Infographie Gouvernement de Gabriel Attal : visualisez à quel point les ministères régaliens échappent aux femmes sous la Ve République

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Catherine Colonna embrasse Stéphane Séjourné à l'occasion de la passation de pouvoir avec ce dernier, au ministère des Affaires étrangères, à Paris, le 12 janvier 2024. (THOMAS PADILLA / AFP)
Aucune femme n'occupe l'un des cinq ministères régaliens dans le nouveau gouvernement. Un déséquilibre historiquement tenace.

"Je fus la deuxième, seulement, à occuper ce poste." C'est après avoir prononcé ces mots que Catherine Colonna a quitté le ministère des Affaires étrangères, vendredi 12 janvier, au lendemain du remaniement du gouvernement. Au sein de l'exécutif désormais piloté par Gabriel Attal depuis Matignon, aucune femme n'est présente dans l'un des cinq ministères régaliens que sont l'Intérieur, la Justice, la Défense, les Affaires étrangères et l'Economie, selon l'interprétation du Conseil d'Etat.

"L'égalité entre les femmes et les hommes peut aussi et doit aussi s'exprimer au cœur du domaine régalien, où se joue la défense des intérêts les plus fondamentaux de notre Nation", a défendu la ministre sortante lors de la passation de pouvoir avec son successeur, Stéphane Séjourné. "Aucune femme sur un ministère régalien. On est bien là, à la fraîche, décontractés de la grande cause", a également dénoncé sur X Sandrine Rousseau, députée EELV de Paris, en référence à l'égalité femmes-hommes, élevée au rang de "grande cause" du premier quinquennat d'Emmanuel Macron.

Moins d'une nomination sur dix

Cet accaparement des ministères régaliens par les hommes est une constante depuis la naissance de la Ve République, en 1958. Au total, sur 262 nominations de plein exercice aux cinq ministères évoqués plus haut, seuls vingt-et-un ont concerné des femmes, contre 239 pour des hommes, d'après les calculs de franceinfo (voir notre graphique ci-dessous). Pour un de ces prestigieux portefeuilles occupés par une femme, dix en moyenne le sont par des hommes.

Dans le détail, il y a même encore moins de femmes qui ont occupé ces fonctions, puisque certaines ont été ministres dans des gouvernements différents. C'est ainsi le cas de Michèle Alliot-Marie, seule prédécesseure de Catherine Colonna aux Affaires étrangères, présente dans sept gouvernements différents entre 2002 et 2011.

Christiane Taubira, elle, a été garde des Sceaux dans quatre gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, sous François Hollande. Florence Parly, Sylvie Goulard (Défense), Nicole Belloubet, Rachida Dati, Marylise Lebranchu, Elisabeth Guigou (Justice) et Christine Lagarde (Economie) sont les autres femmes ministres concernées.

Si la sous-représentation féminine à ces postes est criante, elle diffère selon les ministères concernés. On constate le plus fort déséquilibre pour les portefeuilles de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de l'Economie : à Beauvau, au Quai d'Orsay ou à Bercy, seules deux femmes ont été nommées depuis 1958, contre une cinquantaine d'hommes dans chaque cas. Les chiffres sont légèrement meilleurs à la Défense et à la Justice (six présences au sein de gouvernements sur cinquante, et neuf sur cinquante-deux), mais restent très loin de la parité. 

Avant 1997, le néant

La situation est évidemment très différente selon les époques. Ainsi, aucune femme n'a occupé de ministère régalien au cours des mandats de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand. Il faut attendre 1997 et le gouvernement de Lionel Jospin pour que soit nommée Elisabeth Guigou à la Justice, alors qu'Edith Cresson est devenue en 1991 la première femme à occuper la fonction de Première ministre. 

Un léger virage s'amorce au tournant du XXIe siècle, avec l'émergence de la question de la parité en politique comme un véritable sujet sociétal. Une loi constitutionnelle pour "favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives" est par exemple promulguée en 2000, mais la donne ne change pas radicalement au gouvernement : six ministères régaliens sur quarante-trois sont occupés par des femmes sous la présidence de Jacques Chirac (14%), sept sur dix-neuf sous Nicolas Sarkozy (36,8%), quatre sur vingt-huit sous François Hollande (14,3%).

Cantonnées aux ministères sociaux et aux secrétariats d'Etat

Depuis 2017 et l'accession d'Emmanuel Macron à l'Elysée, quatre ministères régaliens sur vingt-six ont été occupés par des femmes (15,4%). Est-ce pour compenser ce manque de parité dans ces domaines que Catherine Vautrin et Amélie Oudéa-Castéra ont été nommées à des portefeuilles élargis, respectivement au Travail et la Santé, et à l'Education nationale, aux Sports et aux Jeux de Paris 2024 ?

Le rapport numérique entre les femmes et les hommes devrait quant à lui s'équilibrer avec la nomination prévue la semaine prochaine des secrétaires d'Etat et ministres délégués. "Les femmes ont leur place partout", a affirmé Catherine Colonna avant de passer le flambeau des Affaires étrangères à Stéphane Séjourné. Au sein du gouvernement, elles sont pourtant cantonnées, bien souvent, à des ministères sociaux (qui ne sont pas forcément moins dotés) ou à des portefeuilles liés à un périmètre limité.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.