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Loi sur le renseignement : les opposants espèrent toujours être écoutés

Alors que le projet de loi sur le renseignement a été voté à l'Assemblée nationale, les opposants misent maintenant sur le Sénat et le Conseil constitutionnel. Leur objectif : faire évoluer le texte.

Article rédigé par franceinfo - Par Étienne Combier
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Le Sénat en séance, le 7 avril 2015.  (CHARLES PLATIAU / AFP)

Après l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi sur le renseignement, avec une large majorité, les opposants misent désormais sur les sénateurs pour faire évoluer le texte. La commission des lois du Sénat devrait commencer à examiner le texte le 20 mai, avant qu'il arrive dans la Haute Assemblée dans la première moitié du mois de juin. Les opposants regroupent des associations de défense des libertés, des juges antiterroristes, des avocats, mais aussi des syndicats, des associations de victimes et le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Et ils comptent tous utiliser ce délai de quelques semaines pour se faire entendre. 

Quelles seront les forces en présence au Sénat ? Les groupes politiques, contactés par francetv info, n'ont pour l'instant que des bribes de positions. Si le groupe communiste devrait s'opposer à la version votée par l'Assemblée, Europe Ecologie-Les Verts, l'UDI, le PS et l'UMP n'ont pas encore adopté de position claire. Seule l'UMP se dit favorable au texte, mais souhaite cependant le modifier en supprimant un article et en introduisant davantage de contrôle. 

L'objectif : sensibiliser les sénateurs

Les sénateurs sont une cible de choix pour les opposants qui souhaitent faire évoluer la réflexion sur ce projet de loi. "Nous avons peut-être une fenêtre plus grande au Sénat, les sénateurs sont un peu plus sages", estime Adrienne Charmet, responsable des campagnes à la Quadrature du Net, une association qui défend les libertés sur la toile. "Le Sénat a effectivement un certain recul, mais il est majoritairement à droite, il peut en sortir des choses peu attendues", nuance Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature, également opposée au texte.

Comme pour les députés, les opposants vont contacter tous les sénateurs, un à un, pour les sensibiliser et tenter de les faire changer d'avis. "Nous allons mener le même travail de conseil, d'analyse juridique. Nous allons proposer des pistes d'amendements", complète Adrienne Charmet. Même ambition chez Amnesty International et sa responsable juridique, Jeanne Sulzer, qui compte utiliser "tous les leviers vers davantage de garanties, davantage de contrôle et un vrai respect des libertés fondamentales."

Les opposants s'attendent à un combat difficile. "Nous avons peu d'espoir que le texte devienne bon. Pour qu'il devienne acceptable, il faudrait le refaire de fond en comble", estime Adrienne Charmet.  

Mobiliser sur deux points clés

Au niveau du contenu, les opposants veulent insister sur deux points clés : les "boîtes noires" et le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cette dernière, composée de treize membres dont six parlementaires et six magistrats, serait responsable du contrôle des nouveaux moyens octroyés par le projet de loi aux services de renseignement. Les opposants lui reprochent de n'avoir que des avis consultatifs, donc sans contrainte pour le gouvernement. Les "boîtes noires", quant à elles, seraient des logiciels espions placés au niveau des fournisseurs d'accès internet et des hébergeurs. Elles espionneraient l'ensemble de l'internet français, à la recherche de "comportements suspects" signalés par un algorithme. 

"Nous plaçons l'essentiel de nos espoirs sur le Sénat pour qu'il fasse une série d'amendements sur l'algorithme et qu'il demande davantage de contrôle", affirme Jeanne Sulzer, d'Amnesty International. "Le projet de loi doit être plus encadré. Il y a de la marge pour l'améliorer, il faut que les lignes bougent", lance Françoise Martres. 

Trouver un compromis en influençant le texte

Selon la procédure accélérée choisie par le gouvernement, le texte sera examiné par le Sénat, avant de passer par une commission mixte paritaire composée de sept députés et de sept sénateurs en cas de désaccord entre les deux chambres. "La commission mixte paritaire ne statuera pas sur des amendements, mais cherchera à aboutir à un compromis" décrit Jeanne Sulzer. Aussi, les opposants souhaitent que le texte voté au Sénat soit le plus différent possible de celui de l'Assemblée, pour que la commission mixte atténue les points les plus débattus. 

"Nous sommes pragmatiques : nous pouvons peser sur ce vote au Sénat, et espérer que les sénateurs auront plus de discernement que les députés", estime Grégoire Pouget, de Reporters sans frontières. "Le Sénat n'est pas soumis à la même pression médiatique et gouvernementale que l'Assemblée. Il y a un peu plus de temps que pour les députés, avec une expérience des débats et des questions soulevées", complète Adrienne Charmet, de la Quadrature du Net. 

En dernier recours : le Conseil constitutionnel

Au cas où les opposants ne parviendraient pas à atteindre leurs objectifs au Sénat, ils placeront leurs espoirs sur le Conseil constitutionnel. Le 19 avril, François Hollande a annoncé qu'il saisirait les sages de la rue de Montpensier, une première pour un président dans l'histoire de la Ve République. Cette saisine, qui portera sur l'ensemble du texte, sera complétée par une autre, menée cette fois-ci par 75 députés sur des questions précises. Comme le relève Rue89, la majorité d'entre eux viennent de l'opposition

Pour Adrienne Charmet, cette dernière saisine est primordiale. "Nous espérons que les questions posées au Conseil seront suffisamment précises, mais nous sommes assez confiants." 

Plus largement, l'objectif des opposants reste de mobiliser les parlementaires, mais aussi et surtout la société civile. Comme le résume François Mastres, "la mobilisation continue. Nous voulons réveiller les citoyens."

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