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Présidentielle : cinq questions pas si bêtes à moins de deux semaines du premier tour

A douze jours du premier tour, la campagne présidentielle entame sa dernière ligne droite. Macron et Le Pen ont-ils déjà gagné ? Fillon peut-il revenir ? Où s'arrêtera la dynamique Mélenchon ? Franceinfo apporte des éléments de réponse.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Les candidats à l'élection présidentielle, le 20 mars 2017 lors du débat à cinq, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). (PATRICK KOVARIK / AFP)

Le verdict des urnes approche. Dimanche 23 avril, les électeurs devront trancher entre les onze candidats à l'élection présidentielle. A moins de deux semaines du premier tour, les rebondissements continuent de rythmer la campagne. François Fillon s'accroche, Benoît Hamon décroche et Jean-Luc Mélenchon se rapproche des candidats de tête. Mais selon les sondages, de nombreux électeurs hésitent encore. Pour tenter d'y voir plus clair, franceinfo répond à cinq questions pas si bêtes autour de ce scrutin.

1Le résultat de l'élection est-il déjà joué ?

Depuis deux mois, les enquêtes d'opinion répètent inlassablement la même chose : Marine Le Pen et Emmanuel Macron font la course en tête pour le premier tour, et le candidat d'En marche ! l'emporterait largement au second. Traditionnellement, l'opinion se cristallise environ deux mois avant l'élection, et les intentions de vote des instituts de sondage ont presque toujours annoncé les deux finalistes depuis 1974, comme le prouvent les données de TNS Sofres.

Mais il existe une exception célèbre : l'élection de 2002. Les sondages annonçaient un duel entre Jacques Chirac et Lionel Jospin au second tour, et c'est finalement Jean-Marie Le Pen qui s'est qualifié en éliminant le candidat socialiste. L'élection de 2017 peut réserver de nouvelles surprises, dans un contexte international où les électeurs prennent plaisir à faire mentir les enquêtes d'opinion, comme l'ont récemment montré le Brexit au Royaume-Uni, l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis ou les résultats des primaires en France.

Ajoutons à cela que les courbes des sondages ont tendance à se rapprocher ces derniers jours, que l'abstention s'annonce record et que les Français apparaissent encore très indécis dans cette élection. Selon la dernière enquête d'Ipsos, plus d'un tiers des électeurs peuvent encore changer d'avis (36%). "Les débats vont être décisifs. (…) Ces dernières semaines de scrutin peuvent encore rebattre les cartes", assure à France 3 Gaël Sliman, président de l'institut de sondage Odoxa. Dans ce contexte, tout pronostic apparaît bien hasardeux. 

2Comment expliquer la percée de Jean-Luc Mélenchon ?

Le candidat de la France insoumise a du mal à cacher sa satisfaction. "Un enthousiasme nouveau active dorénavant notre ferveur", s'est réjoui Jean-Luc Mélenchon face à ses partisans, dimanche, lors de son meeting à Marseille. En deux mois, l'ancien ministre socialiste est passé dans les sondages de 11% à 18 ou 19%, et pointe désormais à la troisième place, selon la dernière enquête Kantar Sofres-Onepoint.

Le candidat bénéficie d'une sorte d'alignement des planètes dans sa campagne. Il profite d'abord de la perte de vitesse de Benoît Hamon, en chute libre dans les sondages. Il s'appuie aussi sur une communication habile, très active sur les réseaux sociaux. Héros de jeu vidéo avec le très ludique Fiscal Kombat, youtubeur à succès, hologramme… Le candidat ne manque pas d'imagination pour faire décoller sa campagne.

Il fait aussi en sorte d'apparaître plus calme que lors de ses précédentes campagnes. "Mélenchon joue les vieux sages dont c’est le dernier combat et fait de gros efforts pour ne pas effrayer le réservoir hamoniste qui pourrait se tourner vers lui, notamment vis-à-vis de Poutine, analyse pour Le Monde Fabien Escalona, politologue à l’Université libre de Bruxelles. Il devient le vote utile dans un vote de conviction."

Enfin, le programme de Jean-Luc Mélenchon a une résonance dans l'opinion. "Il s’inscrit dans des thèmes qui sont porteurs dans la population française à l’heure actuelle", souligne pour franceinfo le sociologue Nicolas Framont, en évoquant le rejet de la loi Travail, la réforme des institutions ou encore la renégociation des traités européens.

Il est devenu la gauche, en quelque sorte.

Nicolas Framont, sociologue

franceinfo

3Existe-t-il vraiment un "vote caché" pour François Fillon ?

