Présidentielle : de la Rotonde à Sarcelles, comment Macron a eu du mal à remettre sa campagne en marche
Arrivé en tête dimanche, le candidat a semblé pris de vitesse par Marine Le Pen et a commis des erreurs de communication.
Emmanuel Macron est-il toujours en campagne ? Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, certains observateurs en ont douté. Triomphant, dimanche 23 avril, le candidat du mouvement En marche ! a enchaîné les erreurs de communication, les moments de flottement et les déplacements compliqués, face à une Marine Le Pen qui a bien mieux débuté son entre-deux-tours. Franceinfo fait le récit de quatre jours d'une nouvelle campagne mouvementée pour Emmanuel Macron.
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Dimanche soir, une fête jugée arrogante
Il y a d'abord eu son discours, au soir du premier tour. Il est 22h20 dimanche et Emmanuel Macron est le dernier des candidats à s'exprimer. Acclamé par ses soutiens, celui qui a récolté 24,01% des suffrages exulte et se projette déjà dans l'après-second tour. "Je mesure l'honneur et l'insigne responsabilité qui me revient. (...) En une année, nous avons changé le visage de la vie politique française", déclare-t-il. "Emmanuel Macron aurait-il oublié que l’élection présidentielle comporte deux tours ?", s'interroge d'ailleurs Libération, qui le met en garde contre "la gloriole avant l'heure".
Mais c'est surtout la suite de la soirée, qui lui attire les critiques les plus virulentes. Pour célébrer son score, Emmanuel Macron choisit de dîner à La Rotonde, établissement historique du 6e arrondissement de Paris, entouré de ses proches et de quelques personnalités, comme Jacques Attali, François Berléand, ou Stéphane Bern.
Adversaires et observateurs comparent immédiatement cette soirée avec celle de Nicolas Sarkozy au Fouquet's, le 6 mai 2007, au soir de sa victoire à l'élection présidentielle. Même certains de ses alliés, potentiels ou déclarés, ne l'épargnent pas. "Chacun doit avoir en tête, y compris les principaux intéressés, que ce n'est pas encore fait (...) que Mme Le Pen n'est pas encore battue", avertit le ministre PS de l'Economie et des Finances, Michel Sapin.
Cette Fête à la rotonde est assez indigne dans une situation politique où l'extrême-droite est qualifiée pour le second tour... #Macron
— David Cormand (@DavidCormand) April 23, 2017
A la sortie du restaurant, le candidat d'En marche ! balaie les critiques. "Si vous n'avez pas compris que c'était mon plaisir ce soir d'inviter mes secrétaires, mes officiers de sécurité, les politiques, les écrivains, les femmes et les hommes qui depuis le début m'accompagnent, c'est que vous n'avez rien compris à la vie", répond-il aux journalistes qui l'interrogent. Mardi, sur France 2, il insiste et affirme n'avoir "aucun regret", ni aucune "leçon à recevoir".
Lundi et mardi, une absence remarquée sur le terrain
Après cette folle soirée, silence radio. En dehors d'un hommage, lundi, aux Arméniens victimes du génocide de 1915 et de sa participation, le lendemain, à la cérémonie d'hommage en mémoire du policier tué jeudi dernier sur les Champs-Elysées, Emmanuel Macron se fait discret, pendant que son adversaire arpente les marchés.
Cette discrétion vaut à Emmanuel Macron les critiques à peine voilées de François Hollande. "Je pense qu'il convient d'être extrêmement sérieux et mobilisé, de penser que rien n'est fait parce qu'un vote ça se mérite, ça se conquiert, ça se justifie, ça se porte", avertit le chef de l'Etat en marge d'un déplacement à Laval (Mayenne), mardi. "Depuis sa qualification pour le second tour de la présidentielle, le candidat d'En marche ! a donné l'impression d'avoir mis sa campagne entre parenthèses", écrit d'ailleurs le quotidien Les Echos, mercredi.
