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"Nous sommes livrés à nous-mêmes" : le désespoir des habitants du bidonville de Kaweni, à Mayotte

La grève générale se poursuit à Mayotte, où 84% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. À Kaweni, dans le plus grand bidonville de France, le sentiment d’abandon a gagné les habitants.

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Kaweni, à Mayotte, dans le plus grand bidonville de France. (RADIO FRANCE)

Alors que la grève générale se poursuit à Mayotte, franceinfo s'est rendu à Kaweni, dans l'est de l'île, le plus grand bidonville de France. Gildas est un jeune travailleur social du quartier de Mangatélé. Vivent ici, entassés les unes sur les autres, quelque 15 000 personnes maories, comoriennes ou malgaches. 

Gildas nous montre les milliers de cabanes faites de tôle ondulée et de planches qui s'étendent à perte de vue, accrochées à la colline. Au-delà, une mer bleue et scintillante. "Vous voyez, il y a plein d’enfants qui jouent à côtés des poubelles, qui sont par terre, pas à l’école, sans vêtements, se désole le travailleur social. "Pour moi, ce n’est pas la France", ajoute-t-il.

Des conditions sanitaires et sociales désastreuses

Les déchets et les chèvres sont au milieu des habitants. Entre deux averses, Rafaïna, mère d’origine comorienne de six enfants nous montre son plafond. "Regardez ! L’eau s’infiltre ici, c’est vraiment dur de vivre ici", soupire-t-elle. 

On souffre, on ne trouve pas d’eau potable, alors on attend seulement la pluie.

Baïl, un habitant de Kaweni

à franceinfo

"Les élus, on ne les voit que pendant les élections", déplore de son côté Fainou, un mindzao sur le visage (masque traditionnel fabriqué avec du corail) pour se protéger du soleil. "C’est comme si l’État et la France nous avaient oubliés ici à Mayotte. Par exemple, cet escalier c’est nous les habitants qui l’avons construit pour ne pas tomber", montre-t-il. "Pendant les campagnes électorales, les hommes politiques se souviennent qu’on existe, sinon ils ne font pas attention à nous", assène Fainou.

Une jeunesse à la dérive

Juste à côté de la petite école coranique, nous retrouvons Anziz, 19 ans. Il se souvient du temps où il tabassait des passants dans les rue de Kaweni, sans raison. "Quand je vois à quel point j’ai changé, je regrette vraiment", confie-t-il, alors que dans le bidonville, la violence est montée d’un cran. "Maintenant, on voit des jeunes avec des chiens, des machettes, des couteaux. La plupart habitent ici. Par rapport à avant, maintenant c’est comme si c’était la loi de la jungle", constate le jeune homme.

Des jeunes à la dérive, Omar Saïd, qui dirige Wenka Culture, une association locale de réinsertion, en voit tous les jours. "L’abandon est là et on le sent. Depuis que nous sommes le 101e département français, il ne s’est rien passé sur le territoire, déplore-t-il. Rien ne se passe. Nous sommes livrés à nous-mêmes."

Il n’y a pas de travail, rien. On a une MJC qui existe depuis je ne sais plus combien de temps mais qui n’a jamais ouvert.

Omar Saïd, travailleur social

à franceinfo

"M. Macron nous a promis plein de choses quand il est venu faire son discours. Mais il n’y a rien", conclut-il, amer. À Mayotte le taux de chômage des jeunes est de 43%, contre 16% en métropole.

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