Gouvernement de Michel Barnier : Bruno Retailleau, un conservateur fervent opposant à Emmanuel Macron, nommé au ministère de l'Intérieur

Le patron des sénateurs Les Républicains atterrit à Beauvau, en remplacement de Gérald Darmanin. Soutien de François Fillon en 2017, il avait manifesté contre le mariage pour tous au début du quinquennat Hollande.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Bruno Retailleau, alors président du groupe Les Républicains au Sénat, à Paris, le 20 juin 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

C'est une personnalité de poids, rompue aux négociations avec les parlementaires, qui débarque au gouvernement, à l'un des ministères les plus exposés. Cadre des Républicains, Bruno Retailleau a été nommé samedi 21 septembre ministre de l'Intérieur du gouvernement de Michel Barnier, dont la composition a été dévoilée après de longues et âpres discussions. Il succède à Gérald Darmanin, qui occupait le poste depuis juillet 2020, dans une nouvelle configuration de l'exécutif qui penche davantage à droite. 

Depuis la place Beauvau, en face de l'Elysée, le patron des sénateurs LR depuis 2014 va devoir appliquer la politique défendue par Michel Barnier. Laquelle se définit, en matière d'affaires intérieures, par une plus grande fermeté à l'égard de la délinquance, mais par une intention de "maîtriser les flux migratoires avec des mesures concrètes", comme l'a défendu le chef du gouvernement sur TF1, le 6 septembre.

Ancien proche de Philippe de Villiers

Nul doute que Bruno Retailleau devrait se montrer à l'aise avec ce cap. Le Vendéen, longtemps proche de Philippe de Villiers, est par exemple favorable au rétablissement des peines planchers introduites par Nicolas Sarkozy et supprimées sous François Hollande. Autre mesure souhaitée par le parlementaire : la suppression des allocations familiales en cas de condamnation d'un mineur. "L'autorité, c'est comme la poussée d'Archimède, c'est proportionnel à ce qu'il y a en face", avait-il souligné lors de la présentation du pacte législatif de LR, après les législatives.

En matière d'immigration, cette fermeté revendiquée tous azimuts s'est incarnée par une proposition de loi, déposée en juin 2023, destinée à "reprendre le contrôle de la politique d'immigration, d'intégration et d'asile", beaucoup plus ferme que le projet de loi initial défendu par le gouvernement. Après un durcissement du texte de l'ex-majorité, et la censure de certains articles par le Conseil constitutionnel, l'élu avait dénoncé "un déni de démocratie", avant de déposer une proposition de loi pour davantage de fermeté.

Défenseur d'une ligne très conservatrice et anti-immigration

A l'été 2023, Bruno Retailleau avait fait polémique en faisant un "lien" entre l'immigration et les émeutes déclenchées par la mort de Nahel. "Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité", avait alors estimé le chef de file des sénateurs LR. "Malheureusement pour la deuxième, la troisième génération [les descendants d'immigrés], il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques." La gauche l'avait accusé de défendre une thèse "racialiste".

Cet ancien membre du Mouvement pour la France (MPF) incarne la ligne la plus conservatrice de son parti. Il avait notamment manifesté contre le mariage pour tous en 2013, et s'était opposé à l'interdiction des thérapies de conversion, visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Un positionnement assumé et revendiqué, notamment lors de sa campagne pour la présidence du parti, fin 2022. "Contre les délires pédagogistes, nous voulons des programmes concentrés sur les savoirs fondamentaux et l'uniforme à l'école", avait-il détaillé pour marquer sa différence avec Eric Ciotti, qui l'avait battu.

Il était par ailleurs opposé à l'inscription de l'IVG dans la Constitution, jugeant que ce droit n'était pas menacé en France. "C'est un débat qui est venu des Etats-Unis, et les débats américains n'ont pas à être importés sur le territoire national", justifiait-il sur franceinfo.

Quelques mois avant d'assumer "de porter une politique de civilisation" pour briguer la présidence de son parti, Bruno Retailleau avait refusé de choisir, au second de l'élection présidentielle de 2022, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. "Aucune voix pour Marine Le Pen, aucun accord avec Emmanuel Macron. (...) La droite n'est pas soluble dans le macronisme", expliquait-il alors à Ouest-France.

Une opposition farouche à Emmanuel Macron

S'il avait contrasté avec d'autres voix chez LR, ce positionnement n'avait guère étonné chez cet ancien soutien de François Fillon pour l'élection présidentielle de 2017. Le responsable, tenant d'une ligne très droitière au sein de son parti, n'a jamais épargné Emmanuel Macron et le bloc central depuis l'avènement du macronisme. En juin dernier, le Vendéen pointait "le bilan d'Emmanuel Macron aujourd'hui et de ce bloc central" avec "1 000 milliards de dette supplémentaire depuis 2017". Le sénateur LR n'a cessé de critiquer la politique migratoire de l'ex-majorité, qui a selon lui participé à "l'explosion" de l'insécurité en France.

Avant la nomination effective de Bruno Retailleau au gouvernement, les rumeurs sur cette arrivée ont déclenché des remous au sein de la coalition présidentielle. "C'est la vieille France. Ils ont voté contre tous les sujets que nous avons fait évoluer sur le droit des femmes", a dénoncé vendredi sur BFMTV Ludovic Mendes. Le député Ensemble pour la République de Moselle évoquait également le cas de Laurence Garnier, pressentie au ministère de la Famille. "Bruno Retailleau à l'Intérieur : grande vigilance", a aussi tweeté Anne Genetet, nommée ministre de l'Education nationale. Au sein du gouvernement, la cohabitation entre la coalition présidentielle et LR pourrait tourner à la défiance mutuelle.

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