Depuis plusieurs jours, l'existence d'un "vote caché" est avancée par les partisans de François Fillon pour regonfler le moral des troupes. Depuis les révélations du Canard enchaîné sur les soupçons d'emplois fictifs accordés à sa femme et à deux de ses enfants, le candidat de la droite est malmené par les sondages, où il se trouve systématiquement en troisième ou quatrième position. "L'existence d'un vote caché en faveur de François Fillon, on n'y croit pas trop, confie à franceinfo le sondeur Stéphane Zumsteeg, de l'institut Ipsos. Il n'a jamais été honteux ou tabou de voter pour la droite." Il rappelle notamment que les enquêtes d'opinion sont toutes réalisées sur internet, ce qui supprime le contact direct pouvant biaiser les réponses.

En réalité, plus qu'un vote caché, il y a une forte indécision dans l'électorat, comme le développe pour Marianne Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Pour le camp Fillon, une partie des électeurs de droite sont en colère mais voteront tout de même pour le candidat de droite devant l'absence d'alternative, comme l'assure Laurent Wauquiez au Monde (article abonnés) : "Quand ils seront dans l’isoloir face à un seul bulletin de vote pour la droite et le centre, ils se diront : 'Bon, allez ! Je vote pour la droite et le centre.'" 

Cette conviction se fonde sur le fait que les électeurs se décideraient sur les programmes et non sur les personnalités. Selon une enquête Ipsos publiée début avril, 76% des électeurs affirment en effet se déterminer en premier lieu sur le programme, et seulement 7% sur la personnalité. Mais ce dernier critère reste important. Selon une autre étude Ipsos-Sopra Steria, l’honnêteté et la probité demeurent, pour une majorité des sondés, les qualités les plus importantes pour un président de la République. Or, seuls 19% des Français jugent François Fillon honnête.

>> Existe-t-il vraiment un "vote caché" en faveur de François Fillon ?

4Pourquoi Benoît Hamon a-t-il dévissé dans les intentions de vote ?

En deux mois, le candidat du Parti socialiste a vu son score chuter dans les sondages. Dans la dynamique de sa victoire à la primaire de la gauche, Benoît Hamon obtenait entre 15 et 17% d'intentions de vote au début du mois de février. Il est maintenant passé sous la barre des 10%. "Ce n'est pas une campagne facile, je le reconnais", a concédé Benoît Hamon, lundi sur RTL, expliquant ses difficultés par "le bilan du quinquennat", les défections dans son camp et la pression du "vote utile".

La campagne du candidat patine depuis maintenant plusieurs semaines. Il faut dire que l'ex-ministre de l'Education a passé le début de sa campagne à négocier un accord avec l'écologiste Yannick Jadot, et un autre avec Jean-Luc Mélenchon (en vain). Et quand il s'est enfin mis en route, ses propositions sont devenues inaudibles en raison des affaires Fillon. Résultat, à quinze jours du premier tour, le député PS semble avoir intériorisé sa défaite. Interrogé samedi dans "On n'est pas couché" sur son vote en cas de second tour s'il n'était pas qualifié, il a répondu sans hésiter Jean-Luc Mélenchon. "Quand on accepte de dire pour qui l'on vote au deuxième tour, c'est que l'on admet qu'on n'y sera pas", analyse sur RTL l'éditorialiste Alba Ventura.

>> Le combat désespéré de Benoît Hamon contre le "vote utile"

5La France va-t-elle devenir ingouvernable en cas de duel Emmanuel Macron-Marine Le Pen ?

Si les sondages se confirment, le prochain président de la République pourrait bien être Marine Le Pen ou Emmanuel Macron. La première est annoncée au second tour depuis de nombreux mois et le niveau de certitude de ses électeurs est le plus élevé parmi les candidats (82% de choix définitifs, selon la dernière enquête d'Ipsos). Le candidat d'En marche ! semble disposer d'intentions de vote plus friables (61% dans la même enquête), mais la fameuse "bulle" est toujours là. Les polémiques ne semblent pas nuire à sa candidature, et il bénéficie largement du "vote utile" d'une partie des électeurs souhaitant barrer la route à Marine Le Pen.

Si Emmanuel Macron devient président, le plus dur viendra pour lui avec les élections législatives. "Il est difficile de dire s'il aura une majorité. Il est en tout cas certain qu'il devra passer des accords pour l'obtenir", analyse pour franceinfo Philippe Raynaud, professeur de philosophie politique à l'université Paris II Panthéon-Assas. De quoi bouleverser le paysage politique français.

Et en cas d'élection de Marine Le Pen ? "L'incertitude sera totale. (...) On peut imaginer une cohabitation directe issue des législatives", ajoute Philippe Raynaud. Pour ces deux hypothèses, le philosophe estime que la France se dirige "vers un système partisan un peu plus éclaté, où l'on ne pourra pas faire émerger de vraies majorités cohérentes à partir des deux grands partis (LR et PS)".

>> La France va-t-elle devenir ingouvernable après la présidentielle ?

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