifierais de stratégie de tapis de bombes sur Emmanuel Macron". 

franceinfo : Quelle est votre analyse du débat télévisé hier entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen ?

Bruno Cautrès : Ce débat, c'est du jamais vu dans l'intensité, dans sa tonalité brutale, extrêmement brutale, une vraie confrontation. Marine Le Pen a adopté une stratégie qui n'était pas une stratégie de rassemblement pour essayer d'attirer vers elle de nouveaux électeurs.

Elle était dans une stratégie de consolidation de ses bastions et de son électorat. Elle est restée dans son registre dès le début.

Bruno Cautrès

à franceinfo

Elle a adopté dès la première demi-heure, une stratégie que je qualifierais de stratégie de tapis de bombes sur Emmanuel Macron, avec 25 premières minutes d'une tentative de KO debout, avec beaucoup de mots très forts. Et en face, on a eu un Emmanuel Macron qui, d'une certaine manière, l'a laissée venir, et peut-être même la laisser s'enfoncer progressivement, et lui progressivement est monté en régime, est monté en puissance.

Était-ce la bonne stratégie pour Marine Le Pen de systématiquement de renvoyer Emmanuel Macron au bilan du gouvernement, en faisant de lui l'héritier de François Hollande ?

C'est sûr que c'était la stratégie de Marine Le Pen de faire à Emmanuel Macron, un peu le coup que François Mitterrand avait fait à Jacques Chirac, avec ce fameux "M. Le Premier ministre", de le renvoyer au fond à son statut d'ancien ministre de l'Économie et des Finances. Elle a beaucoup insisté sur cette dimension, qu'Emmanuel Macron serait l'héritier d'un système qui représente non seulement la période de François Hollande, mais aussi de la finance, la mondialisation, la marchandisation, jusqu'à l'ultime moment du débat. Je pense que l'objectif de Marine Le Pen hier, connaissant les sondages, les intentions de vote, sentant qu'il lui sera difficile de renverser la tendance dans l'ultime ligne droite, son objectif était de se consolider comme future leader de l'opposition frontale à Emmanuel Macron.

Du côté d'Emmanuel Macron, on a l'impression qu'il était engagé dans une stratégie de "rediabolisation" du Front national ?

C'est tout l'enjeu pour Emmanuel macron, de ramener Marine Le Pen vers l'extrême droite. On a vu au cours du débat que régulièrement Emmanuel Macron utilisait ce vocabulaire, en la traitant de leader de l'extrême droite. Il y a cette phrase qui est revenue souvent de la part d'Emmanuel Macron "vous dites des bêtises". Une façon de démontrer qu'elle n'était pas dans le réel de l'économie et qu'elle était dans l'idéologie, qu'elle voulait jouer sur les peurs.

Habituellement, ce qu'on constate, c'est que ce genre de débats ne fait pas bouger les lignes, qu'au fond ils renforcent les convictions de ceux qui sont déjà acquis.

Bruno Cautrès

à franceinfo

Ils peuvent un tout petit peu faire glisser certains hésitants, ou modifier la perception que les uns ou les autres ont du candidat, sans forcément modifier leur intention de vote. D'une certaine manière ce débat a été prisonnier de lui-même, de sa tonalité, de cette confrontation entre deux styles. Et nous n'avons pas eu hier ni de propositions nouvelles, ni d'annonces, ni d'ouvertures, ou de passerelles qui tendues envers d'autres électorats.

Bruno Cautrès : "Ce débat, c'est du jamais vu dans l'intensité."

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