Scandales, fortes pressions et nouvelles révélations : pourquoi François de Rugy a finalement décidé de démissionner
Le ministre de la Transition écologique et solidaire, sous le feu des critiques après les révélations de Mediapart, a annoncé mardi sa démission du gouvernement.
L'annonce a surpris tout le monde. Il est exactement 14h32, mardi 16 juillet, lorsque François de Rugy publie un long communiqué sur sa page Facebook. L'annonce, espérée depuis une semaine par les opposants du ministre de la Transition écologique et solidaire, arrive au sixième paragraphe. "J'ai présenté ma démission au Premier ministre ce matin", écrit l'ancien membre d'EELV, empêtré depuis le 10 juillet par plusieurs affaires révélées par Mediapart.
"Les attaques et le lynchage médiatique dont ma famille fait l'objet me conduisent aujourd'hui à prendre le recul nécessaire, explique François de Rugy. La mobilisation nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d'assumer sereinement et efficacement la mission que m'ont confiée le président de la République et le Premier ministre."
"François de Rugy compte bien rester ministre"
Un discours qui tranche radicalement avec sa dernière interview publiée mardi matin. La veille, François de Rugy recevait les journalistes de Ouest-France dans son bureau de l'hôtel de Roquelaure. "Pas de tentation d'Ouessant", affirme le ministre à ceux qui le verraient bien retourner sur son île bretonne. "François de Rugy compte bien rester ministre. Quoi qu'il arrive", conclut le quotidien régional. Une petite phrase qui résonne drôlement au regard du scénario des heures suivantes.
François de Rugy pensait sûrement avoir réussi à passer entre les gouttes. Jeudi 11 juillet, le ministre, sous le feu des critiques, avait dû écourter sa visite dans les Deux-Sèvres afin de rentrer précipitamment à Paris. Il était convoqué par Edouard Philippe pour un entretien de plus de deux heures. Dehors, les journalistes faisaient le pied de grue devant Matignon et bruissaient des rumeurs sur sa démission. Il n'en sera rien.
François de Rugy sauve son poste mais le chef du gouvernement demande une "inspection" concernant les travaux réalisés dans l'appartement de fonction du ministre. Les services du palais Bourbon vont, eux, se pencher sur les dîners de l'ex-président de l'Assemblée nationale. Dès le lendemain, celui-ci maintient sa position sur BFMTV : "Je n'ai absolument pas de raison de démissionner".
La pression et le manque de soutiens
Alors, que s'est-il passé pour qu'en quelques heures François de Rugy remette sa démission, acceptée par l'Elysée qui y voit "une décision personnelle" ? "J'imagine qu'il a dû constater que pour se défendre, il était préférable de prendre du recul et de ne pas apparaître comme une personne qui s'accroche à son poste", analyse pour franceinfo le député LREM de Seine-Maritime, Damien Adam. "Je pense que, la pression médiatique ne faiblissant pas, son entretien avec le Premier ministre lui a peut-être fait réaliser qu'il lui était difficile de rester en poste et de conduire son mandat correctement", suppute son collègue du Nord, le député LREM Christophe Di Pompeo.
Il devait être dur de regarder dans les yeux le président si vous savez que vous avez une part de responsabilité sérieuse dans ce bordel, même si ça n'a rien de comparable avec des vraies affaires d'Etat.
Une parlementaire de la majoritéà franceinfo
"Je n'ose imaginer la pression qu'il a dû subir ces derniers jours. Sa démission est en cohérence avec les convictions de l'homme politique", glisse la députée LREM, Catherine Osson. Du côté de l'opposition, on y voit là aussi la conséquence d'une pression trop forte. "Quand j'ai vu les propos minimalistes du président de la République et l'absence de soutiens des députés LREM ce week-end, j'ai senti qu'il y avait assez peu de gens qui voulaient se mouiller pour le défendre", remarque le député LR, Julien Aubert. "Je pense qu'il a été contraint à la démission et c'est évidemment un affaiblissement pour le président et le gouvernement", affirme le patron du PS, Olivier Faure.
La nouvelle affaire Mediapart
Le timing de cette démission interroge pourtant : pourquoi jeter l'éponge précisément maintenant ? La pression était déjà très forte depuis plusieurs jours. "Il y a d'abord eu les premières révélations puis les articles sur Orvault [l'appartement du ministre près de Nantes] et les impôts qui ont été rapidement élucidés donc, nous, on attendait plutôt la fin des enquêtes de Matignon et de l'Assemblée nationale", confie une source proche du dossier. En réalité, la réponse est à chercher du côté du tombeur du ministre : Mediapart.
Lorsque François de Rugy annonce sa démission, le site d'investigation s'apprête à publier de nouvelles révélations sur le ministre selon lesquelles il aurait utilisé ses frais de mandat de député pour payer une partie de ses cotisations d'élu à son ancien parti EELV, tout en les déduisant du calcul de ses impôts. Pour boucler leur article, les journalistes de Médiapart ont besoin d'une réaction de François de Rugy et adressent donc lundi soir de nouvelles questions à son cabinet. Pour le ministre, la coupe est pleine et il le fera savoir dans son communiqué sur Facebook.
Je suis soumis à un feu roulant de questions nouvelles et contraint de parer sans cesse à de nouvelles attaques.
François de Rugysur Facebook
Selon le journaliste de Mediapart, Michaël Hajdenberg, interrogé par franceinfo, le cabinet de François de Rugy indique au site d'information que les réponses à leurs questions seront fournies le mardi à 13 heures. A l'heure dite, aucune réponse. Les journalistes rappellent le cabinet. "On nous a dit qu'il n'était pas prêt mais que ce serait le cas à 14 heures", raconte Michaël Hajdenberg.
En réalité, à cette heure-là, selon les informations de franceinfo, François de Rugy est déjà en train de prévenir ses secrétaires d'Etat de sa décision. Quelques heures plus tôt, il l'a lui-même annoncée au Premier ministre lors d'une réunion calée de longue date, relate Europe 1. A 14h30, la nouvelle tombe sur Facebook, laissant Mediapart sans réponse. "Je me sens bien même si je ressens un grand sentiment d'injustice face aux méthodes de Mediapart", confie à BFMTV un peu plus tard François de Rugy. Le désormais ex-ministre va pouvoir se consacrer à sa défense, et notamment à sa plainte contre le site qui a révélé ces affaires, pour diffamation.
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