Mardi, son équipe de campagne annonce tout de même à la dernière minute un déplacement "surprise" à l'hôpital de Garches (Val-de-Marne), sur le thème de la prise en charge du handicap. Problème : la presse, conviée, n'a pas le droit d'entrer dans l'hôpital. L'équipe d'En marche ! a omis de demander à l'AP-HP l'autorisation de faire venir des journalistes. Les seules images disponibles de cette visite sont donc celles filmées au smartphone par l'équipe de campagne du candidat.
À l'hôpital de Garches. pic.twitter.com/732xF4VHPU
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 25, 2017
Agacé par les critiques, le candidat réplique qu'il ne se laissera pas dicter sa conduite par les médias. "Je serai le maître de mes propres horloges. Je suis depuis un an en campagne, je n'ai jamais suivi le tempo des médias", dit-il à la presse en marge de sa visite à Garches. "Il faudra vous habituer, je ne suivrai pas le rythme qui plaît aux médias. Je suivrai le rythme que j'ai décidé pour faire des choses utiles pour mon pays", a-t-il ajouté.
Mercredi, une visite agitée chez Whirlpool après un coup de poker de Le Pen
Retour sur le terrain, mercredi. Mais à Amiens (Somme), l'horloge le rattrape. A la mi-journée, alors qu'il s'entretient avec des délégués syndicaux de Whirlpool, dont le site doit être délocalisé, Marine Le Pen le prend de court, et s'offre un bain de foule triomphal sur le site. Sur les chaînes d'information en continu, le parallèle entre les deux images est dévastateur : Emmanuel Macron est enfermé dans une salle de réunion pendant que la candidate frontiste enchaîne les selfies avec les ouvriers.
Dans l'après-midi, quand il se rend à son tour sur le site Whirlpool, le leader d'En marche ! est lui accueilli par des sifflets et des "Marine présidente".
Mais le candidat réussit, au mois en partie, à retourner la séquence à son avantage. Il reste pour dialoguer pendant plus de quarante minutes avec les salariés, et en profite pour fustiger le programme de Marine Le Pen. "La fermeture des frontières, c'est une promesse mensongère", met en garde le candidat, en leur promettant de revenir "rendre compte".
"En résumé, je dirais que Le Pen a bien joué, mais que Macron a su riposter", conclut Christian Delporte, spécialiste de la communication politique interrogé par franceinfo. Selon lui, le candidat d'En marche ! a peut-être trouvé là le véritable "coup d'envoi de la campagne du second tour".
Jeudi, un accueil enthousiaste à Sarcelles
Dans la foulée de cette séquence, Emmanuel Macron a cassé le programme de sa visite à Sarcelles (Val-d’Oise) pour aller à nouveau au contact de la foule. Venu rencontrer une association qui agit en matière d'insertion dans cette banlieue parisienne, il s'est mêlé à des jeunes qui jouaient sur un terrain de foot. Et si son penalty est passé à côté - malgré l'intervention d'un de ses gardes du corps qui l'a dévié dans le but -, il a reçu un accueil enthousiaste.
Plat du pied, sécurité. pic.twitter.com/qnteLRpsjx
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 27, 2017
@OlivierG_l Merci à Jamel. Mon service d'ordre ne laisse rien passer.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 27, 2017
Des images qui ont sans doute ravi le candidat En marche !, qui en a profité pour tacler sa rivale : "Madame Le Pen, elle ne peut pas venir dans un quartier comme celui-ci, parce que, ce qu'elle veut, elle veut qu'ils s'en aillent, elle veut séparer la France, la casser en deux," a-t-il lancé aux jeunes présents.
Jeudi matin, celle-ci s'était levée à l'aube pour une opération séduction auprès des marins-pêcheurs au Grau-du-Roi (Gard), un autre déplacement destiné à offrir de belles images aux médias.
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