Congrès du FN : des divergences sur la ligne du front
Si le parti d'extrême droite affiche son unité derrière Marine Le Pen, plusieurs sujets font pourtant débat entre certains cadres. Francetv info fait le point sur ces divergences à l'occasion du congrès du FN, ce week-end à Lyon.
Le PS a ses courants, l'UMP ses sensibilités... Et le Front national ? Officiellement, le parti défend une ligne, tracée par la direction, et les militants suivent. Pas de divergences. Mais en réalité, les choses sont plus complexes. Les idées de Marine Le Pen, élue présidente du FN en 2011 avec 67,65% des voix, ne font pas toujours consensus, y compris parmi les cadres du parti. Question de génération, mais aussi de positionnement électoral. Le congrès du Front national, qui se tient les 29 et 30 novembre à Lyon (Rhône), est l'occasion de revenir sur ces divergences et leur importance au sein du parti d'extrême droite.
Sur la ligne économique du parti
C'est une dissension qui prend de l'ampleur entre certains membres du parti. Historiquement, le Front national a toujours défendu des thèses néo-libérales. Jean-Marie Le Pen, qui fustigeait "l'Etat pléthorique et impuissant", fut, un temps, surnommé "le Ronald Reagan français". Cette ligne libérale-conservatrice correspond aujourd'hui à celle de Marion Maréchal-Le Pen, qui n'hésite pas à affirmer que "l'Etat stratège n'a pas toujours fonctionné", rappelle Le Monde.
Mais la crise est passée par là et l'impuissance de l'Etat est devenu un sujet porteur pour le FN, notamment dans le Nord-Est, victime de désindustrialisation et de déshérence sociale. La ligne prônée par Marine Le Pen et son vice-président, Florian Philippot, est désormais axée sur le protectionnisme économique. "Pour les uns, comme Marion Maréchal-Le Pen, le vecteur principal de la politique économique est la lutte contre l'immigration, analyse Valérie Igounet, auteure de l'ouvrage Le Front national de 1972 à nos jours. Pour les autres, comme le souverainiste Florian Philippot, l'axe est davantage mis sur le protectionnisme économique, à travers la sortie de l'euro."
Le programme économique du Front national n'est pas suffisamment élaboré pour distinguer deux vrais courants de pensée, explique l'historienne. Mais cela pourrait évoluer. "Pour gagner en respectabilité, le FN va devoir consolider ses propositions en matière d'économie. Avec le congrès et les mois qui vont suivre, les lignes vont s'affirmer et les divergences s'amplifier."
Sur l'immigration et la théorie du "grand remplacement"
Thème fétiche du Front national, l'immigration n'est pas envisagée de la même manière par la jeune et l'ancienne équipe. Tout en prônant de diviser par 20 le nombre d'entrées légales en France chaque année, Marine Le Pen met l'accent dans ses discours sur la lutte contre un communautarisme supposé. "Du fait d'une immigration de masse, notre identité nationale se dissout, a-t-elle martelé à Brachay (Haute-Marne), le 30 août. Elle se dissout sous les coups de boutoir d'un communautarisme renforcé, de revendications religieuses qui mettent à mal la laïcité et, plus largement, notre pacte républicain."
Chez ses aînés, le discours est plus radical. Selon eux, ce n'est pas seulement la République qui est menacée, mais aussi l'existence même d'un peuple français perçu comme homogène et agressé depuis l'extérieur. En mai, Jean-Marie Le Pen a ainsi dénoncé, lors d'un discours à Marseille (Bouches-du-Rhône), "une invasion migratoire" risquant "de produire un véritable remplacement des populations" françaises. Le président d'honneur du FN épouse ainsi la théorie de Renaud Camus, selon laquelle la population française - blanche - serait peu à peu "remplacée" par des populations immigrées. Des propos appuyés début octobre par le propre chef de cabinet de Marine Le Pen, Philippe Martel.
Non,Aymeric #Caron ,le grand remplacement n'est pas une théorie,c'est un phénomène démographique.
— Philippe Martel (@PhMartel) October 5, 2014
Mais, "dédiabolisation" oblige, Marine Le Pen s'est publiquement démarquée de ces allégations, les jugeant "complotistes" dans une interview au Journal du dimanche.
Sur la peine de mort
Abolie en 1981, sous la présidence de François Mitterrand, la peine capitale est défendue depuis toujours par Marine Le Pen. "La suppression de la peine de mort a effondré l'échelle des peines", déplore la présidente du parti, par ailleurs avocate. Mais ce sujet fait débat chez les cadres du FN. Florian Philippot, numéro 2 du parti, ainsi que les députés Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard s'y opposent. Ils préfèrent prôner "la perpétuité réelle", s'accordant pour dire, comme leur présidente, que l'actuelle politique pénale n'est pas assez stricte.
Sur le mariage des homosexuels
Comme l'UMP, le FN n'a pas toujours réussi à s'exprimer clairement sur l'ouverture du mariage aux couples homosexuels. Réuni en bureau politique, début 2013, le Front national adopte une motion ambiguë appelant tous ceux qui souhaiteraient manifester contre cette loi à "retrouver leur délégation", sans appeler ses sympathisants à rejoindre le défilé organisé par la Manif pour tous. Le jour de la manifestation nationale contre la loi Taubira, le 13 janvier, Marine Le Pen ne défile pas dans les rues de Paris : elle est occupée à tirer les rois dans le Tarn. Quelques mois plus tard, néanmoins, celle qui dénonçait "un piège" du PS et de l'UMP pour faire oublier la situation économique de la France change de ton : elle promet d'abroger le texte, en cas d'accession au pouvoir.
Son manque de conviction trahit-il une gêne face à cette question au sein du parti ? C'est l'avis de Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême-droite interrogé par Les Inrocks. "Marine Le Pen, c’est le phénomène Dalida, elle est adulée par un encadrement gay, de même que son père a toujours eu des personnes homosexuelles parmi ses amis", avance-t-il. Selon lui, "des cadres accusent les homosexuels de constituer un lobby" à l'intérieur du parti. Délicat, dans ces conditions, de faire de la lutte contre le mariage pour tous un thème de premier plan. D'autant que le FN n'en tirerait pas un grand bénéfice. "Ils ne vont pas faire de la politique sur une demande sociale homophobe, car il n’y a pas la clientèle politique pour ça", conclut l'historien.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.