Gouvernement de Michel Barnier : avec Anne Genetet, l'Education nationale confiée à une macroniste sans expérience sur ces questions

Députée des Français établis hors de France, l'élue macroniste s'était spécialisée à l'Assemblée nationale sur les sujets de défense et de diplomatie. Dès sa nomination samedi soir, les syndicats enseignants ont dénoncé son illégitimité.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
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Anne Genetet, alors députée des Français établis hors de France, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 octobre 2023. (ARTHUR N. ORCHARD / HANS LUCAS / AFP)

Son nom n'est pas celui qui a été le plus remarqué lorsqu'Alexis Kohler, secrétaire général de l'Elysée, a énoncé la composition du nouveau gouvernement, samedi 21 septembre en fin de journée. Mais il détonne malgré tout, au regard de son profil et du portefeuille dont elle a la charge : la députée Ensemble pour la République (EPR) Anne Genetet a été nommée ministre de l'Education nationale du gouvernement de Michel Barnier, en remplacement de Nicole Belloubet.

Jusqu'à sa nomination surprise, cette élue du camp présidentiel était surtout connue pour ses travaux sur la défense et la diplomatie. Après son élection dans la 11e circonscription des Français établis hors de France, en 2017, elle intègre la commission des affaires étrangères puis celle de la défense nationale et des forces armées, à sa réélection en 2022. Des législatives de 2022 à la dissolution de juin 2024, elle est secrétaire de cette commission.

En 2022, Anne Genetet avait cependant abordé de manière indirecte la question éducative, en étant rapporteure à l'Assemblée nationale de la proposition de loi "visant à faire évoluer la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation". "Il ne m'est pas apparu qu'elle était passionnée par le fonctionnement de notre système éducatif", a pointé auprès de l'AFP Anna Pic, députée PS membre de la commission de la Défense, après sa nomination.

Une nomination qui "ressemble à une erreur de casting"

Les syndicats enseignants n'ont pas tardé à brocarder son arrivée à la tête d'un ministère exposé, qui connaît une certaine forme d'instabilité depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022, avec une quatrième ministre en moins de trente mois. Elle "ne connaît pas grand-chose, ni de près, ni de loin, au sujet de l'école et du système éducatif, a jugé sur franceinfo Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. Cela nous inquiète beaucoup". Pour Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU (syndicat le plus représentatif du second degré), "il n'y a aucun bon point dans ce profil, ça ressemble à une erreur de casting au regard des enjeux pour l'école"

"On nous met quelqu'un qui ne connaît strictement rien à l'Education nationale, qui est manifestement là parce qu'il y a eu une forme de tambouille politicienne."

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat Snes-FSU

à franceinfo

En "colère", Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp-FSU, a déploré auprès de l'AFP la nomination d'un "clone de Gabriel Attal pour continuer la politique engagée" et qui déplaît aux syndicats enseignants.

Dès sa nomination, samedi soir, la nouvelle ministre a tenté de justifier sa nomination à l'Education nationale, qui "fait partie du domaine réservé du président", comme l'avait déclaré Emmanuel Macron à l'été 2023. "Je suis une fille de l'école publique, de bout en bout, de l'école à la fac", a mis en avant Anne Genetet auprès de l'AFP, comme pour contraster avec Amélie Oudéa-Castéra, qui avait dû quitter la rue de Grenelle en février 2024 en raison d'une polémique sur l'enseignement privé dont bénéficiaient ses enfants. "Je n'ai rien demandé et je n'ai pas fait passer de CV", s'est-elle défendue, mettant en avant un engagement pour "la transmission des savoirs" dans sa carrière.

Immédiatement mise sous pression, cette "médecin, autoentrepreneure et blogueuse", comme le mentionnait jusqu'à dimanche matin son site internet, doit s'emparer de nombreux chantiers, de la rémunération des enseignants à la labellisation des manuels scolaires, en passant par la question de l'uniforme dans les établissements scolaires ou le sujet de la mixité scolaire. "Je veux travailler sur la dévalorisation du métier et la solitude des enseignants, ainsi que sur le besoin de formation continue, a détaillé la parlementaire de 61 ans. J'ai bien conscience de tout cela".

Elle avait appelé à une "grande vigilance" face à Bruno Retailleau

Vice-présidente du groupe parlementaire dirigé par Gabriel Attal, Anne Genetet s'était montrée méfiante à propos de l'arrivée au gouvernement d'élus Les Républicains, finalement au nombre de dix. Elle avait appelé sur BFMTV, vendredi matin, à une "grande vigilance" face à la nomination probable de Bruno Retailleau au ministère de l'Intérieur. "Quand je vois les positions que monsieur Retailleau a pu prendre dans le passé, (...) j'espère bien qu'il mettra en œuvre la politique de Michel Barnier et pas la sienne."

"No go", avait-elle également opposé aux rumeurs qui faisaient de Laurence Garnier la nouvelle ministre de la Famille. "C'est un signal terrible sur la conception de la famille qu'aurait cette politique gouvernementale. C'est aller à revers de tout ce que les Français ont plébiscité, voté et soutenu depuis de nombreuses années", avait critiqué Anne Genetet sur la chaîne d'information. Pointée du doigt pour ses positions conservatrices anti-mariage pour tous, Laurence Garnier n'occupera pas le ministère de la Famille mais intègre malgré tout le gouvernement, au portefeuille de la Consommation. 

Au ministère de l'Education, Anne Genetet devra composer avec Alexandre Portier, chargé de la Réussite scolaire et de l'Enseignement professionnel. L'élu LR, conservateur et proche de Laurent Wauquiez, a défendu l'enseignement privé à plusieurs reprises et pourfendu la politique de Pap Ndiaye, titulaire du poste de mai 2022 à juillet 2023. "L'Ecole est désormais présentée comme un lieu qui institutionnalise les discriminations et qu'il faudrait donc transformer pour y répondre. Or, tout analyser en termes de dominations, voilà bien un trait caractéristique du wokisme", avait-il critiqué dans Le JDD, en juin 2023. Au gouvernement, la collaboration entre Renaissance et LR sur les sujets éducatifs s'annonce complexe.

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